Je dois avouer que ce T4 fait remonter l‘Anti-magicien un peu plus dans mon estime. J'avais adoré le T1, qui renversait pas mal de codes de la fantasy et apportait un vent de fraîcheur à l'imaginaire YA avec ses personnages étonnants et complexes. Les tomes 2 et 3 étaient aussi intéressants, riches en infos sur l'univers et en progression des personnages, mais n'avaient pas réussi à m'accaparer comme l'avait fait le T1. J'ai retrouvé dans le tome 4 un réel plaisir de lecture et de découverte du monde aux côtés de Kelen.
On quitte Furia à la fin du T3 pour que Kelen puisse suivre sa propre voie. Cette séparation, pas moins douloureuse, reste nécessaire à l'évolution personnelle de Kelen, qui a aussi besoin de découvrir le monde par lui-même (Rakis reste quand même avec lui, attention). Son objectif principal est toujours de trouver un remède à l'ombre au noir qui lui mange une partie du visage et qui finira par le condamner un jour… Cet objectif le mène alors sur la route de l'Abbaye d'Ébène, lieu mystique où l'on traiterait l'ombre au noir. Comme tout Mythe, il y une part de légende et une part de vérité. J'ai trouvé que la nature de l'Abbaye d'Ébène, sa fonction et ses habitants étaient très bien imaginés et mis en scène… Même jusqu'ici, S. de Castell a su faire preuve de créativité et de pertinence par rapport à son univers.
L'Abbaye d'Ébène permettra à Kelen de faire un tas de rencontres (en un tome, j'ai été impressionnée par l'approfondissement des personnages, qu'on avait l'impression de connaître à la fin du T4 et dont certains sont très attachants) et d'en apprendre pas mal sur son ombre au noir… Et parlons-en, de l'ombre au noir, car elle est à l'honneur plus que jamais dans ce tome. Qui aurait cru qu'il y en aurait plusieurs sortes ? Et que S. de Castell ait eu de si bonnes idées en lien avec cette forme particulière de magie ? Je suis admirative de sa créativité en termes de magie, d'ailleurs. La magie des murmures, la magie Jan'Tep, la magie des pièces… En partant de choses qui semblent banales, il arrive à construire différents systèmes de magie uniques et originaux.
Pour revenir aux personnages, Kelen est fidèle à lui-même : il se sent terriblement seul, mais ses expériences passées l'empêchent d'ouvrir son coeur et d'avoir confiance. Ça ne facilitera pas du tout le contact avec les habitants de l'Abbaye d'Ébène, qui finiront toutefois par s'attacher à notre anti-héros plus charismatique qu'il ne le pense, et par l'aider. J'ai beaucoup apprécié Kelen dans ce T4, car il se surpasse, il fait toujours preuve d'ingéniosité dans ses ruses, il apprend à se servir de tous ses atouts, mêmes minimes, pour parvenir à ses fins. C'est un personnage tout en nuances, en sentiments complexes, aux idées non fixées et au grand coeur malgré tout. Parmi les personnages secondaires, ceux de l'Abbaye sont aussi divers qu'appréciables (ou pas). Tournam, Ghilla, sont des figures assez féroces et acharnées, tandis que Butelios, Azir, Suta'rei et Diadera seront plus doux et compréhensifs de prime abord. J'ai bien aimé leur traitement au fil du volume… Apprécions aussi la présence de la soeur et du père de Kelen, qui sont toujours aussi étranges dans leur façons de faire avec Kelen. C'est aussi là la nuance entre bien et mal, entre gentil et méchant… malgré leur ressentiment envers Kelen, le vilain petit canard, ils éprouvent toujours une étincelle d'affection pour ce membre de leur famille.
Côté plume, c'est toujours aussi sympathique. S. de Castell sait très bien retransmettre les pensées et réflexions de Kelen et donne de la crédibilité et de la pertinence à des actes qui ne sembleraient pas très « éthiques ». de ce PDV-là, l'auteur prend un parti osé, où la limite penche entre noir et blanc… Pourtant, on ne peut pas s'empêcher de comprendre Kelen et d'approuver certaines de ses actions, qui peuvent sembler absurdes ou cruelles dans un premier temps. Il y a donc de jolies leçons de vie, mine de rien, à travers cette oeuvre jeunesse. Des leçons qui concernent tout le monde. Ce n'est pas pour autant qu'il y a un côté moralisateur à l'histoire… la liberté individuelle est aussi très importante dans l'Anti-magicien.
Ce tome 4 aura donc été prenant, créatif et osé, tant dans le scénario que dans le traitement des personnages (on est pas mal bousculés de côté-là, notre petit coeur n'est pas tranquille quand on sort de la lecture). Hâte d'avoir le T5, car l'histoire prend en ampleur de tome en tome.
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