Le citronnier

Elle – ce pourrait être son prénom mais ce pourrait très probablement être un pronom personnel à dimension universelle afin que chacun s'y reconnaisse, –  est née en plein milieu du chaos, entre le bruit des fusillades et les rivières de sang. Un premier cri poussé dans un pays en pleine dictature où le silence est devenu roi. Un silence assourdissant dans les fratras et fracas de la guerre et où, Elle est cette « boule de feu incandescente », « lucide et lumineuse », parmi toute la noirceur et la puanteur. Elle grandit, et pour échapper au monde, elle se réfugie tout en haut de son citronnier d'où elle observe les adultes, et aspire durant des heures et des heures à un monde meilleur, plein de l'innocence de l'enfance, jusqu'au jour où…

Malgré la dureté du sujet, beaucoup de douceur se dégage de cet album au texte résolument et infiniment poétique. A cette poésie d'ailleurs, s'ajoutent les illustrations absolument saisissantes de Barroux qui parvient à retranscrire malgré le chaos de la guerre – sacrée gageure, – l'espoir et donc la vie.

De tous ces contrastes, naît une oeuvre dont toute l'humanité et l'espoir sont concentrés dans cette petite fille devant laquelle on ne peut que s'incliner et faire preuve d'humilité. Ainsi, le lecteur adulte la remercie de l'avoir poussé dans ses retranchements en se rappelant amèrement, que même si chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition, la barbarie sommeille également en lui.

Veillons à ce que les citronniers continuent toujours à pousser.

Un album assez éprouvant, qui parle de dictature, de guerre, d'exécutions, de résistance, de parents enlevés, de tristesse… et de vie aussi, grâce à une petite fille dont les larmes créent un torrent qui accueille les corps morts et qui balaie tout. C'est poétique, puissant. Pour autant, je pense que c'est difficile d'accès pour les enfants. Cet album mérite d'être accompagné, expliqué, par exemple dans le cadre scolaire.