Les formes élémentaires de la vie narfec

L'analyse de l’argot narfec apporte des pistes de réflexions supplémentaires quant à l’usage métaphorique d’un contenant symbolique pour parler de soi ou de ses activités. Citons les expressions : « Oh, t'as vu ta boîte ! » (le terme renvoyant ici au visage), « Oh hier, je me suis mis une sacrée boîte ! » (le terme renvoyant dans ce cas à un excès de substances alcoolisées), ou encore « Oh, comme il s'est fait mettre en boîte ! » (le terme renvoyant alors aux railleries d’une tierce personne).

Étrangement, lorsque les Narfecs veulent exprimer un grand ravissement ils ont tendance à utiliser avec entrain l'expression « Oh, comment ça dé-boîte ! ». Nous l'aurons compris, l'expression relève fort bien le caractère exceptionnel, voire extraordinaire, de la chose ainsi évaluée. Il ne faudrait pas pour autant conclure que les Narfecs recherchent réellement une extra-boîtité dans leur quotidien, car à l'inverse de l'exemple précédent, l'expression « Oh, comme je me suis fait dé-boîté ! » comporte une forte charge négative, qui dit bien ce qu'elle veut dire.

Bien que la description ne soit pas exhaustive, ces éléments relatifs à la place des boîtes dans le langage narfec nous amène à questionner la fonction de cette omniprésence structurelle. Tout se passe comme si, en Narféquie, la boîte était à la fois une allégorie langagière, le lieu des activités économiques et un cadre de pensée qui s’em-boîte pleinement dans le quotidien des interactions. L'expression « C'est dans la boîte ! », qui vient parfois signifier l'achèvement d'une activité considérée comme réussie, corrobore cette idée.

L’une des observations les plus saisissantes lorsqu’on parcourt les rues narfecs concerne les habitations. Les hommes se logent les uns sur les autres dans des appartements, c'est-à-dire des divisions de grands parallélépipèdes (les immeubles) se scindant eux-mêmes en sous-parallélépipèdes donnant sur des ouvertures rectangulaires plus communément appelées fenêtres ou portes. Comme l’habitat est structuré par et dans le rectangle jusqu’aux briques ou aux parpaings qui le construisent, on peut se demander si l’habitant, lui, ne serait pas habité par cette forme, par cette structure qu’il produit, et qui se reproduit à l’infini, ou presque...