Le Jour d'Avant, est peut-être le livre le plus sombre écrit par
Sorj Chalandon.
les événements du 27 décembre 74, à Liévin allaient le hanter pendant de nombreuses années, "cet ensemble de faits a constitué ma première colère d'homme".
Ayant trouvé son personnage central, par la voix de Michel Flavent, il décide de mettre au grand jour ce coup de grisou, que la France avait pudiquement oublié, et posé sur celui-ci le terme de fatalité.
Toutes les preuves de l'accident de la mine du puits numéro trois bis, tous les éléments utiles pour analyser, expertiser les motifs de la catastrophe ont été laissés par 710 m de fonds. Aucune enquête ne sera menée pour savoir si cette fatalité cachait en réalité certaines défaillances techniques, ou humaines. Il fallait sortir de la mine toute cette colère et ne plus la laisser dans les galeries, ne sont remontés que des cercueils.
Joseph le frère aîné, le frère adoré y a laissé sa peau, après 26 jours de coma, le père un an après mettait fin à ses jours, laissant à Michel une lettre « Michel venge nous de la mine ».
Un malaise persistait, non relayé par les articles de presse, on entendait, "ici tu n'es pas à l'école, tu es à la fosse", ou, "si on appliquait strictement le règlement on ne travaillerait que deux heures et vous seriez payés que deux heures".
Un élan bref de solidarité a été lancé, pour aider les familles des 42 victimes, mais comble de malveillance, les victimes sont jalousées et se taisent, "les retenues sur salaires, pour vêtements déchirés et les trois derniers jours non payés", constitueront une honte et une ultime humiliation pour les familles. Une ambiance délétère suffocante comme un air chargé de poussières circulait un air vicié poudré de houille.
Cette colère de
Sorj Chalandon, n'est pas seulement celle des mineurs, c'est aussi la colère de la terre, la terre qu'on laboure, que l'on creuse mais qui ne donne plus rien.. Je vois dira t-il ; "les travailleurs, un lundi matin, qui apprennent à la grille de leur usine, qu'un patron voyou a déménagé leurs machines dans la nuit, les agriculteurs qui se pendent au faîte de leur grange."
«
Le Jour d'Avant », c'est aussi l'actualité trouble des gens du nord, ce sont d'autres activités qui se meurent, Michel partira après sa mère, après sa belle-soeur. le destin du couple de Michel et de sa femme Cécile est poignant, fuir, mais pour aller où, cet éden espéré pour se reconstruire n'a pas cicatrisé une plaie en dormance dans ses veines.
Michel revient, lié à la promesse faite à son père, et taraudé par la personnalité du contremaître, Lucien Dravelle, le responsable de la sécurité, celui qui se pavanait sur la tribune officielle lors des cérémonies qui ont suivies, le drame cette foutue fatalité.
C'est un choc quand il revoit Lucien Dravelle sur un fauteuil, muni d'une réserve d'oxygène et respirant difficilement par des tuyaux.,
C'est pour un procès que Michel Flavent est revenu, pour venger la mine et tous les mineurs de Liévin. Ce procès est magnifiquement orchestré par
Sorj Chalandon.
C'est le procès des Houillères, et de ses dirigeants qui sera mis sur la table, par des voies surprenantes avec des révélations fracassantes, en dépit du procureur et de sa volonté de rester dans le cadre d'une affaire privée de droit commun, c'est toute l'humanité de ce monde qui transparaît magnifiquement, la vérité et des aveux prononcés en s'éloignant par un chemin de traverse, c'est la magie du romancier.
Un livre magnifique, bouleversant avec cette qualité d'écriture toujours aussi juste, la marque d'un très grand talent, propre à tous les récits de
Sorj Chalandon,
Au loin une petite lueur d'espoir perce, comme ces derniers éclats arrachés au seigneur des ténèbres » page 111.