Encore une fois,
Sorj Chalandon part d'un fait réel dramatique et nous offre un roman poignant, un coup de coeur pour moi dans cette rentrée littéraire 2017.
Le 27 décembre 1974, la mine de Liévin fut le siège d'un drame qui devait marquer tous les esprits...et encore plus les habitants de la région, encore partagés entre la culture de la terre ancestrale et la mine qui au début du XXe siècle prenait de plus en plus de place dans leur vie quotidienne, tous ayant au moins un membre de la famille là-bas en bas.
En ce matin de décembre, un coup de grisou tue 42 mineurs. Au delà du drame humain, les hommes se taisent mais pensent tous très fort que la catastrophe aurait pu être évitée.
Joseph Flavent, entré à la mine à 20 ans, fait partie des victimes, mais lui n'est pas mort ce jour-là mais un mois plus tard dans son lit d'hôpital, sans les honneurs et sans la consolation pour sa famille de voir son nom inscrit sur le monument commémoratif.
Son petit frère Michel n'a que 16 ans au moment du drame.
Un an après, son père disparaît à son tour..."Venge-nous de la mine" lui écrit-il juste avant de se suicider.
Resté seul avec sa mère, le jeune Michel collectionne les coupures de journaux et autres compte-rendus du drame. Il bâtira un véritable mausolée à l'effigie de son frère tant-aimé...
Alors qu'il a quitté depuis longtemps la région et vit à Paris, il attendra quarante ans, et la mort de sa femme, avant de revenir chez lui, pour punir Lucien Dravelle, le contremaître (le porion) qu'il juge responsable de ce drame.
Mais sa mémoire se joue de la vérité et la réalité n'est pas toujours celle qu'on croit...
Voilà un roman que l'on ne peut pas lire sans émotion...
L'auteur décrit de manière très réaliste la vie dans les corons, les femmes qui attendent avec soulagement le retour des hommes, tandis que les enfants, eux guettent le pain d'alouette (reste des tartines, ramené du fond de la mine par le mineur). Il décrit aussi les risques du métier, les drames à répétition qui endeuillent les familles, et les rescapés qui crachent leurs poumons jusqu'à leur dernier souffle, fauchés par la silicose et détruits par le manque d'oxygène.
Je ne vous dirai rien des rebondissements qui vous attendent à la lecture de ce roman. Il est impossible pour moi de vous dévoiler un tant soit peu des éléments de l'histoire sans dévoiler l'essence même du récit.
L'auteur dénonce la fragilité des hommes face à la machine financière en marche qui ne pense qu'au profit sans s'encombrer des conséquences.
Journaliste, au moment des faits en 1974, il se révolte contre les compagnies minières qui préfèrent exploiter les travailleurs sans se soucier des conséquences, ni sur leur vie, ni sur leur santé, ni en matière de sécurité.
Dans ce roman poignant, il explore avec délicatesse et beaucoup d'humanité les limites de la douleur, le déni de responsabilité, et les méandres de l'esprit qui permettent à l'humain de survivre...en modifiant la perception qu'il a d'une réalité trop douloureuse.
C'est un roman inoubliable...un bel hommage à ces travailleurs qui ont donné leur vie et leur santé pour le confort collectif.
Aujourd'hui, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est désaffecté et classé au Patrimoine Mondial de l'UNESCO depuis 2012.
Jamais justice n'a été réellement rendue à ces victimes et à leurs familles...et le lecteur ne peut que vouloir en savoir plus sur leur vie et chercher à comprendre.
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