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Ce livre indispensable se situe dans la lignée d'Edouard Glissant, d'Aimé Césaire et de tous les autre poètes que l'auteur cite à la fin de son recueil.
Philosophie et poésie s'entremêlent pour évoquer le dur chemin et l'arrivée tout aussi difficile des migrants sur une terre qu'ils imaginent bien différente de ce qu'elle est vraiment (exit le pays des droits de l'humain).
C'est un hommage aux accueillant.e.s et un hymne à l'acceptation de l'altérité.
Patrick Chamoiseau préconise l'emploi du terme "mondialité" plutôt que celui de "mondialisation", souligne l'aberration du "délit de solidarité" et met en lumière l'utilité de la relation à l'autre humain, sans le juger.
Tout cela est écrit dans une prose hautement poétique, avec clarté et intelligence.
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Plutôt qu'une critique supplémentaire sur ce livre vrai en son discours et ses intentions, voici une petite illustration chantée d'actualité : https://www.youtube.com/watch?v=6a6DWb5dxKs
Les migrants, les migrations en général, sont la réalité critique incontournable de ce monde, le nôtre, tel qu'il s'est construit avec la prise de pouvoir de la domination marchande sur la quasi totalité de son organisation. La légitimité des migrations, qu'elles soient consécutives aux guerres ou aux oppressions de toutes sortes (économiques et sociales), aux dégradations climatiques, est absolue. Vouloir rejeter les migrants, c'est rejeter le monde, c'est rejeter la vie. C'est aussi rejeter les conséquences de nos actes, de nos choix ou tout aussi bien de notre passivité; c'est rejeter l'histoire. Les migrants sont l'expression la plus visible de la nécessité du renversement d'une société régit par la logique marchande, par l'argent roi et l'égoïsme promu valeur dominante. Les migrants sont nos frères humains. La peur ne peut faire oublier que c'est juste un hasard que nous ne soyons pas à leur place. D'un coté il y a un devenir humain qui s'annonce difficile mais de l'autre, il n'y a que l'inhumanité, la barbarie et la honte.
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Voilà un livre qui devrait être sur la table de chevet de tous les responsables politiques à quelque niveau qu'ils se trouvent ! La lecture et la relecture de Frères migrants de Patrick Chamoiseau devrait leur être essentielle et nécessaire afin de ramener un peu d'humanité et de raison sur notre bonne vieille planète.

Tout au long de cet essai, l'auteur se réfère à son grand ami, Édouard Glissant (1928 – 2011), écrivain, poète et philosophe d'origine martiniquaise, comme lui. Mais le problème est là : « le Politique se désertant lui-même dans des démocraties devenues erratiques ; l'État qui s'amenuise, abandonnant la barre aux seuls économistes, et qui s'incline sous d'innombrables entités mercantiles, diffuses et agissantes dans le tissu du monde. »
Ce texte est d'abord un cri, une souffrance devant ce qui se passe et qui dure depuis des années : « … des gens, des milliers de personnes, pas des méduses ou des grappes d'algues jaunes mais des gens, petites grandes vieilles toutes qualités de personnes, qui dépérissent et qui périssent, et longtemps vont mourir dans des garrots de frontières, en bordure des nations, des villes et des États de droit… »
Difficile de ne pas citer Patrick Chamoiseau mais ce petit livre regorge de vie et d'émotion et de colère : « … nous pensions que le plus archaïque était derrière nous… Seulement la paix capitaliste et financière n'est pas la Paix. » Il stigmatise la course au profit maximal alors que la pénurie règne partout et nous rappelle : « La liberté, l'égalité, la fraternité, le partage, l'équité, la dignité humaine et le bonheur pour tous sont des forces qui se sont vues construites contre les barbaries. »
Notre planète est une mais «… les États-nations d'Europe préfèrent dire à la vie qu'elle ne saurait passer. » Pourtant, il faut le reconnaître : « Homo sapiens est aussi et surtout un Homo migrator... Sapiens l'Africain n'est pas né dans un lacis de frontières aiguisées, mais dans des écosystèmes ouverts, rythmés par les climats, les pénuries, les abondances, sécheresses et submersions... » Enfin, il s'insurge contre la mondialisation : « Je dis : leur mondialisation n'a pas prévu le surgissement de l'humain. Elle n'a prévu que des consommateurs. »
Il rappelle cette mondialité dont a parlé Glissant : « la mondialité, c'est tout l'humain envahi par la divination de sa diversité, reliée en étendue et profondeur à travers la planète… C'est ce qui leur démontre que le monde n'est pas à eux, ni écuelle à profit ni porte-container ! »

Saint-Exupéry, Césaire et tous les poètes sont appelés à la rescousse pour redonner à l'humanité sa vraie dimension. le livre se termine avec seize articles généreux, optimistes, indispensables rappelant, entre autres qu'il n'y a aucune terre étrangère sur cette planète.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Ce livre précieux est à la fois une analyse et un plaidoyer. En prenant comme angle d'attaque les migrants et comme interlocutrices une bénévole d'association (Jane) et une réalisatrice de documentaires (Hind), dans un court mais très dense ouvrage au style poétique autant qu'enlevé, il affronte les principaux thèmes de la mondialisation néo-libérale, requalifiée de « barbarie » – côté analyse – et prône une réinvention inclusive, hospitalière, ouverte, solidaire et vitaliste de la politique des Nations désuètes, frileuses et apeurées – côté plaidoyer. Pour cela, il convoque et cite certains concepts-clefs d'Édouard Glissant, qui ont la particularité de former par assonance des couples d'opposés avec mots bateau propres à ladite barbarie : mondialisation vs. mondialité, relationnel vs. Relation, et quelques autres partagés avec des spécialistes (Michel Agier), des philosophes (Deleuze, Morin) et des écrivains (Pasolini, et alii [cit. in extenso, p. 128]).
Le concept de Relation de Glissant, le plus propre à s'adapter au contexte migratoire, est donc particulièrement développé. Cependant le côté plaidoyer de l'ouvrage auquel il s'applique, semble plus « poétique » et plus utopique, voire plus irréaliste que l'analyse : l'indiquent entre autres choses l'intitulé du chapitre « Le Droit aux poétiques » - (alors que certains spécialistes reconnaissent le surgissement timide d'un véritable et juridique droit international relatif aux migrations, cf. Claire Rodier) – et le très réussi ch. conclusif, « Déclaration des poètes », qui, en 16 articles, sonne comme un texte de loi édicté par « les poètes », dans un vocabulaire imagé et métaphorique qui leur est propre. Nécessairement, pourra-t-on rétorquer, du fait qu'il requiert la mobilisation d'un changement d'imaginaire politique. Forcément, puisque les auteurs convoqués, et Glissant le premiers, sont d'abord des poètes... Évidemment, vu que Chamoiseau l'est aussi. Pourtant, aurions-nous oublié comment le poète devient intellectuel engagé, lorsque sa conscience le lui impose, et quels sont les horizons actuels de l'engagement ? Pourrions-nous, peut-être par méfiance envers certaines méprises de la génération précédente d'intellectuels engagés, refuser, avec leur appellation, leur fonction sociale tout entière, et faire comme si la haute responsabilité morale de dénonciation politique qui leur incombe fût dorénavant déléguée aux « poètes » et à leurs « poétiques »... ?
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Plaidoyer sensible et poétique pour transformer notre rapport à l'hospitalité et notre imaginaire politique.

Des pays en guerre comme des artères ouvertes partent des milliers de migrants qui risquent leur vie dans cette traversée et se heurtent au mur d'une mer Méditerranée transformée en cimetière et à des frontières infranchissables. Comme Erri de Luca le dénonce dans «Le dernier voyage de Sinbad», Denis Lemasson dans «Nous traverserons ensemble», Vladimir Lortchenkov dans «Des mille et une façons de quitter la Moldavie», ce ne sont pas les migrants qui nous menacent mais la hauteur et la dureté des murs extérieurs et intérieurs élevés par les régimes abrités derrière leurs vieilles frontières, et l'indignité de notre politique envers nos frères migrants.

La suite sur mon blog ici :
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Avec "Frères migrants", Patrick Chamoiseau tente d'analyser un phénomène majeur de notre époque. C'est poétique, fortement esthétisé mais finalement assez vain.
Rien que l'on ne sache déjà sur les motivations de ces personnes qui au péril de leur vie veulent accéder à cet Eldorado européen, rien que l'on ne sache déjà sur la responsabilité du capitalisme et de la mondialisation, rien que l'on ne sache déjà sur la peur réactionnelle qu'engendre ces hordes déferlantes de déshérités.
C'est finalement toujours fortement culpabilisateur pour nous européens qui devront, générations après générations, nous excuser du colonialisme, de l'ogre capitaliste (ou communiste) qui appauvrit la planète pour son seul profit.

On aimerait aussi de temps en temps entendre parler poétiquement ou pas de ces ordures de dictateurs qui eux aussi, générations après générations ont prostitué leur terre et leur peuple au grand capital, ont bâti des fortunes uniquement personnelle sur la misère de leurs frères. On aimerait entendre parler de ces assassins profiteurs du malheur de leur co-religionnaires et qui les entassent dans des esquifs destinés à couler, de ces politiques qui manipulent ces migrants à des fins politiques, elles-aussi, de

Bref que la culpabilité ne soit pas toujours sur les mêmes rives et la charité essentielle non plus !
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Une écriture somptueuse au service d'un cri d'indignation et de révolte

Patrick Chamoiseau nous dit ,de la plus belle des façons ,sa colère, constatant que ce qui est constitutif de notre commune humanité,à savoir la migration, devient faute, délit, erreur...

A la mercantile et stérile "mondialisation", il oppose la "Mondialité",belle, rebelle , vivante, vibrionnante et poétique, faite de chair et de sang

Ce texte est beau, ce texte est grand ,ce texte nous donne à penser et nous incite à l'action solidaire et généreuse

Ce grand écrivain qu'est Chamoiseau ( "L'empreinte à Crusoë ",entre autres, est un vrai régal) devient , par cet écrit, encore plus grand!
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Chamoiseau cherche à éveiller nos instincts les plus nobles, nous invitant à concevoir et construire notre prospérité sur le bien-être de l'Autre. Un autre, en référence aux migrants, qui appartient à ce monde, légitime autant que nous (habitants des pays riches) pour postuler à ses richesses. C'est une attaque contre la mondialisation déshumanisante, éloignant les individus entre eux et ainsi l'individu de lui-même.

Il propose une vision poétique qui reconnait la puissance des relations interhumaines et transcende les concepts traditionnels quelque peu obsolètes de "nation", "culture", "identité" ou "frontière". Une lecture agréable avec un message plus important que jamais.
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Une des modalités du juste-vivre au monde

Hind celle qui filme, Jane celle qui écrit, l'ombre des corps, des silhouettes et les charges des « lendemains endossés sans fatigue, portés sans devenir », les solitudes étranges, les métèques congénitaux, les apatrides divers·es, celles et ceux livré·es au « décret de méduses et de bateaux noyés »…

Les mots et les phrases de Patrick Chamoiseau frappent et résonnent comme comme un longue plainte contre les traitements réservés à certain·es, une rébellion ouverte contre l'ordre du mépris et de la mort, un regard souriant et accueillant envers tous les êtres humains. Des mots rougeoyants et musicaux contre celleux qui pourchassent l'espoir…

Nous sommes ici, contre les lignes imaginaires mais bien meurtrières des frontières, du coté des géographies du vent, des étincelles de sel ou de ciel, du refus du planétaire assombrissement…

L'auteur nous parle, entre autres, de la mort invisible, des frontières, de Lampedusa, de « l'accès au Refuge, de la demande d'Asile et des Droits dits de l'homme », de l'Irak, de la Syrie, de l'Érythrée, de l'Afghanistan, du Soudan, de la Libye, et d'autres artères ouvertes, « je parle de personnes, saigne de nous, saigne vers nous, parmi nous, saigne pour tous », des forces réadmises de l'horreur, de la paix – peu paisible – néo-libérale, (« Ho ! Que les morts massives en Méditerranée nous dessillent le regard ! ») de vies réduites à la consommation et à la consumation, de la barbarie nouvelle, des richesses pourtant surgissant « toujours des industries de tous ! », de ce qui est du à chacun·e dès « son cri de naissance », de l'évidence et de l'enjeu, des résistances, de ceux qui veulent « enchouker à résidence misères terreurs et pauvretés humaines », des démons mercenaires, de celleux arguant d'« identités menacées », de cet Homo sapiens aussi et surtout Homo migrator…

« Là-bas est dans l'ici », l'auteur décline sous différentes formes « le chemin par lequel on frappe l'Autre est le même que ceux-là qui direct touchent à soi ». Il parle de mondialité et de polyrythmie, de présence d'un invisible plus large que notre lieu, de démultiplications de points d'accroche, de « brasillement dans un vrac ténébreux », des autres devenirs, d'accueil, « Kay mwen sé kay-ou tou ! », des forces imaginantes de Droit, des essaims d'images improvisées qui virevoltent comme des lumières en nous, de justice et d'égalité…

Patrick Chamoiseau cite Aimé Césaire : « Un homme qui crie n'est pas un ours qui danse !… »

Le monde et ses misères sont des régions de nous, l'incertain du possible trouve source dans les différenciations radieuses, l'installation dans l'ardeur d'une promesse. le poète insiste sur l'invention des passages, l'ouverture de voies, l'idée de relation, « L'altérité ultime devient le tout-possible », la création échappant à la fixité, « Ce cheminement nous dit qu'il n'est tumulte d'écarts qui ne s'apaise et ne goûte le concert d'une différence nouvelle, d'un écart renouvelé, riches de l'âme des anciens, forts du sucre des premiers, dépassant leurs propres sources, les magnifiant ainsi », l'instance des migrations inouïes, « L'identité la plus saine est une confiance qui ouvre et qui appelle, qui va au change aussi », l'élection d'un autre imaginaire, la plénitude intraitable du don, l'accueil comme exigence, les lieux sensibles, le vivre ensemble « multi-trans-culturel », les combinaison utiles à la survie, la cartographie des désirs erratiques…

L'auteur n'oublie pas les inversions possibles, « Quand son accomplissement n'est pas assuré, qu'il ne parvient pas à construire sa personne, l'individu rebrousse chemin dans l'absolu communautaire ou dans l'égoïsme marginal et stérile », le repli en absence du monde, les barbelés et les cerbères, les irruptions de l'impensable…

J'ai largement puisé dans les mots et les images de l'écrivain, « le trésor partagé des ombres et des merveilles », tout en tentant de « démasculiniser » la langue. Je ne saurai cependant rendre la richesse du tissu linguistique, la force de l'énonciation, l'inscription particulière des deux faces du monde… « Voici ce que je balbutie et que j'asserte là : les migrances sont une des forces de la Relation. Elles ne sauraient manquer à la santé relationnelle du monde ».

Reste une question qui détruit partiellement l'engagement du récit, assourdit la parole du poète, grisaille les hautes couleurs de l'écrivain, assombrit l'ode à la liberté, voile ce soleil des rives du monde… l'absence des soeurs migrantes.

Le masculin ne saurait représenter les deux sexes, leurs exigences propres ou communes, les Droits des êtres humains.

Comment ne pas souscrire aux commentaires féministes sur la Déclaration des poètes
(https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/01/26/declaration-des-poetes/).

Nous parlons ici d'êtres humains, de poètes et de poétesses, de femmes et d'hommes, de migrant·es et du traitement infâme qui leur est réservé. « D'ailleurs, nous sommes d'ici ! »
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Un livre d'une très belle écriture et qui nous fera et fait regarder différemment le problème des migrants. Avec une belle écriture philosophique et poétique Patrick Chamoiseau nous parle de mondialité, d'exils, de richesses. et c'est un cri d'alarme face à des propos nauséeux. Ne pas oublier que derrière chaque chiffre il y a un homme avec une histoire et des espoirs. Un livre qui fait du bien en ces temps qui courent.
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