Mais pourquoi raisonner avec un homme qui regarde l'invention de l'imprimerie comme une œuvre diabolique ; qui blâme tous les progrès modernes comme propageant nécessairement le naturalisme ; qui dit que notre siècle marche comme une écrevisse, et qui affirme que le journalisme est une des plaies de l'humanité?
Le futur auteur des paroles de l'hymne national canadien pratiquait alors le droit à Kamouraska. Ardent partisan du pouvoir clérical, il avait été le principal rédacteur du Programme catholique, document dans lequel les ultramontains québécois qui avaient opté pour la lutte électorale formulaient leurs principes en prévision des élections de juin 1871 et qu'ils avaient fait paraître dans leurs journaux dès le 20 avril de cette année. Cette polémique des Lettres à Basile (novembre 1871—janvier 1872) survenait donc dans un Québec secoué par une effervescence électorale doublée d'un affrontement idéologique.
Voyons, soyez franc pour une fois. Ces autorités sont-elles suffisantes pour vous convaincre qu'on peut être autre chose que royaliste tout en restant catholique ? Ces citations en disent-elles assez pour vous prouver que vous ne faites qu'exhiber votre ignorance lorsque vous représentez la religion comme nécessairement liée au monarchisme, et que vous me calomniez effrontément lorsque vous m'accusez d'impiété sous prétexte que je suis démocrate?
Loin de vivre alors sous l'emprise exclusive de l'ultramontanisme, les Canadiens français éprouvèrent durant le dernier tiers du XIXe siècle l'implacable progrès du libéralisme, du républicanisme et du laïcisme. À cette promotion de l'idéologie moderne, l'oeuvre journalistique de Louis Fréchette apporta une contribution aussi originale qu'efficace.
Louis-Honoré Fréchette – Novembre