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EAN : 9782375440124
294 pages
Brumerge (07/11/2016)
5/5   1 notes
Résumé :
Des universitaires, pendant les années 1970 à 1990, se déchirent ou s’aiment, dans le contexte du stalinisme et du libéralisme économique, et dans des combats idéologiques de toutes sortes autour du marxisme. Ceci dans une relative liberté d’expression.
Ce roman relevait du désir de faire un beau pamphlet, portraits des « élites», des petits chefs, des gens de pouvoir ; récits à peine exagérés dans le rocambolesque politique. S'y ajoute l’existence de Francho... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce livre nous parle d'un temps où les idées et les idéologies dominaient largement la recherche indéfinie du profit. Chaque intellectuel se battait pour ses idées, il s'engageait en faveur de la décolonisation, il applaudissait l'avènement du Tiers-Monde (comme on disait à l'époque) et la violence des luttes de classes. Cependant, les moyens, les méthodes et les buts faisaient l'objet de larges débats, souvent acides, et des groupes, voire des groupuscules, vinrent à réclamer, comme aujourd'hui, le plus grand rassemblement des forces de gauche, en faisant preuve d'une telle intolérance concernant le poids des mots, les buts ultimes ou les objectifs d'étapes et les stratégies à conduire qu'ils le rendait immédiatement improbable. Il ne faisait pas bon à l'Université de Crapette ne pas connaître et apprécier Karl Marx, mais les discussions sur Staline, Lénine et Trotsky séparaient si vivement ceux qui se revendiquaient du socialisme que les collègues en oubliaient ceux qui ne croyaient pas au « Grand Soir », se contentant de les mépriser. Etre de « gauche », en ayant retenu les leçons d'une Union soviétique bureaucratisée et dominée par un groupe qui revendiquait, à son profit, la représentation et l'action totalitaire au nom du prolétariat, était parfois jugé inconvenant si vous n'étiez pas marxiste ou marxiste léniniste, mâtiné ou non de stalinisme ou de Brejnevisme. Les mouvements trotskystes ou communistes devinrent des églises, avec leurs chefs, leurs clans, leurs inimitiés, leurs accusations d‘opportunisme, d'arrivisme. Ils avaient beaucoup de difficultés à se retrouver dans le même syndicat, ce qui n'a pas duré longtemps par la grâce de FO, de Sud ou, en plus modérés, du SGEN (accusé souvent de collusion avec le pouvoir). Il y avait les « cons » (ceux que l'on ne pouvait pas soigner car ils ne comprenaient rien aux leçons de Marx ou n'avaient aucune envie de le lire,) et ceux qui étaient des salauds (des collègues suffisamment intelligents pour bien comprendre cette vérité, mais qui ne la défend pas au nom de son intérêt personnel).
C'est toute cette période que nous présente Anne Marie Chartier. La vie entière, professionnelle, sociale et intime) de chaque élément du groupe était fortement impactée, il fallait obéir, suivre une stratégie qui avait fait l'objet de débats (mais qui avait été « in fine » décidée au plus haut de la hiérarchie), être disponible si besoin, ne jamais composer avec les « cons » ou les « salauds », développer les idées et analyses convenues, les faire partager aux étudiants, s'engager dans la lutte sociale, participer aux manifestations des travailleurs en respectant les codes et les slogans (un mot très mal aimé, pourtant) unitaires.
Ce livre présente un intérêt indéniable pour représenter une partie de la réalité « politique » des enseignants de l'enseignement supérieur dans une ville de province de cette époque. Il souligne les débats, mais aussi les « petitesses » des uns et des autres, dans une institution où normalement l'intelligence, la créativité et l'esprit de service public devraient dominer. Certes, l'ensemble du travail de l'enseignant n'est pas suffisamment apparent dans ce livre, notamment les rapports avec les étudiants et la recherche en sciences sociales. C'est un livre politique, qui montre que les discours produisent des idées qui n'engagent pas celui qui les exprime. Toute action politique accompagnée d'ambitions personnelles conduit à la constitution de clans, comme les Primaires de droite et de gauche ont pu le rappeler à l'évidence. Ce livre souligne les difficultés pour les personnes intègres à sortir d'un clan qui constitue à la fois une nouvelle famille et le cercle de ses amis. L'idée d'être traité de traître est insupportable à celui qui commence à comprendre son enfermement, et lorsque les « chefs » ont aussi la main mise sur votre carrière, vos enseignements et même vos emplois du temps, il devient difficile d'être libre et même d'être respecté. Il en résulte alors des formes d'aliénation qui touchent à votre vie personnelle et intime et qui vous écrasent progressivement dans toutes les dimensions de votre être. En revanche, pour les plus déterminés et opportunistes, le clan constitue une marche vers le pouvoir, un fort engrais pour l'avancement professionnel (si les autres pouvoirs vous redoutent, au regard de votre influence) et une opportunité pour une amélioration des conditions de vie.
L'auteure a certainement souffert de cette situation. Pendant cette période, sans doute de 1975 à 1990, il lui a parfois été difficile de s'exprimer, même dans ses recherches, comme elle l'aurait souhaité, ce qui a aussi réduit l'importance quantitative de ses publications. le regard des membres du clan est trop puissant pour s'engager dans des digressions qui pourraient apparaître « révisionnistes », même s'il constitue aussi un bouclier contre la rancoeur des autres clans que l'on a houspillés, ou méprisés, parfois à tort. « Mourir pour des idées… » chantait Brassens. Plus j'écoute le bon Georges et plus je l'aime…

[Jacques Fontanel, Professeur émérite]
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tres belle narration de l'enfermement par une organisation. Ici c'est le milieu trotskiste qui est decrit de l'interieur. La prise de conscience du personnage central est prenante et traduit bien le drame vécu. Seul reproche, le récit pourrait être plus court pour mieux soutenir l'attention.
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