Cet homme reconstruit et complet est le cauchemar du capitaliste moderne. Tout son plan se briserait comme le miroir de Shalott, si un jour un inconnu s'avisait de remplir les deux devoirs qui incombent à tout homme normal, celui de vivre et celui de mourir. Et cette horreur des vacances propre au capitaliste moderne est la peur de voir un jour en face de lui un être humain complet : quelqu'un qui n'ait ni une main ni une tête bonne à calculer. Mais tout simplement une effrayante créature qui a pris conscience d'elle-même dans la solitude. Ses employeurs lui laisseront le temps de manger et de dormir mais ils seront terrifiés à l'idée qu'elle pût penser par elle-même.
Le capitalisme est un être particulièrement rusé doté d'un tas de qualités dont la plus remarquable à mes yeux est un manque absolu de vergogne. A ses yeux, rien n'est saint, rien n'est sacré ; pas plus l'heure de la mort que le jour du jugement, la maison de deuil ou la tente de l'exil, la chevalerie ou le patriotisme, la féminité ou le veuvage ; rien n'échappe à ses sales petits tripatouillages. Tout ce qui compte pour lui, c'est de mettre au régime celui qui travaille afin de lui faire rendre le maximum. Et tout comme on voit des collecteurs d'impôts glisser un pied insolent dans l'embrasure de la porte du taudis où ils ont affaire, les capitalistes, eux, sont toujours prêts à enfoncer un coin boueux partout où il se trouve une fente dans une maisonnée en train de se fissurer ou une fêlure dans un cœur en train de se briser.
Ce qu'il y a à craindre dans le développement de la ploutocratie, est de la voir pallier son incurie par de nouveaux crimes. L'appauvrissement général de la population servira de prétexte à la réduire en esclavage, même si ceux qui ont contribué à l'appauvrir sont en fin de compte les mêmes que ceux qui l'ont réduite en servage. C'est comme si un voleur de grand chemin, après avoir dévalisé un voyageur, le remettait à la police pour cause de vagabondage. Ici, ce n'est plus à la gendarmerie que l'on fait appel, mais à la pseudo-science que l'on appelle eugénisme.
Cet homme reconstruit et complet est le cauchemar du capitaliste moderne. Tout son plan se briserait comme le miroir de Shalot, si un jour un inconnu s'avisait de remplir les deux devoirs qu incombent à tout homme normal, celui de vivre et celui de mourir. Et cette horreur des vacances propre au capitaliste moderne est pour l'essentiel la peur de voir un jour en face de lui un être humain complet : quelqu'un qui n'ait ni une main ni une tête bonne à calculer. Mais tout simplement une effrayante créature qui a pris conscience d'elle-même dans la solitude. Ses employeurs lui laisseront le temps de manger et de dormir mais ils seront terrifiés à l'idée qu'elle pût penser par elle-même.
Les contes de fées qui ont bercé nos premiers ans étaient loin d'être aussi mensongers que les manuels d'histoire de nos années de classe. Des contes comme « Puss in Boots » ou « Jack and the beanstalk », sous les dehors merveilleux propres aux comptines et à ce genre de littérature, renfermaient des vérités de l'ordre le plus pratique qui soit. Dans ces deux contes, pour autant que je m'en souvienne, l'ogre n'était pas qu'un ogre mais aussi un magicien.
"[…] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux.
[…] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes.
[…] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions.
[…]" (Roland Jaccard.)
0:14 - Bernard Shaw
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0:45 - Heinrich von Kleist
1:04 - Georges Henein
1:13 - Ladislav Klima
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2:12 - Friedrich Nietzsche
2:23 - Roland Jaccard
2:37 - Alphonse Allais
2:48 - Samuel Johnson
3:02 - Henrik Ibsen
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3:45 - Maurice Maeterlinck
3:57 - Fiodor Dostoïevski
4:08 - Aristippe de Cyrène
4:21 - Générique
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Référence bibliographique :
Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration :
Marquise de Lambert : https://de.wikipedia.org/wiki/Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles#/media/Datei:Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles.jpg
George Bernard Shaw : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#/media/Fichier:G.B._Shaw_LCCN2014683900.jpg
Julien Green : https://www.radiofrance.fr/franceculture/le-siecle-d-enfer-de-l-ecrivain-catholique-et-homosexuel-julien-green-8675982
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