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sur 243 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
°°° Rentrée littéraire 2023 # 45 °°°

Camille, la narratrice de 48 ans, est médecin légiste. On fait sa connaissance lors d'un sidérant premier chapitre qui fait écho à un sordide fait divers de juillet 2022 : après la découverte d'un charnier au Centre du don de corps de l'université de médecine Paris-Descartes ( des corps démembrés, entassés dans des conditions de conservation indignes ), c'est un trafic d'organes qui se dessine. Camille est sous le choc - le lecteur aussi - comme une annonce des révélations à venir sur sa famille qui vont ébranler ses certitudes et bouleverser sa vie.

« Je regardais les immeubles, la foule. Je vis soudain toutes les maisons de verre et d'acier, et avant cela de pierre, et avant cela de brique, et avant ce la de torchis et de bois, qui avaient été construites là. Et, sous le bitume, la terre gorgée de larves et de feuilles, de rêves héroïques, de sang, et d'ossements. Il ne faut jamais mentir à personne, me dis-je en contemplant un masque chirurgical usagé qui gisait à mes pieds. A personne, sauf peut-être aux gens qu'on aime. »

Les parents de Camille, lui célèbre médecin légiste, elle généraliste, décédés lors d'un accident de plongée, lui ont beaucoup menti. Ou plutôt, ils lui ont caché beaucoup de choses. Il est temps pour Camille D explorer la part d'ombre de ses légendes familiales avec lesquelles elle a grandi et s'est construite.

La première partie surprend par sa description enlevée du quotidien d'un médecin légiste, teintée d'une ironie feutrée et d'un certain humour qui n'excluent pas l'émotion ( magnifique scène où Camille mange des chocolats avec la maman d'un fils dont elle a autopsié le corps ). On sent qu'il y a un mystère à résoudre, on est surpris par ces références à Goya qui détonne ... avant de se rendre compte que l'énigmatique titre du premier chapitre ( Les Désastres de la guerre ) est celui d'une oeuvre du peintre espagnol.

« Chaque corps était un royaume qui s'était donné pour centre à l'univers. Chaque cas composait un pan de la fresque qui, quand j'aurais résolu toutes les énigmes, me donnerait une peinture synoptique, définitive, de la nature humaine. Il fallait continuer, je devais continuer. Je continuais. C'est alors que Goya a fait de nouveau irruption dans ma vie, qu'en fait il n'avait jamais quittée. »

Et puis arrive la deuxième partie, « Le Songe de la raison » ( aussi un titre emprunté à Goya ). Sarah Chiche opère un changement de braquet spectaculaire, en changeant de narratrice avec l'irruption inattendue d'un personnage, à peine mentionnée dans la première partie au point qu'il n'avait qu'à peine attiré mon attention, et qui va apporter un éclairage saisissant sur l'histoire des parents de Camille. On est happé par son quasi récit monologue face à Camille, mise en scène virtuose dans laquelle des détails de la première partie prennent sens et s'enflamment.

Et la captivante trame autour de Goya se déploie, Goya qui a dévoré la vie de ses parents puis la sienne sans qu'elle s'en rende compte, tel Saturne dévorant ses enfants . Goya et l'histoire dingue de son crâne volatilisé lors de son inhumation en 1828 dans le cimetière de la Chartreuse à Bordeaux. Sarah Chiche présente les théories classiques sur la disparition du crâne de Goya et en invente de nouvelles autour de cette relique d'un génie.
Sarah Chiche régale en mêlant magnifiquement quête familiale et enquête sur le crâne de Goya.

Depuis Les Enténébrées et Saturne, on connait les obsessions de l'autrice : l'expérience du deuil au centre du rapport au monde et la difficulté d'inventer sa vie hors du tracé familial. Avec Les Alchimies, elle va au-delà. Lorsque Camille reprend la narration, elle va devoir regarder en face l'emprise de héritage parental sur sa vie et percer le secret de «  ce qu'il y a dans toutes les têtes (qui) s'apparente à un opération alchimique ».

Même si le dénouement est un peu timide par rapport à la flamboyance qui a précédé, j'ai refermé le livre acquis à lui, à son romanesque qui souffle haut, à ce portrait de femme singulier et lumineux, à cette écriture puissante qui vibre de partout.




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L'héroïne est médecin légiste mais il ne sera pas question de meurtre ou d'enquête policière.
Le peintre Goya est au coeur de ce roman, pourtant, là encore, l'auteure ne s'appesantira pas vraiment sur la vie ou l'oeuvre de ce peintre.
Je me suis laissée entrainer dans ce roman un peu par hasard, et je me suis laissée porter par cette histoire qui peut sembler un peu brouillonne, car on ne sait pas trop de quoi l'auteure veut réellement nous entretenir avec cette intrigue qui part dans tous les sens.
De ses souvenirs d'enfance ?
De sa vocation pour la médecine ?
De ses parents ?
De son étrange obsession pour le peintre Goya ?
D'un vol de crâne ?
De la vie qui passe et des regrets qu'on a ?
Ce roman est un mélange, comme certaines recettes improbables qui allient du sucré et du salé, des épices, des aliments inhabituels et dont le résultat est à la fois étrange, étonnant, déconcertant, mais finalement savoureux.

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En 2022, Camille Cambon , médecin légiste , est intriguée par un mail l'invitant à prendre contact au sujet du crane du peintre Goya .

Pour l'histoire , en 1888 lors de l'exhumation du corps de Goya , enterré à Bordeaux , le crane a disparu et depuis fait l'objet de recherches et d'hypothèses parfois farfelues.

Les parents de Camille et son parrain, médecins tous les trois se sont passionnés pendant leurs études sur cette disparition et aussi sur le changement total de genre de peinture de l'espagnol lorsque après une grave maladie , il se réfugie à Bordeaux . Il n'est qu'à regarder les gravures et dessins de cette dernière période pour constater que l'homme était tourmenté ...

Le roman se déroule en plusieurs parties avec des époques différentes.

La première partie s'intéresse principalement à la vie de Camille , passionnée par son travail à l'hôpital mais le conciliant difficilement avec les demandes de sa fille adolescente .

Sarah Chiche y glisse les difficultés actuelles de l'hôpital et le scandale des corps donnés à la science à l'Université de médecine Paris-Descartes qui a défrayé la chronique en 2022 .

Ensuite, lorsqu'elle se rend à ce mystérieux rendez-vous à Bordeaux, elle découvre par l'intermédiaire de son interlocutrice tout un pan de vie du trio représenté par ses parents et son parrain pendant leurs études médicales . de propos frisant parfois la pédanterie lors de leur projection sur leur future carrière à leurs expériences de drogue et de bacchanales sans limites , Sarah se rend compte que ceux qu'elle a chéris et qu'elle a perdu tôt ont brulé leurs ailes , la frontière avec la folie est étroite ...

"-L'esprit humain , Camille, est un labyrinthe de couloirs troué d'apparitions claires, de couleurs éclatantes ou sourdes, de crépuscules d'enfance apaisants et de monstres immenses tirés du fond des siècles."

La quête sur le devenir du crane de Goya , sur la phrénologie et sur l'oeuvre du peintre est plutôt détaillée et bien faite, cela fait l'objet d'une véritable énigme et on prend plaisir à se ballader dans le Bordeaux ancien .

Cette histoire à multiples tiroirs m'a évoqué ces tableaux de crâne humain , appelés Vanités et représentant la fragilité de la vie humaine ...

Si j'ai bien aimé la partie contemporaine avec Camille, une femme attachante, j'ai par contre moins apprécié la narration sur le passé de ses parents.


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Le crâne disparu du célèbre peintre espagnol Goya fait depuis longtemps couler beaucoup d'encre… et de sueur. Il constitue un mythe mystérieux comparable à la légende médiévale du Graal. Celles et ceux qui se consacrent activement à sa quête n'aspirent pas à l'Immortalité ni à la Connaissance absolue. Ils veulent juste savoir à quoi ressemble le cerveau d'un génie.

De ce mystère, Sandra Chiche a fait la clé de voute d'un roman, Les alchimies. Son personnage central, Camille Cambon, est une femme de quarante-huit ans, médecin légiste de profession.

Le livre s'articule en deux parties. La première permet de faire connaissance avec Camille, qui raconte sa vie de femme divorcée. Elle expose la philosophie et les enjeux de son métier, qu'elle exerce dans l'institut médico-légal d'un hôpital important, un métier qui la relie spirituellement à son père, qui avait été lui-même médecin légiste. Ce père, Pierre, disparu accidentellement en compagnie de Léa, son épouse, mère de Camille, avait été l'auteur d'un livre sur Francisco Goya. Il en avait abondamment disséqué l'oeuvre et la vie (ainsi que la mort) devant sa fille. le sujet passionnait aussi Alexandre, le parrain de Camille, un grand neurologue, ami d'enfance de Pierre…

De quoi se demander où la narratrice veut en venir ! Mais tout se connecte logiquement, et puisqu'on est dans un système en plug and play, elle reçoit un mail mystérieux qui l'intrigue, car il y est question de… Goya, de ses parents et de son parrain…

A l'origine du mail, une dame très âgée, Jeanne, qui se présente comme une ancienne amie très proche d'Alexandre, de Pierre et de Léa, un brelan de surdoués, fascinés par la recherche neurologique et par le contenu des cerveaux… vivants ou morts. Ils s'interrogeaient. Quelles sont les alchimies subtiles qui font le cerveau d'un être d'exception ? Alexandre se demandait aussi quelles transmutations, quelles reconnexions cérébrales avaient pu un jour amener un peintre hors norme comme Goya à modifier le sens de son oeuvre ? Et Pierre aurait bien voulu savoir si le cerveau de Goya mort avait conservé des traces de son génie.

Alexandre, Pierre et Léa. C'est leur vie qu'évoque Jeanne devant Camille tout au long de la seconde partie du livre. Elle lui raconte leur jeunesse, leurs rencontres, ainsi qu'un événement dramatique négligemment oblitéré. Tout ce qui permettrait, selon Jeanne, — et on se demande avec Camille de quoi elle se mêle — de libérer cette dernière de l'emprise mentale exercée par la mémoire de parents et d'un parrain à la personnalité écrasante.

Un thème qui semble récurrent chez Sarah Chiche, psychanalyste et romancière. Ses personnages principaux sont souvent des femmes englouties dans les appétences insatiables de leurs parents. Dans un tableau célèbre de Goya, Saturne dévore ses enfants, une façon de garder le contrôle.

L'autrice a adossé un bel exercice d'imagination à un gros travail de documentation. Mais à partir de quand l'imagination tourne-t-elle au délire ou au canular ? Dans une enquête de ce genre, la dispersion est inévitable, la vérité est introuvable. Ecrivains et chercheurs ne font que rebattre les cartes. Et toi, lectrice, lecteur, tu peux te dire « tout ça pour ça ! », ou bien te laisser prendre au caractère addictif de la quête et partir à ton tour à la recherche du crâne de Goya.

Malgré un zeste d'humour – noir, bien sûr – tout reste finalement mystérieux, opaque, comme si l'ouvrage était destiné à une élite d'initiés. Un sentiment renforcé par la phraséologie adoptée : une syntaxe savante mais lourde, un peu empathique, avec un usage répété de longues énumérations ; des effets de style particulièrement surprenants dans la narration orale de Jeanne.

J'ai quand même appris beaucoup de choses très intéressantes sur Goya, sa vie, son oeuvre, son crâne. J'ai souvent dit qu'un roman divertissant pouvait être plus instructif qu'une monographie austère.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Il est des autrices dont je ne manque aucune parution. Sarah Chiche en fait partie depuis les enténébrés que j'ai adoré. On retrouve dans les alchimies les sujets chers à l'écrivaine : la création, la transmission, le deuil, les attentes déraisonnables, l'amour. Son héroïne, Camille, est à la croisée des chemins : séparée, submergée de travail, fragile. Contactée par mail par un certain Goya (le peintre, ou plutôt son crâne est au centre du récit), elle va découvrir un pan inattendu de l'histoire de ses parents, décédés 30 ans plus tôt…
De sa plume d'une grande beauté, Sarah Chiche propose un roman baroque, gothique, une curiosité littéraire, où les pages se tournent vite et toujours avec beaucoup de plaisir. Un seul regret : j'aurais aimé une seconde partie moins linéaire…Le livre y perd (un peu) en intensité.
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Une auteure dont j'avais apprécié ses précédents ouvrages, Les enténebres et Saturne et dont j'avais très envie de découvrir le dernier roman et je ne suis pas déçue même si je n'ai pas été autant touchée que par ses récits plus personnels.

Pourtant cette fois-ci elle quitte le domaine personnel à travers l'évocation de sa famille pour aborder le domaine de l'enquête sur la disparition du crâne de Goya. Ce fut pour moi une découverte de cette énigme et j'aime retrouver dans un roman ce genre d'évocation dont je n'ai jamais eu connaissance (et je suis loin de tout connaître donc j'ai encore beaucoup à découvrir) et j'ai mis en doute à plusieurs reprises certains faits que je le suis empressée d'aller vérifier et qui se sont révélés exacts....

Donc un travail de recherches de la part de Sarah Chiche et d'imagination pour inclure cette énigme au sein de l'histoire d'une famille, celle de Camille, qui a perdu ses parents très jeunes et qui au-delà de l'enquête qu'elle va mener va se lancer dans une quête à la fois scientifique, familiale, médicale, historique et personnelle.

Par le biais de la profession de son héroïne, médecin légiste, elle évoque cette profession particulière de l'après-vie, de sa place de femme dans ce domaine à la fois mystérieux et effrayant mais également dans une famille (son domaine de prédilection semble-t-il) ses apparences, secrets et mystères.

Cela se lit comme une enquête à travers le temps et les oeuvres d'un peintre, ses sources d'inspiration et ce qu'il a voulu représenter mais aussi comme une plongée dans les souvenirs d'une femme dont la destinée fut guidée par l'amour pour ses parents et la passion qui les habitait pour un peintre.

Composé de deux parties au rythme inégal (j'ai été plus emportée par la première partie très dynamique que par la seconde plus narrative) une fois de plus Sarah Chiche m'a fait passer un agréable moment de lecture pour qui aime la découverte de faits historiques réels mêlés à du romanesque où il m'a semblé retrouver dans Camille beaucoup de thèmes chers à l'auteure.

Merci à la Masse Critique de Babelio et aux Éditions Seuil pour cette lecture.
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Explorer les ténèbres de l'âme humaine

Sarah Chiche signe un roman étincelant, dans la ligne des Enténébrés et de Saturne. En suivant une femme, médecin-légiste, partie à la recherche du crâne de Goya, elle poursuit son exploration de l'âme humaine. Et de son passé. Brillant comme un diamant noir.

Cela commence par un fait divers que découvre la narratrice en parcourant ses mails. Il y est question de débordements d'étudiants au cinquième étage de l'université de médecine à Paris, d'expériences monstrueuses et de trafic d'organes. Nous sommes en 2022, Camille Cambon a quarante-huit ans. Elle est divorcée et mère d'une adolescente qui ne la supporte pas. Elle ne sait pas trop pourquoi elle a cliqué sur ce mail perdu au milieu de tant d'autres. Tout comme elle ne pas «s'il faut être fou pour devenir médecin ou si c'est bien l'exercice de la médecine qui finit par détruire notre raison.»
Aujourd'hui à la tête de l'institut médico-légal, la légiste s'occupe de «salauds morts, de bébés noyés dans leur baignoire (...) de terroristes, d'enfants qu'on retrouve décapités à côté de leur mère dans un parking souterrain, de réfugiés tombés, gelés à mort, du train d'atterrissage d'un avion, (...) d'adolescents égorgés par leurs camarades, d'influenceuses mortes après une banale intervention de chirurgie esthétique, de connards à couperose que leurs femmes ont exécutés d'une balle après s'être fait tabasser pendant des années».
Autant dire qu'il faut avoir le coeur bien accroché pour encaisser ces drames quotidiens et pour faire parler ces cadavres. Mais le travail lui permet de conjurer sa solitude. Tout comme cette histoire du crâne de Goya évoqué dans ce fameux mail et qui lui rappelle son histoire familiale. D'autant que son correspondant anonyme semble bien renseigné. Quand il parle de ce sommeil de la raison qui engendre des monstres, il fait référence directe aux Caprichos, cette série de gravures que Goya a réalisé dans la seconde partie de sa vie et que Camille connaît bien pour avoir bien écouté son père lui raconter comment le génie espagnol «s'est mis à peindre ou graver des hommes au corps d'oiseau chassés par des filles armées de balais, des coquettes disloquées par la vieillesse faisant des grâces devant leur miroir, des femmes jugées par une masse d'inquisiteurs idiots, ou encore ces pendus à des cordes qui courent jusqu'à l'extrémité de l'image, comme si elles étaient tirées par tous les bourreaux de toutes les guerres qui viendront ensuite.»
Elle ressent alors comme un besoin impérieux de partir à la recherche de ce crâne volé à Bordeaux en 1828 et jamais retrouvé depuis, elle suit la trace de ses parents et de son parrain qui vouaient une admiration sans bornes pour le génie espagnol. Son père a même publié un livre intitulé Goya, mystères d'un génie. Ouvrage qui a accompagné Camille et qui a contribué à sa fascination pour le peintre.
Aussi n'hésite-t-elle pas à partir pour Bordeaux où une surprise de taille l'attend. Une vieille dame qui a bien connu ses parents et pourra lui dévoiler les secrets de famille, enfouis avec leur mort prématurée.
Si Les Alchimies creusent une autre veine, plus picaresque, plus aventureuse, que Les Enténébrés et Saturne, on peut voir dans ce triptyque au style toujours aussi étincelant, une vraie parenté. Quand la noirceur se teinte de couleurs. En usant de facilité, on pourrait ajouter comme dans les peintures de Goya. Car dans Saturne déjà, on évoquait Goya avec Saturne dévorant un de ses fils. Trois romans qui conjuguent la froideur de la mort aux fulgurances d'une puissance vitale, jusqu'à la violence. Trois livres qui mêlent aussi l'intensité dramatique à une superbe beauté formelle. Sarah Chiche semble bien avoir découvert le secret des alchimistes.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Le cinquième roman, Les alchimies, de Sarah Chiche est son premier roman complètement fictionnel qui s'ouvre sur un mystérieux expéditeur d'un mail. Celui-ci prétend savoir où se trouve le crâne du peintre Goya.

Sarah Chiche va développer son intrigue à partir de deux “livres” très différents. le premier implante le personnage, Camille Cambion, dans une lignée de médecins légistes attachés aux connaissances et à la valeur scientifique des recherches. Implantée dans un service légiste, la narratrice a réussi à faire sa place au sein du service renommée du professeur la Brusse. Séparée de son compagnon, avec une fille adolescente bougonne, Camille consacre beaucoup de temps à son travail.

Le titre du premier livre, Les désastres de la guerre, reprend le nom d'une série de quatre-vingt-deux dessins de Goya à l'époque où il était encore le peintre de cour et des portraits de puissants, avant la déclaration de sa maladie. Cette partie détaille et explique les liens entre sa famille et le peintre.

Le second livre au titre évocateur de Songe de la raison rappelle une estampe de Goya où il s'est représenté endormi pour réaffirmer la prépondérance de la raison et de la lumière de la connaissance. Ainsi, cette partie est racontée par la mystérieuse expéditrice du mail et se mélange avec les souvenirs de Camille Cambion. Sarah Chiche conte le cheminement de sa famille, scientifiques convaincus, après la disparition du crâne de Goya. Elle reprend une des explications fantaisistes concernant la disparition du crâne de l'artiste.

La première partie est implantée dans la réalité des problèmes de l'hôpital public, d'une famille monoparentale et d'une femme travaillant dans un univers assez machisme. La seconde remonte l'histoire jusqu'au XVIIIéme siècle en reprenant des thèses subversives expliquant le titre du roman. Seulement, l'écart est grand. Peut-être trop ! Entre la réalité et la modernité actuelles et l'ésotérisme et le fétichisme de l'autre, il manque de l'équilibre.

Certes Sarah Chiche surprend par sa capacité à imbriquer l'histoire de sa légiste avec celle du peintre. La description de la maladie invalidante du peintre est analysée en expliquant les répercussions sur son oeuvre. Elle souligne aussi la modernité de ses productions. C'est décrit sans faire étalage de quelconques superconnaissances. Et, c'est très agréable. Les obsessions littéraires de Sarah Chiche se retrouvent aussi dans Les Alchimies, secret de famille et traumatisme, même s'ils sont traités par son personnage Camille, un double littéraire.

Seulement, ce sont les liens qui posent légèrement problème : des parents, fanatiques de fêtes sataniques, l'utilisation des drogues, certes éclairée, mais peu vraisemblable avec les performances d'études scientifiques. Une Camille très naturelle qui devient porteuse d'une intelligence supra normale admirée par son père. Trop d'éléments qui interpellent l'imaginaire du lecteur et qui l'empêche de s'envoler tranquillement, me semble-t-il.

Le style est toujours aussi flamboyant, avec des phrases travaillées d'une grande intensité.

Alors, un sentiment mitigé m'anime, à la fois admirative car j'ai appris beaucoup sur le peintre, mais, interrogative sur l'univers particulier dans lequel nous plonge Sarah Chiche lorsque son imaginaire déborde !

Sûres, ses alchimies devraient être récompensées par un prix, car ce roman est retenu dans la seconde sélection du prix De l'Académie Francaise. La réponse sera dans quelques jours !
Lien : https://vagabondageautourdes..
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« le sommeil de la raison engendre des monstres » (Francisco de Goya/Caprices).

Inquiétante étrangeté et romantisme noir. Un roman social, obscur et chirurgical.
Le cerveau humain et ses curiosités.
Du mystère des crânes à l'exploration du cerveau et de la conscience chez les génies.
Une quête effrénée.

Mort en 1828, lorsque le peintre aragonais Francisco de Goya fut inhumé à Bordeaux, son crâne avait disparu – il avait été volé.

Camille Cambon est médecin légiste à Paris en 2022, l'hôpital est en crise, nombre de praticiens en souffrance.
C'est dans ce contexte que la narratrice va se retrouver sur les traces de Goya, et du mystère entourant la disparition de son crâne. Une quête liée à la fascination qu'il a exercé sur ses parents et son parrain, scientifiques renommés, la passion pour un génie, pour cette part irrationnelle et de folie dans l'âme humaine.

A la réception d'un étrange message, Camille fera une rencontre qui mêlera l'histoire personnelle de ses parents à leur vénération, leur curiosité pour Goya, sa vie, son oeuvre.

Ce roman nous emmène de la quête d'un crâne, en exploration des mystères de l'intellect et révélation de l'étrange passion, d'un pacte secret et de curieuse déraison …
S'en mêlent théâtre, peinture, pouvoir de l'art et société secrète de médecins.
D'une obsession pour Goya aux catacombes parisiennes.

« Car en vérité chacun veut paraître ce qu'il n'est pas, tout le monde s'entre-trompe et personne ne se connaît ».
*
J'ai beaucoup apprécié le style d'écriture de Sarah Chiche, romancière et psychanalyste ; les nombreuses références aux oeuvres, les réflexions sur la notoriété et la vanité, et les traits d'esprit.

J'attendais peut-être encore plus de développement sur Goya et le romantisme noir ; même si en filigrane j'ai pu y lire les délires, la noirceur fascinante voire macabre, l'aspect satire sociale, soit quelques éléments dilués de l'oeuvre de Goya.

« le génie est dans cette alchimie supérieure qui change les vices de nature en éléments d'une destinée » (Pierre Emmanuel).
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Un étrange mail de Bordeaux bouleverse Camille, médecin légiste et fille de médecins.
Et c'est ce mail qui provoque une quête, la résolution d'un mystère dont son père lui en avait légué une partie sombre et irrésolue.
Le roman fictif sauf en ce qui concerne Goya se déroule inquiétant, comme un thriller soulevant diverses interrogations.
De la femme dépressive aux amours non ou mal assumées aux ténèbres artistiques en passant par ce que peut contenir en elle de la transmission familiale, le livre se déroule avec ses mystères humains et le mystère du crâne de Goya.
Compléter ce livre par quelques recherches sur ce « crâne » et la réalité s'accorde à la fiction qui nous est proposée.
Un livre prenant où le malaise se dispute avec la curiosité de savoir.
Tout ce rappel du « charnier » récemment découvert en fait largement partie et entraîne la nausée. La vie du médecin légiste est détaillée dans ce qu'un profane n'ose imaginer mais il ne faut pas refuser la réalité, tel est l'homme, tels sont les faits.
Diverses questions sans réponse et c'est bien.
On reconnaît une plume qui jongle avec les mystères de l'homme et s'exprime dans une fiction certes mais qui plonge au tréfonds de l'être humain.
Le mystère du crâne de Goya demeure…

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