Citations sur Le rapport de Brodeck (448)
Je savais que je venais de bien trop loin pour eux, et ce n'était pas une affaire de kilomètres véritables. Je venais d'un pays qui n'existait pas dans leur esprit, un pays qu'aucune carte n'avait jamais mentionné, un pays qu'aucun récit n'avait jamais exprimé, un pays sorti de terre en quelques mois, mais dont les mémoires allaient désormais devoir s'encombrer pendant des siècles.
C'est très curieux la sainteté. Lorsqu'on la rencontre, on la prend souvent pour autre chose, pour tout autre chose, de l'indifférence, de la moquerie, de la conspiration, de la froideur ou de l'insolence, du mépris peut-être. On se trompe, et alors on s'emporte. On commet le pire. C'est sans doute pour cela que les saints finissent toujours en martyrs.
On peut toujours se dire que la faute incombe à celui qui les entraîne, les exhorte, les fait danser comme un orvet autour d'un bâton, et que les foules sont inconscientes de leurs gestes, de leur avenir, et de leur trajet. Cela est faux. La vérité, c'est que la foule est elle-même un monstre. Elle s'enfante, corps énorme composé de milliers d'autres corps conscients. Et je sais aussi qu'il n'y a pas de foules heureuses. Il n'y a pas de foules paisibles. Et même derrière les rites, les sourires, les musiques, les refrains, il y a du sang qui s'échauffe, du sang qui s'agite, qui tourne sur lui-même et se rend fou d'être ainsi bousculé et brassé dans son propre tourbillon.
Je me souviens d'avoir pensé que les yeux n'ont pas d'âge, et que l'on meurt avec ses yeux d'enfant, toujours, ses yeux qui un jour se sont ouvert sur le monde et ne l'ont plus lâché.
La guerre... Peut-être les peuples ont-ils besoin de ces cauchemars. Ils saccagent ce qu'ils ont mis des siècles à construire. On détruit ce qu'hier on louait. On autorise ce que l'on interdisait. On favorise ce que jadis on condamnait.
Et la mort nest jamais difficile. Elle ne réclame.ni héros ni esclave. Elle mange ce quon lui donne.
Ce que je voudrais, c'est comprendre, m'avait-i avoué un jour.On ne comprend jamais rien, ou très peu de choses, avait-il poursuivi. Les hommes vivent un peu comme les aveugles, et généralement, ça leur suffit. Je dirais même que c'est ce qu'ils recherchent, éviter les maux de tête et les vertiges, se remplir l'estomac, dormir, venir entre les cuisses de leur femme quand leur sang devient trop chaud, faire la guerre parce qu'on leur dit de la faire, et puis mourir sans trop savoir ce qui les attend après, mais en espérant tout de même que quelque chose les attend. Moi, depuis tout petit, j'aime les questions, et les chemins qui mènent à leurs réponses. Parfois d'ailleurs, je finis par ne connaître que le chemin, mais ce n('est pas si grave : j'ai déjà avancé.
J'étais sur la charette comme un petit souverain, blotti contre les ballots et le ventre du lapin qui gardait toujours son regard de velours sur moi. Fédorine chaque jour me nourrissait de pain, de pommes et de lard, qu'elle t'irait de grands sacs en toile bleue, et aussi de mots, des mots qu'elle glissait dans mon oreille et que je devais ressortir par ma bouche.
es que vous pouvez repondre a ces questions:
dans le chapitre XIX: Lors de son entretien avec Brodeck, à quoi le curé Peiper compare-t-il l'Anderer' Cette comparaison vous parait-elle pertinente?
Je l’ai prise contre moi, je l’ai serrée dans mes bras, longuement, et j’ai songé aux oiseaux, aux oiseaux si petits et perdus, les passereaux faibles, malades ou désolés qui ne peuvent suivre leurs semblables dans les grandes migrations, et qui attendent avec résignation, vers la fin de l’automne, sur le rebords des toits, les branches basses des arbres, les plumes défaites et le cœur affolé, le froid qui les fera mourir.