AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le rapport de Brodeck (448)

En définitive, les frontières ne sont que des coups de crayon sur des cartes. Elles tranchent des mondes mais ne les séparent pas. On peut parfois les oublier aussi vite qu'elles furent tracées.
Commenter  J’apprécie          00
J'avais entre les mains des fragments de la vie de Diodème, de petits morceaux essentiels qui, assemblés, éclairaient un esprit disparu. Et en songeant à sa vie, à la mienne, à celle d'Emélia, de Fédorine, à celle aussi de l'Anderer, dont je ne savais à vrai dire presque rien, que j'imaginais seulement, le village m'est alors apparu sous un jour nouveau : je le vis soudain comme le lieu ultime, rejoint par ceux qui laissent derrière eux la nuit et le vide, le lieu non pas où l'on peut recommencer quelque chose, mais simplement la place où peut-être tout finit, où tout doit se finir.
Commenter  J’apprécie          00
Moi, je ne demandais pas grand-chose. J'aurais aimé ne jamais quitter le village. Les montagnes, les bois, nos rivières, tout cela m'aurait suffi. J'aurais aimé être tenu loin de la rumeur du monde, mais autour de moi bien des peuples se sont entretués. Bien des pays sont morts et ne sont plus que des noms dans les livres d'Histoire. Certains en ont dévoré d'autres, les ont eventrés, violés, souillés. Et ce qui est juste n'a pas toujours triomphé de ce qui est sale.
Pourquoi ai-je dû, comme des milliers d'autres hommes, porter une croix que je n'avais pas choisie, endurer un calvaire qui n'était pas fait pour mes épaules et qui ne me concernait pas ? Qui a donc décidé de venir fouiller mon obscure existence, de déterrer ma maigre tranquillité, mon anonymat gris, pour me lancer comme une boule folle et minuscule dans un immense jeu de quilles ? Dieu ? Mais alors, s'Il existe, S'Il existe vraiment, qu'Il se cache. Qu'Il pose Ses deux mains sur Sa tête, et qu'Il la courbe. Peut-être, comme nous l'apprenait jadis Peiper, que beaucoup d'hommes ne sont pas dignes de Lui, mais aujourd'hui je sais aussi qu'Il n'est pas digne de la plupart d'entre nous, et que si la créature a pu engendrer l'horreur c'est uniquement parce que son Créateur lui en a soufflé la recette.
Commenter  J’apprécie          00
Depuis longtemps, je fuis les foules. Je les évite. Je sais que tout ou presque est venu d'elles. Je veux dire le mauvais, la guerre et tous les Kazerskwirs [cratères] que celle-ci a ouverts dans les cerveaux de beaucoup d'hommes. Moi, je les ai vus les hommes à l'œuvre, lorsqu'ils savent qu'ils ne sont pas seuls, lorsqu'ils savent qu'ils peuvent se noyer, se dissoudre dans une masse qui les englobe et les dépasse, une masse faite de milliers de visages taillés à leur image. On peut toujours se dire que la faute incombe à celui qui les entraîne, les exhorte, les fait danser comme un orvet autour d'un bâton, et que les foules sont inconscientes de leurs gestes, de leur avenir, et de leur trajet. Cela est faux. La vérité, c'est que la foule est elle-même un monstre.
Commenter  J’apprécie          00
Ce que je voudrais, c'est comprendre, m'avait-il avoué un jour. On ne comprend jamais rien, ou très peu de choses, avait-il poursuivi. Les hommes vivent un peu comme les aveugles, et généralement, ça leur suffit. Je dirais même que c'est ce qu'ils recherchent, éviter les maux de tête et les vertiges, se remplir l'estomac, dormir, venir entre les cuisses de leur femme quand leur sang devient trop chaud, faire la guerre parce qu'on leur dit de la faire, et puis mourir sans trop savoir ce qui les attend après, mais en espérant tout de même que quelque chose les attend. Moi, depuis tout petit, j'aime les questions, et les chemins qui mènent à leurs réponses. Parfois d'ailleurs, je finis par ne connaître que le chemin, mais ce n'est pas si grave : j'ai déjà avancé.
Commenter  J’apprécie          00
Ils pourraient manger leurs propres frères, leur propre chair, ça ne les dérangerait pas, ils ne font pas de différence. Ils broient, ils avalent, ils chient, ils recommencent indéfiniment. Ils ne sont jamais rassasiés. Et tout leur est bon. Car ils mangent de tout, Brodeck, sans jamais se poser de question.
Commenter  J’apprécie          00
J'ai toujours eu un peu de mal à parler et à dire le fond de ma pensée. Je préfère écrire. Il me semble alors que les mots deviennent très dociles, à venir me manger dans la main comme des petits oiseaux, et j'en fais presque ce que j'en veux, tandis que lorsque j'essaie de les assembler dans l'air, ils se dérobent.
Commenter  J’apprécie          00
Pourquoi à ton avis tolèrent-ils mes sermons incohérents, mes messes trouées d'imprécations et de délires d'ivrogne ? Pourquoi y viennent-ils tous ? Pourquoi aucun n'a jamais demandé à l'évêque ma révocation ? Parce qu'ils ont peur, Brodeck, tout simplement, parce qu'ils ont peur de moi et de ce que je sais d'eux. C'est la peur qui gouverne le monde. Elle tient les hommes par leurs petites couilles. Elle les serre dans sa main, de temps à autre, pour leur rappeler qu'elle peut les anéantir si elle le veut.
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (8740) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Brodeck

    Comment est surnommé l'homme qui a été assassiné?

    L'Etranger
    L'Anderer
    Le Peintre
    Le Fou

    10 questions
    361 lecteurs ont répondu
    Thème : Le rapport de Brodeck de Philippe ClaudelCréer un quiz sur ce livre

    {* *}