Les âmes grises, est un roman très particulier, à l'atmosphère lourde et sombre.
Pour toile de fond à ce sombre tableau, il ne faut pas s'attendre à une campagne bien verdoyante et calme. Quoi de mieux que le lointain écho de la 1ère guerre mondiale, avec ses bruits assourdissants de canons et de tirs qui laissent présager un spectacle désolant.
Le début est trompeur, le lecteur pense être au coeur d'un roman policier, puisqu'il s'ouvre sur le meurtre d'une fillette de 10 ans, surnommée Belle de jour. Qui a bien pu tuer cette jeune innocente ? Si l'enquête, appelée l'Affaire est bien présente dans le roman et qu'on lui donne de l'importance, c'est bien la psychologie des personnages gravitant autour de cette investigation qui prime.
Et voilà le lecteur embarqué dans les dédales de l'âme humaine, chacun ayant son propre jardin secret, ses doutes, ses peurs, ses reproches. Un itinéraire labyrinthique dont les chemins sont nuancés de gris très obscur, tendant vers le noir plutôt que le blanc.
Ces parcours sont superbement décrits, avec finesse et subtilité même si j'ai déploré quelques longueurs. J'ai adoré la fin, qui révèle, un à un, les secrets occultes de chacun.
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L' « affaire » se passe dans un bourg quelque part entre le nord et l'est de la France, en pleine 1ere guerre mondiale. Un narrateur dont on sait peu dresse le portrait de personnages de ce bout de France qui échappe à la guerre pour continuer à faire tourner « l'usine », alors qu'au loin les canons résonnent. le procureur, le juge, le colonel sont dépeint à la manière d'un roman du 19e siècle, sans qu'aucun des traits de leur abominable cruauté ne soit omis par l'auteur. Cette « affaire », le meurtre de Belle de jour, 10 ans, constitue le fil rouge d'une enquête dans laquelle les puissants fixent les règles du jeu, toujours dans leur intérêt, sans jamais considérer ces transparentes âmes villageoises, errantes, dépitées, malheureuses que Claudel appelle les « âmes grises ».
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C'est un récit d'un policier qui raconte une partie de sa vie, ses souvenirs qui gravitent autour d'une affaire d'un meurtre de jeune fille. Un récit qui dit la guerre, un petit peu, mais la guerre vu de l'arrière, là où les gens vivent au son des canons sans avoir à se battre au front. le début des années 1900, dans un petit village de paysans et ouvriers d'une même grande usine, où tous se connaissent.
Il y a le Procureur, un homme en dehors des autres; le juge, un homme détestable; et surtout la jeune Lysia, nouvelle institutrice, rayon de soleil sur les visages. Tous les personnages sont importants, sans “personnage principal” excepté le policier qui parle. On lit les faits, accompagnés par quelques détails, quelques remarques du narrateur, et on en conclut le fond des personnages. Mais les faits, rien qu'à eux, disent l'horreur et la bonté dont les hommes sont capables. le curé m'a réchauffé le coeur, le Procureur, après la longue interrogation que j'ai eu sur lui, m'est devenu sympathique, je l'ai pris en pitié. L'aubergiste en deuil dont le mérite ne peut se nier avec les révélations faites. Et tellement d'autres faits marquants, notamment le témoignage du gendarme Despiaux, marqué à vie par la brutalité des hommes, leur cruauté. Et on comprend bien que ces choses-là persistent et rancissent le coeur et l'esprit. Pourrissent la vie.
Et puis, finalement, parmi toutes ces choses mauvaises, il y en a qui sont “justifiées”, ou plutôt il y en a qui font pitié. Peut-on reprocher l'ignoble à celui qui souffre, à celui qui trop de fois, trop brutalement, a subi lui-même l'ignoble?
C'est un roman comme on n'en trouve pas partout, un écrivain du mystère, qui y excelle, et qui dit la vie et la vérité tout en passant. Parfois poétique, souvent véridique, toujours avec fluidité, il nous tient la main et nous emmène du début à la fin sans jamais nous lâcher, sur sa scène, là où tout se passe dans un univers serré, étriqué, et où la crasse couvre le sol, mais la beauté jaillit quand éclosent les fleurs. Et on aime.
Il n'y a pas d'action à proprement parler, pourtant on vit un mystère, un meurtre qui s'est saisi de la vie de notre narrateur, ne le lâche pas tant que tout n'est pas fini. Un incontournable, qui ne peut que confirmer mon amour pour Claudel!
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