C'est vraiment une très belle initiative des éditions du Félin d'avoir consacré depuis plusieurs années une collection aux témoignages de ceux qui ont pris part activement à la Résistance. On y trouve ainsi les contributions de
Claude Bourdet, Emmanuel D'Astier,
Lucien Neuwirth et tant d'autres. Désormais, ce trésor historique est disponible en poche à l'image du livre de Francis-Louis Colson "Le Temps des passions", paru initialement en 1998 juste avant le décès de ce compagnon de la Libération qui deviendra après-guerre le directeur de l'INSEE.
Même si le sous-titre annonce bizarrement "De
Jean Moulin à la Libération (1943-1944), Closon démarre son témoignage dès juin 1941 lorsque, quittant le continent américain où il poursuivait ses études, il rejoint Londres et la France libre.
Chargé des finances, puis de l'Intérieur au sein du dispositif gaulliste, il piaffe d'impatience à l'idée de retrouver la France occupée pour y jouer un rôle sur le terrain. Grâce à
André Philip, son voeu sera réalisé en avril 1943. Sa mission le situe aux côtés de Max (
Jean Moulin) lequel se débat, non sans difficultés, pour unifier la Résistance intérieure, imposer la vision du général
De Gaulle à Frenay, D'Astier et autres, les chefs des différents mouvements (Combat, Libération...)
"Dure tâche, commente Colson, pour l'homme sans cesse menacé, que de grouper les tendances opposées, d'apaiser les querelles, de faire du disparate un tout cohérent." D'autant que les egos exacerbés entre en ligne de compte et que les mouvements éprouvent en outre un besoin grandissant de reconnaissance de la part de cette entité lointaine qu'est la France libre. Ce que Colson mesure parfaitement lorsque s'entretenant avec
Claude Bourdet, celui-ci lui lance : "Vous prétendez nous traiter en enfants mineurs". L'adjoint de Frenay met là le doigt sur un des problèmes relationnels majeurs entre les deux entités résistantes.
Moulin ne va cesser de tenter de réduire la fracture. Mais négociateur isolé, il prend les coups souvent injustes de ceux qui étaient aussi mus par des ambitions personnelles (Frenay au premier chef qui ira jusqu'à négocier en secret avec les Américains).
Colson défend avec opiniâtreté
Jean Moulin et lorsqu'en mai 1943, il revient à Londres chargé d'un rapport confidentiel et essentiel de
Jean Moulin à
De Gaulle, il ignore qu'il s'agit d'une sorte de testament puisque l'unificateur de la Résistance devait succomber sous les coups de la Gestapo deux mois plus tard.
Sa mission,
Moulin L avait accomplie et Colson y avait apporté sa quote-part. Son livre est une utile mise au point sur les relations parfois orageuses entre le chef d'orchestre,
De Gaulle à Londres et les exécutants en France occupée. Comme le souligne Colson, "Rares ont été ceux qui ont eu la chance d'avoir pu vivre des deux côtés, de s'intégrer à la Résistance intérieure sans oublier
De Gaulle, aux prises avec le monde". Comme Moulin, Colson fut de ceux-là et son témoignage n'en prend que plus de relief.