C'est toujours avec grand plaisir que je me plonge dans un roman de
Jonathan Coe. À vrai dire, pour une raison assez contestable (car l'objet d'un roman n'est pas d'apporter du réconfort) : Coe prend soin de ses personnages ; contrairement à de nombreux auteurs, il ne les maltraite pas en les plongeant dans des intrigues extraordinaires et angoissantes ; ce sont des gens comme vous et moi, confrontés à des événements ordinaires, au parcours desquels l'auteur s'attache avec bienveillance. Or, j'ai l'impression que cette bienveillance rejaillit sur moi, lecteur, et je me sens à mon tour bien traité par l'auteur. Certes, cela ne suffit pas, d'autant que je n'aime pas la littérature feel good. La force de
Jonathan Coe est d'inscrire véritablement ses récits dans l'Histoire, la vraie, celle de l'Angleterre des dernières décennies : le thatchérisme dans
Bienvenue au club, le blairisme dans
le cercle fermé, le Brexit dans
le coeur de l'Angleterre, etc. Avec
le royaume désuni,
Jonathan Coe scrute le lien que la population anglaise entretient avec sa monarchie et la façon dont ce lien évolue depuis la Victoire de 1945 jusqu'à la période Covid en passant par le couronnement d'Élisabeth II (1953), l'investiture du Prince de Galle (1969), son mariage avec Lady di (1981) et les funérailles de celle-ci (1997). Au passage, c'est drôle de se dire qu'Élisabeth a joué un sale coup à Coe en mourant quelques mois après la parution du livre qui se serait sinon enrichit d'un chapitre supplémentaire sur le couronnement de Charles III. Bien sûr, l'essentiel n'est pas dans cette succession d'événements historiques, d'autant que les personnages principaux ne sont pas Élisabeth, Charles ni Diana mais Mary Clarke (qui partage de nombreux traits avec la mère de l'auteur), son mari, leurs enfants et leurs proches. L'essentiel est alors dans l'analyse précise et nuancée, jamais définitive (car polyphonique du fait de la multitude des personnages), de l'évolution de la société britannique et de la façon dont des gens comme vous et moi sont traversés par cette évolution.