Voici ma 300ème chronique sur le site de BABELIO, et je la consacre à un auteur que j'apprécie beaucoup.
Car disons le d'emblée : j'aime bien
Jonathan Coe, l'un de ces auteurs britanniques que je suis toujours avec beaucoup d'intérêt.
Un récit en quelques dates majeures qui traite de l'histoire avec un petit h, d'une famille anglaise sur 3 générations, sur fond d'Histoire avec un grand H, avec quelques évènements majeurs du XXème et du début du XXIème siècle, le tout scruté avec tout le flegme et l'humour britannique dont est capable le grand auteur
Jonathan Coe.
Soit une famille, la famille Lamb, et ses principaux personnages vivant près de Birmingham : les parents, Doll et Samuel, qui vont avoir une fille Mary, dont on suivra la vie tout au long du récit, qui épousera Geoffrey, un conservateur britannique typique, et qui aura avec lui 3 fils : Jack, thatchérien en diable, Marin, qui épousera Bridget (alors qu'elle a la peau noire, ce que ne pourra jamais supporter son beau-père-) et Peter, le préféré de Mary, musicien, et homosexuel qui n'ose pas se l'avouer.
7 dates qui sont sans doute inscrites dans l'inconscient collectif des Anglais :
08 Mai 1945, ou Jour de la Victoire, avec les discours de
Churchill et celui du Roi bien connu maintenant grâce au film « le discours d'un roi » où Georges VI, le roi bègue, est brillamment interprété par Colin Firth.
02 Juin 1966 où le Couronnement de la Reine Elisabeth II, dans lequel le personnage de Mary, alors âgée de 17 ans, retrouve Kenneth qu'elle aurait pu épouser plutôt que ce conservateur de Geoffrey, raciste et incapable de reconnaître l'homosexualité de son fils.
Et cette finale de la Coupe du Monde du 30 Juillet 1966, dans laquelle l'Angleterre écrase l'Allemagne, pour le plus grand bonheur des 3 fils de Mary et Geoffrey, qui miment des épisodes de la 2nde Guerre mondiale avec leurs lointains cousins d'origine allemande qu'il faut humilier.
Ou encore, bien sûr l'investiture du Prince de Galles, le 01er juillet 1969, occasion pour Martin et Peter de découvrir que les Gallois détestent les Anglais, et ensuite une date qui reste dans l'inconscient collectif français également : 29 juillet 1981, ou les funérailles de Lady di suite à son accident sous le Pont de l'Alma.
L'enterrement est aussi pour l'auteur l'occasion de nous faire faire connaissance avec un trublion foutraque, qui arpente les allées du Parlement européen avec sa mèche blonde et que tout le monde appelle Boris. Un certain Boris qui se présente également à une élection galloise acquise aux travaillistes, élection qu'il va perdre une première fois, mais qu'il remportera plus tard. Un portrait ironique qui nous donne à voir la piètre opinion que bon nombre de sujets britanniques ont de celui qui deviendra leur
Premier Ministre …
Le personnage principal de cette chronologie est Mary, qu'on découvre petite puis adolescente, et ensuite pleine de vie et sportive à la tête d'une famille qui va devenir nombreuse.
Une dernière date, le 08 Mai 2020, nous plonge dans l'atmosphère de démarrage de crise du COVID, avec une scène toute pleine de sensibilité où Peter, le troisième fils, réussit à voir sa mère avant qu'elle ne meure la nuit suivante –
Jonathan Coe nous précisant en fin de roman que c'est la seule véritable scène autobiographique que l'auteur a écrite.
Le procédé des 7 dates fonctionne très bien, comme il avait fonctionné dans «
La pluie, avant qu'elle tombe » que j'avais chroniqué à l'époque.
Et puis il y a la localisation. Située à Birmingham, au Nord-Ouest de Londres, l'action se déroule à l'ombre de la chocolaterie Cadbury. Ce qui donne à
Jonathan Coe l'occasion de nous livrer quelques scènes savoureuses, comme ce combat que mène Martin face à la Commission européenne parce que, suite à un certain nombre d'arguties incompréhensibles, l'Europe refuse d'importer des chocolats de Cadbury qu'elle ne qualifie pas de chocolat, comme ceux des Français ou des Belges.
Délectable récit scandé en sept temps, «
le Royaume désuni » nous livre un témoignage brillant de la société britannique des dernières années.
Après l'excellent «
Billy Wilder et moi », on rêve donc
D'ores et déjà d'une huitième saison qui nous montrera comment la société britannique vit la décision du Brexit – le rendez-vous est déjà pris pour ma part.