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sur 768 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Comment le Royaume Uni, la nation qui a résistée à la Blitzkrieg, a contribuée massivement à l'effort de guerre et à la victoire alliée en 1945, fut le foyer du Rock européen, des Beatles aux Sex Pistols en passant par les Kinks, fut la patrie d'un football et d'un rugby virils, fair-play et flamboyants qui rayonna sur le monde, a donné Sean Connery au cinéma, s'est-elle retrouvée coincée dans les errements d'une basse stratégie qui a conduit sa classe politique a proposer et sa population à voter la sortie de l'Union Européenne ?
Répondre à cette question est l'ambitieux projet du roman de Jonathan Coe. Un roman qui s'inscrit dans la suite logique de ses précédents romans Expo58, La pluie avant qu'elle tombe , Billy Wilder et moi, comme le précise l'auteur dans ses remerciements de fin d'ouvrage.
La démonstration est audacieuse mais séduisante. C'est au travers d'une saga familiale qu'il développe sur trois générations que Coe illustre son propos. Les histoires individuelles des différents personnages, leurs choix conditionnent et/ou sont conditionnés par les événements sociaux et politiques.
La monarchie qui sort renforcée de la deuxième guerre mondiale connait ses heures de gloire et renforce sa popularité tant chez les Tories que
chez les travaillistes avec le couronnement d'Elizabeth II en 1952.
La cérémonie retransmise en direct par la BBC coïncide avec le développement de la TV pour tous et l'un des moments forts du roman est ce chapitre dans lequel une famille reçoit 17 personnes dans son salon pour regarder le direct car elle est la seule du quartier à posséder un téléviseur.
"ça semblait merveilleux, miraculeux, de pouvoir regarder tout ça à la télévision, de se trouver là à Birmingham et d'assister à ces scènes à l'instant même où elles avaient lieu à l'abbaye de Westminster."
De la même façon, l'investiture de Charles, Prince de Galles en 1981 et l'enterrement de Diana en 1997 sont des moments forts d'unité sociale et politique pour le Royaume Uni.
Derrière ces images dont Coe nous montre qu'elles occultent la réalité et donnent une image fantasmée de l'état de la scoiété anglaise et de la place effective du Royaume Uni dans le Monde, le consensus britannique se fissure.
L'intégration difficile dans l'UE en 1973, les positions outrancières de Margaret Thatcher et son "I want my money back" en témoignent. Les Britanniques défendent seuls contre tous la position de leur pays objet d'attaques extérieures.
Telle la guerre du chocolat, suite à la directive européenne de 1973 qui prétendait imposer l'appellation "chocolat" aux seuls produits contenant un pourcentage élevé de cacao au grand dam des anglais et de leur firme Cadbury proposant des barres contenant des graisses végétales et un % important de lait.
Mais l'important n'est pas la qualité du produit mais le fait que "(...) les matières grasses non cacaotées aient été introduites dans le chocolat britannique, à cause du rationnement, pendant la guerre et (...) ce que les Britanniques aimaient dans leur chocolat, c'était qu'il avait le "goût de la guerre"
Sur toutes les thématiques, à partir d'exemples équivalents, Coe montre comment les symboles - la résilience remarquable des britanniques pendant la guerre, l'attachement à la royauté, la position dominante musicalement - l'ont emportés sur la réalité économique pour présenter aux électeurs et légitimer la stratégie de la citadelle libérale assiégée par les technocrates européens.
L'intérêt du roman est de démonter le mécanisme à partir des histoires individuelles des personnages et de montrer que si tous n'ont pas la même vision ceux qui doutent sont une minorité.
Le roman commence en mars 2020, à l'aube des confinements en Europe et après un détour par 1945 revient à 2020 durant la période de confinement effective.
Une génération chasse l'autre y compris en politique. Boris Johnson dont Coe trace un portrait quand il était reporter du Daily Telegraph à Bruxelles (voir ma citation) s'impose aux affaires, déjouant tous les pronistics.
Comme dit Jack un des personnages « C'est pour ça que les gens aiment bien Boris Johnson, au passage. Parce qu'il laisse les gens faire leur vie sans se mêler de leurs affaires. »
La boucle est bouclée. le sentiment national ne consiste plus à partager des valeurs communes mais à justifier la nécessité de laisser les « gens » gérer leurs affaires comme bons leur semble. Malheur aux faibles et aux déshérités en quelque sorte. Un credo libéral qui devient une norme de plus en plus fréquente en Europe.
Un livre qui donne à réfléchir sur le pouvoir et les conditions de son exercice par une classe politique qui en a de moins en moins et se réfugie dans une symbolique niant la réalité des relations sociales.
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Attention, attention, ce billet ne comporte sans doute pas toute l'objectivité que l'on peut attendre d'un retour. Jonathan Coe est un de mes écrivains britanniques préférés, et je lis ses livres avec un préjugé très favorable et un sens critique sans doute un peu affaibli ;-)

Il se livre ici à son exercice préféré, l'analyse de la société anglaise et de son évolution au cours des années, de l'euphorie et la fierté éprouvées à la sortie de la seconde guerre mondiale à cette sortie de l'Europe, à laquelle beaucoup ne croyait pas. Il nous conte ceci à travers l'histoire d'une famille, aux ramifications nombreuses, dont le personnage principal est Mary. Petite fille à l'heure de la victoire en 1945, elle achèvera sa vie pendant le Covid. Seule, les siens restant à la fenêtre. et cet épisode est d'autant plus émouvant qu'il est l'écho de la mort de la mère de l'auteur à cette même période et dans les mêmes conditions atroces.
L'histoire n'est pas linéaire, et c'est ce qui m'a conduit à supprimer une demie étoile, nous rencontrons cette famille à sept occasions, sept dates importantes dans l'histoire récente de la Grande Bretagne. Nous ne savons pas ce qui se passe entre ces moments, et j'ai parfois regretté ces ellipses.

A chacune de ces occasions, par l'intermédiaire de cette famille et de ceux qu'elle côtoie, Jonathan se livre avec son ironie habituelle à une tendre critique de la société anglaise. Je dis tendre, parce que malgré tous leurs défauts, Jonathan aime ses personnages et nous les rend proches. J'ai retrouvé avec plaisir son ton unique, plein d'humour et de tendresse, mêlé aussi parfois de tristesse.

L'endroit choisi pour cette histoire n'est pas anecdotique. Il s'agit de Bournville, près de Birmingham , siège de la marque Cadbury. Et l'histoire de cette chocolaterie et de ses démêlés avec l'union européenne est l'un des fils rouges du livre, et donnera lieu à quelques pages savoureuses (pas à cause du chocolat lui-même), mais de l'humour avec lequel sont relatés quelques épisodes de cette guerre du chocolat.

Beaucoup de sujets sont abordés dans cette fresque, de l'homosexualité à la xénophobie, de l'amour des anglais pour la royauté à leur dédain envers le reste du monde et leur mépris des Gallois. Tout cela à travers les membres de cette famille qui sont représentatifs des différents courants, modes de pensée existant dans le pays.

Un roman qui m'a séduite encore une fois.
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Jonathan Coe signe un nouvel roman autour de son thème de prédilection, les travers et les dérives de son pays. de la seconde guerre mondiale aux années les plus récentes qui ont vu les amarres qui reliaient l'île au continent européen se rompre avec peu d'espoir de réparer les liens brisés, nous suivons l'évolution d'une famille, du bonheur d'être ensemble aux ruptures successives, avec en filigrane l'évolution d'une société qui adopte presque s'en sans rendre compte de nouveaux modes de pensées, d'autres regards sur le couple, ou des habitudes différentes au quotidien.


Pas de construction alambiquée : si le début se situe au moment de l'irruption du covid, un flash-back nous renvoie à une chronologie classique, avec cette particularité de prendre appui sur des dates clé de l'Histoire, comme la fin de la guerre en 1945, le couronnement de la Reine ou le décès de Lady Di. Quoi de plus adapté qu'un événement médiatique pour que chacun y aille de son commentaire souvent assez peu productif, mais révélateur ! le récit est par ailleurs émaillé de références musicales ou cinématographiques qui ont marqué chaque période.

En fil rouge, l'histoire de la chocolaterie Cadbury, point d'achoppement entre l'Angleterre et la quasi totalité de l'Europe avec des discussions sans fin sur le statut des graisses utilisées pour la fabrication de ces douceurs !


L'humour est là, peut-être un peu plus discret, en lien avec des personnages moins truculents que dans les premiers romans comme Testament à l'anglaise ou Bienvenue au club. Malgré tout, pas de langue de bois, et les opinions de l'auteur sur le plan politique et social s'affirment dans les dialogues toujours aussi fins et pointus.


Un roman de plus à rajouter à ma collection personnelle de Jonathan Coe, qui n'est pas loin d'être exhaustive, il ne me reste donc qu'à attendre le prochain !

496 pages Gallimard 3 novembre 2022
Traduction (Anglais) : Marguerite Capelle

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Voici ma 300ème chronique sur le site de BABELIO, et je la consacre à un auteur que j'apprécie beaucoup.
Car disons le d'emblée : j'aime bien Jonathan Coe, l'un de ces auteurs britanniques que je suis toujours avec beaucoup d'intérêt.

Un récit en quelques dates majeures qui traite de l'histoire avec un petit h, d'une famille anglaise sur 3 générations, sur fond d'Histoire avec un grand H, avec quelques évènements majeurs du XXème et du début du XXIème siècle, le tout scruté avec tout le flegme et l'humour britannique dont est capable le grand auteur Jonathan Coe.

Soit une famille, la famille Lamb, et ses principaux personnages vivant près de Birmingham : les parents, Doll et Samuel, qui vont avoir une fille Mary, dont on suivra la vie tout au long du récit, qui épousera Geoffrey, un conservateur britannique typique, et qui aura avec lui 3 fils : Jack, thatchérien en diable, Marin, qui épousera Bridget (alors qu'elle a la peau noire, ce que ne pourra jamais supporter son beau-père-) et Peter, le préféré de Mary, musicien, et homosexuel qui n'ose pas se l'avouer.

7 dates qui sont sans doute inscrites dans l'inconscient collectif des Anglais :

08 Mai 1945, ou Jour de la Victoire, avec les discours de Churchill et celui du Roi bien connu maintenant grâce au film « le discours d'un roi » où Georges VI, le roi bègue, est brillamment interprété par Colin Firth.

02 Juin 1966 où le Couronnement de la Reine Elisabeth II, dans lequel le personnage de Mary, alors âgée de 17 ans, retrouve Kenneth qu'elle aurait pu épouser plutôt que ce conservateur de Geoffrey, raciste et incapable de reconnaître l'homosexualité de son fils.

Et cette finale de la Coupe du Monde du 30 Juillet 1966, dans laquelle l'Angleterre écrase l'Allemagne, pour le plus grand bonheur des 3 fils de Mary et Geoffrey, qui miment des épisodes de la 2nde Guerre mondiale avec leurs lointains cousins d'origine allemande qu'il faut humilier.

Ou encore, bien sûr l'investiture du Prince de Galles, le 01er juillet 1969, occasion pour Martin et Peter de découvrir que les Gallois détestent les Anglais, et ensuite une date qui reste dans l'inconscient collectif français également : 29 juillet 1981, ou les funérailles de Lady di suite à son accident sous le Pont de l'Alma.

L'enterrement est aussi pour l'auteur l'occasion de nous faire faire connaissance avec un trublion foutraque, qui arpente les allées du Parlement européen avec sa mèche blonde et que tout le monde appelle Boris. Un certain Boris qui se présente également à une élection galloise acquise aux travaillistes, élection qu'il va perdre une première fois, mais qu'il remportera plus tard. Un portrait ironique qui nous donne à voir la piètre opinion que bon nombre de sujets britanniques ont de celui qui deviendra leur Premier Ministre

Le personnage principal de cette chronologie est Mary, qu'on découvre petite puis adolescente, et ensuite pleine de vie et sportive à la tête d'une famille qui va devenir nombreuse.

Une dernière date, le 08 Mai 2020, nous plonge dans l'atmosphère de démarrage de crise du COVID, avec une scène toute pleine de sensibilité où Peter, le troisième fils, réussit à voir sa mère avant qu'elle ne meure la nuit suivante – Jonathan Coe nous précisant en fin de roman que c'est la seule véritable scène autobiographique que l'auteur a écrite.

Le procédé des 7 dates fonctionne très bien, comme il avait fonctionné dans « La pluie, avant qu'elle tombe » que j'avais chroniqué à l'époque.

Et puis il y a la localisation. Située à Birmingham, au Nord-Ouest de Londres, l'action se déroule à l'ombre de la chocolaterie Cadbury. Ce qui donne à Jonathan Coe l'occasion de nous livrer quelques scènes savoureuses, comme ce combat que mène Martin face à la Commission européenne parce que, suite à un certain nombre d'arguties incompréhensibles, l'Europe refuse d'importer des chocolats de Cadbury qu'elle ne qualifie pas de chocolat, comme ceux des Français ou des Belges.

Délectable récit scandé en sept temps, « le Royaume désuni » nous livre un témoignage brillant de la société britannique des dernières années.
Après l'excellent « Billy Wilder et moi », on rêve donc

D'ores et déjà d'une huitième saison qui nous montrera comment la société britannique vit la décision du Brexit – le rendez-vous est déjà pris pour ma part.
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Génial ! Jonathan Coe est vraiment très très fort. Mais il ne se la raconte pas trop et c'est cela qui est très plaisant. Il prend ici appui sur des événements de l'histoire royale britannique (celui auquel vous pensez en premier n'a pu être inclus pour des raisons de timing !) et parvient à raconter l'histoire d'un pays avec un brio impressionnant. Mais bon ce n'est pas un traité d'histoire de l'Angleterre, il a des personnages très forts, exploit d'autant plus remarquable qu'ils ne reviennent pas très souvent dans le roman. C'est bourré de notations très profondes qui témoignent de son soucis des gens. Il y a des scènes bouleversantes sur les relations père-fils, mère-fils. On y croisera des pubs, des Allemands, du chocolat, l'UE, de la musique de chambre, du sexe...C'est d'une richesse inouïe, que l'on dévore et c'est tellement brillant. Mais aussi parfois très drôle. Très très drôle. Vous n'utiliserez plus jamais l'expression "marquer des buts de la même façon".
En somme un livre exceptionnel qui invente un peu sa forme de roman choral politique (dans le prolongement du Coeur de l'Angleterre).
Un livre que j'ai lu très vite pour ne pas que cela imprime trop vite et ainsi avoir le plaisir de le relire au plus vite !
NB : un livre qui par ailleurs donne une place importante au Covid, cela va vous rappeler des souvenirs !
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Je quitte avec regret cette famille anglaise attachante. Faut dire que je la connais depuis 1945, le 8 mai exactement !

Ce roman raconte par à-coups l'histoire d'une famille anglaise, en se focalisant sur certains de ses membres, dont Mary, puis ses trois fils et un de leurs cousins.
Par à-coups ? Effectivement, il est divisé en 7 parties décrivant un jour spécial dans la vie de l'Angleterre, et autour de l'événement décrit, on assiste à la vie quotidienne de cette famille, de leurs penchants, de leurs regrets, de leurs grandes décisions, de leurs amours et leurs désamours.
Nous commençons donc le 8 mai 1945 avec la petite Mary qui a 11 ans, puis un bond dans le temps pour arriver au couronnement de la reine Elisabeth II, le 2 juin 1953 (et inauguration de la première TV ), ensuite nous assistons à la finale de la Coupe du monde le 30 juillet 1966, marquée par la victoire de l'Angleterre sur l'Allemagne (accueil des petits-cousins allemands pour l'occasion), puis l'investiture du prince de Galles, le 1er juillet 1969 (vacances de la famille dans le pays de Galles), puis le mariage de Charles et Diana, le 29 juillet 1981, puis les funérailles de Diana, et enfin le 8 mai 2020, en plein confinement dû au Covid.

Patriotes convaincus contre personnes jugeant que la famille royale ce n'est que des parasites, travaillistes contre conservateurs : on a l'impression que l'Angleterre se résume à cela, et leur désunion, c'est drôle à lire, d'autant plus que nous croisons des personnages connus, comme Boris Johnson à ses débuts, déjà décrit comme un pantin burlesque.
Tout est réel sauf la famille en question, y compris le village de départ près de Birmingham, Bournville, où se situe une chocolaterie qui restera dans les annales de l'Angleterre.
Et puis rien n'est laissé au hasard, un détail paraissant insignifiant reviendra quelques décennies plus tard de façon inattendue mais tout à fait pertinente.

Jonathan Coe, que j'aime beaucoup pour sa verve, son ironie, son autodérision, son côté sociologue mêlé au psychologue, cet auteur m'a encore une fois ravie.
Il m'a même soufflé une idée pour un futur atelier d'écriture : « Autour d'une date dont tout le monde se souvient, racontez une anecdote vous concernant ». Qui s'y colle ?
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Pour être honnête, je suis fan de Jonathan Coe et de ses descriptions de la société anglaise. Donc il faut lire ce commentaire avec ce prisme (biaisé ?).
De nouveau, à travers une famille, Coe va nous décrire plusieurs moments phare de l'histoire anglaise entre 1945 et aujourd'hui. On va découvrir Mary 10 ans à la fin de la guerre, ses parents, puis son mariage, ses enfants et petits-enfants. Et en parallèle, la finale de foot gagnée par le Royaume-Uni, Charles fait prince de Galles, le couronnement de la Reine, le mariage de Charles et Diana, la mort de Diana.... et moi qui me régale, les Anglais ont bon être nos voisins (très proches vu que je vis tout là-haut dans le nord de la France), c'est toujours une découverte.
.
Ce récit laisse un peu de côté l'humour mordant de l'auteur (néanmoins, la description de la cuisson du rôti made in UK, wah !). Là on a des moments poétiques, touchants et puis si douloureux. La fin est vraiment très émouvante. Sans doute aussi parce qu'on s'est attaché à l'héroïne....
Coe a vraiment le chic pour créer un monde, une famille avec ses bonheurs et ses difficultés, ses amours et ses rejets.... Ce livre est, pour moi, encore une belle réussite de l'auteur. Ah ça sent la fan de base ? oui... peut-être.... mais quand même quel beau livre !!!

PS : à lire ne serait-ce que pour une scène de sexe qui aurait pu être crue mais qui prend une autre saveur avec Coe ou la guerre du chocolat entre le Royaume-Uni et l'Union Européenne (drôle, très drôle...)
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Il est fort, le bougre ! C'est souvent ce que je me dis lorsque je referme un roman de Jonathan Coe, de plus en plus admirative qu'il réussisse cette prouesse sur la durée (écrire un bon roman quelques écrivains l'ont fait, mais en écrire autant de très bons c'est plus rare). Un jour je prendrai le temps de les relire tous depuis Testament à l'anglaise, ce sera un peu comme la Comédie humaine (la comparaison n'est ni vaine ni fortuite). Chez Coe aussi on retrouve des personnages d'un roman à l'autre, on a l'impression d'une vaste toile en train de se peindre. Il a déclaré récemment dans une interview qu'il rêvait d'écrire un grand roman qui rassemblerait à peu près tous les personnages de ses précédents livres : autant dire que j'attends ça avec impatience.

Mais revenons à ce Royaume désuni, piquante saga d'une famille dont le destin se confond avec celui de la Grande-Bretagne et que l'auteur met en scène à travers sept grands moments de l'Histoire du pays et du monde. Les fidèles lecteurs se souviennent sans doute de ce moment d'anthologie du Coeur de l'Angleterre lorsque l'auteur photographiait son pays rassemblé devant des écrans de télévision au moment de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Londres en 2012. On retrouve un peu cette mécanique qui permet de zoomer en utilisant les temps forts censés rassembler les citoyens (depuis l'Armistice de 1945 jusqu'aux cérémonies de commémoration de son 75ème anniversaire, en passant par un couronnement, des funérailles ou la coupe du monde de football en 1966), et c'est une idée qui est magistralement mise en musique par le maestro Jonathan Coe. D'abord parce qu'il sait mieux que personne donner vie à des personnages qu'on a l'impression, à peine rencontrés, d'avoir toujours connus (ce qui est vrai si on a lu Expo 58 ou La pluie avant qu'elle tombe, et les fins observateurs noteront que la référence à James Bond tout au long du livre n'a rien de fortuit ni d'inhabituel), des personnages qu'il nourrit et auxquels il fait porter en toute légèreté et avec un naturel confondant les points de vue qui permettent d'éclairer les grands sujets sociétaux des dernières décennies. Il fouille, cherche à comprendre comment le Royaume-Uni en est arrivé là et n'hésite pas pour cela à expliciter les relations Franco-Britanniques - voire la mondialisation - à l'aune de la "guerre du chocolat", ce qui nous vaut une formidable démonstration d'ironie aussi mordante que tendre ayant pour cadre une réunion au Parlement européen. Mais la force de l'auteur est de parvenir à entremêler les enjeux politiques et intimes lorsqu'il est question de différences, du rapport à l'autre et de visions d'avenir. Bournville, banlieue de Birmingham et siège historique de Cadbury devient ainsi un terrain d'observation idéal de l'Angleterre et des Anglais face au reste du monde.

Le résultat est formidable. Impeccablement construit, ce roman enchante par ses choix narratifs, ses clins d'oeil (oui, décidément il faudra tous les relire), son habileté à jouer des noeuds de crispation. Il dégage une certaine mélancolie en puisant dans l'essence de ce qui fait l'Angleterre et que l'on n'a pas envie de perdre ; en faisant aussi référence à l'expérience intime de l'auteur. Si l'humour est bien présent, sa férocité est tempérée par une réelle empathie pour les fragiles individus malmenés par le tourbillon de la vie, si indécis au moment du choix et tellement anxieux face aux changements.

En conclusion je n'ai qu'une chose à dire : s'il vous plaît M. Coe, encore !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Lire Jonathan Coe est toujours un exercice de plongée au coeur de l'âme anglaise. Suffisamment près de l'agitation du monde et néanmoins sans remous excessifs.
Ici, il réussit un exercice remarquablement nostalgique : nous brosser les portraits et les destins des membres d'une même famille, d'hier à aujourd'hui. de la seconde guerre mondiale au Covid. Grâce à la figure éminemment attachante de Mary Clarke.
Lorsque je dis qu'il "réussit", je vous invite, si vous tentez le loisir J. Coe, à bien vous laisser aller dans la narration, de vous laisser submerger, sans retenue, sans réticence. Ainsi il vous arrivera peut être, comme moi, de vous dire vers la fin : Mais... ça...
Alors vous reprendrez le livre, le réouvrirez, relirez certain passage et esquisserez un sourire... so british.
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Quel conteur, non mais quel fabuleux conteur que Jonathan Coe !
En sept tableaux il nous sert l'Angleterre sur un plateau, le tout assorti d'une brochette d'anglais typique.
Et je précise bien d'anglais, car de l'Ecosse, il ne sera pas question, l'Irlande n'étant représentée que sous la forme de quolibets plus ou moins bien sentis ; quant au Pays de Galles, il apparaît comme une nation totalement étrangère et vivement opposée à l'Angleterre, ce socle sur lequel repose le Royaume prétendument Uni, apparaissant de ce fait comme l'oppresseur.

De 1945 à 2020, de la victoire à la crise du Covid, 3/4 de siècle défile sous les yeux du lecteur enchanté. Bien entendu tout ce temps se déroule sous l'emprise de cette monarchie emblématique du pays et qui, soulevant adhésion ou répulsion, en demeure néanmoins l'incarnation aussi bien à l'étranger qu'à l'intérieur de ce Royaume désuni, selon l'auteur !
Du discours du roi George VI le 8 mai 1945 à celui de sa fille Elisabeth II le 8 mai 2020, en passant par le couronnement d'icelle, l'intronisation en tant que prince de Galles de son fils Charles, le mariage de ce dernier avec lady Diana et la mort de la "princesse du peuple", toute l'Angleterre va vibrer, se réjouir, se lamenter et pleurer. Elle va surtout laisser éclater sa joie pour la victoire lors de la coupe du monde de football 1966, où elle va surclasser l'Allemagne lors d'une finale d'anthologie, seul moment où la famille royale ne pèse pas de sa présence sur les événements.

Que d'humour dans cette évocation et que de tendresse également, que de précision dans la relation pointue que l'auteur fait de tous ces événements, et que de talent dans la conduite de ce récit qui mêle la grande histoire de la nation à celle d'une famille qui, au cours du temps s'agrandit, la vie des nombreux personnages influençant plus ou moins le cours des événements contés par l'auteur, qu'il s'agisse de la destinée de l'entreprise Cadbury et de la guerre du chocolat ayant fait fureur sur les bancs de la Commission Européenne à Bruxelles, ce qui donne lieu à une truculente et hilarante retranscription de débats.

De quel oeil acéré Jonathan Coe scrute son pays et ses habitants. Et comme elle est bien croquée cette famille Lamb dont la diversité de comportement des membres explique parfaitement les haines et rivalités qui opposent les êtres au sein de la société en général.
Seul bémol pour moi lors de cette réjouissante lecture. Il est dommage que certains personnages ne soient qu'effleurés, les sauts dans le temps effectués par l'auteur ne permettant pas de suivre leur évolution psychologique. du coup le lecteur est amené à se demander pourquoi diable celui-ci s'est apparié à celui-là !
Je n'en donnerai pour exemple que le personnage de Mary, qui passe brutalement de l'adolescence - au cours de laquelle on perçoit son hésitation entre un fiancé a priori falot et trop réservé, et un jeune homme beaucoup plus séduisant sous tous rapports - à un statut de femme mariée, pourvue de trois enfants, côtoyant un mari avec lequel elle n'a pas grand chose en commun !

Et il est vrai que pour le plus grand plaisir du lecteur, l'auteur nous sert son discours avec une telle verve qu'on en voudrait encore et encore. Eh oui, avec Monsieur Coe, on souhaiterait que cela ne s'arrête jamais !
Allons pour terminer, puisqu'il faut en finir, venez donc savourer une tasse de thé, mais que dis-je, a cup of tea, of course !
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