Voilà un recueil de huit nouvelles qui me laisse perplexe. Il baigne dans un climat sinistre fait de mélancolie, de solitude et de questions existentielles.
L'auteure décrit un monde violent et désespérant. Les personnages sont tous au bord de la folie ou même carrément bien dedans. Ils ont des hallucinations ou font des cauchemars et sont obsédés par la mort et la destruction du monde.
Il y a donc une ambiance glauque qui imprègne ses nouvelles et j'ai trouvé qu'il était difficile de savoir de quoi il était réellement question. Quelques sujets tangibles pointent leur nez, en particulier celui des croyances indiennes ayoreo qui semblent bien présentes dans la société bolivienne malgré le racisme subi par les Indiens d'Amazonie en général. Ces croyances portent sur les morts qui peuvent voyager entre les mondes, sur la présence de forces supérieures qui peuvent être maléfiques et sur la peur des sorts.
Il est également vaguement question d'expropriation, de vol des terres pour l'installation d'usines, de pollution, de meurtres et de l'incompréhension des Indiens face à des concepts occidentaux (contrat, dettes, signatures..).
Mais tout ceci flotte dans une grande confusion. Je n'ai pas compris les relations entre les personnages ou le but de leurs déplacements. Ils sont en permanence en train de décrocher de la réalité pour se souvenir d'événements anciens qui n'ont pas de lien clair avec le présent. Il m'a été très difficile de les suivre et j'ai trouvé l'ensemble décousu. Par certaines phrases, j'ai cru comprendre que des passages étaient d'inspiration autobiographique. Peut-être que cela a fait du bien à l'auteure mais c'est typiquement le genre d'écriture qui me laisse totalement en dehors. Il semblerait que cela soit trop elliptique pour moi et que j'aie besoin de plus d'explications.
Commenter  J’apprécie         50
Il avait commencé à mal dormir depuis que le médecin lui avait prescrit les pastilles pour maigrir. C’était comme si son cerveau travaillait à une vitesse distincte, incapable d’endiguer les pensées récurrentes ou les bruits de la nuit. Il se réveillait secoué par une décharge d’adrénaline, prêt à se défendre du coup de griffe d’un fauve ou de l’attaque d’un voleur masqué, et il ne pouvait plus se rendormir ; il se résignait alors à passer la nuit tenaillé par l’envie de se mettre en mouvement. Et puis il y avait l’interminable conversation avec lui-même, l’effrayante petite voix dans sa tête qui lui signalait tout ce qu’il avait mal fait, les maux de tête qui déboulaient comme des bourrasques. Il détestait ces pastilles.
On finissait par perdre la conscience de toute civilisation, de toute frontière au-delà de cette blancheur immaculée. L’après-midi se fondait dans la nuit, les anges descendaient en sanglots du ciel et moi j’attendais l’arrivée d’un messie, mais la seule chose qui m’arriva cette après-midi-là fut le coup de fil de maman. Cela faisait des jours que j’attendais qu’il se passe quelque chose, n’importe quoi. Je ne peux pas dire que ça m’ait surprise. J’ai presque été heureuse d’entendre sa voix chargée de rancœur.
On perd des heures à débattre d’idées, à théoriser sur l’éthique et l’esthétique, à marcher précipitamment pour éviter le flash des regards, à organiser des symposiums et des colloques, mais personne n’est capable de reconnaître le souffle d’un ange sur son visage. C’est comme ça. La Vague arrive et emporte, la nuit, sur la pointe des pieds, sept étudiants, et la seule chose à laquelle on pense, c’est à se remplir les poches de trazodone ou à s’offrir une lampe à rayons ultraviolets.
Elle voulait obtenir son diplôme avec mention afin de pouvoir postuler à un doctorat à l’étranger et s’éloigner pour toujours de la stricte surveillance de sa mère, de son Œil qui voyait tout. Le mensonge de ce garçon était un affront personnel, un attentat contre le futur qu’elle s’était dessiné, contre son idée du bonheur et du monde, et tout d’un coup, elle se sentit impuissante et naïve et prête à pleurer.
Elle dormait maquillée pour que Ruddy la voie belle, même en rêve. Elle l’accompagna à la cuisine vêtue de sa nuisette transparente. Elle avait des seins énormes, sensationnels, opérés, et tout son être ne semblait pas à sa place, comme une actrice qui se serait trompée de plateau de tournage.