Ouvrage très intéressant sur la relativité du dégoût, les mécanismes de défense et surtout le jeu social se déployant pour le distribuer et le hiérarchiser. Les témoignages des services sont édifiants. le traitements des "morts mal mort" par le service funéraire municipal est révélateur de la présence constante du dégoût chez l'être humain. On ne s'habitue jamais, on s'en défend mieux, sans plus.
L'humour vient au premier plan des voie de sortie face aux odeurs pestilentielles des cadavres décomposés, l'usage des gants se révèle d'une grand richesse épistémologique, on sort surpris de l'ouvrage. D'autant que le propos vise à dépasser le somatique pour en découvrir l'usage social du dégoût, nous ne sommes pas dégoutés des mêmes choses en fonction de notre culture, de l'objet du dégoût et de notre position sociale.
L'opus intéressera les sociologues dans ses analyses et le lecteur lambda dans ses témoignages. le sujet était osé et rarement abordé, c'est incontestablement le mérite de l'auteur...
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Fortement somatique, le dégoût n’en est pas moins social dans sa construction et ses conséquences. S’immisçant notamment dans le travail relationnel des professionnels du care, il met la cohésion sociale à l’épreuve en faisant frontière entre les corps.
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Dans la division du travail à l’hôpital, les aides-soignantes occupent la position hiérarchique la plus basse. Cette disqualification s’aggrave lorsqu’elles travaillent en gériatrie, spécialité peu valorisée. Le personnel soignant est confronté là, bien plus qu’ailleurs, aux matières sales et rebutantes et au dégoût qu’elles peuvent inspirer. Toutes les confrontations potentielles avec ces matières sont encadrées par l’organisation du service. Elles sont « instituées » : l’institution, par cet encadrement, impose sa rationalité et renforce ce faisant les diverses hiérarchies qui la mettent en œuvre. Il se produit à cet égard une intériorisation des normes chez les divers agents, du haut jusqu’en bas.
Cette gestion normative des dégoûts, qui vise essentiellement à les camoufler, contribue à occulter les personnes qui sont vouées à cette administration et à cette dissimulation : elle les rend proprement invisibles, une invisibilité déjà bien mise en lumière par Anne-Marie Arborio.
Vieillir à domicile avec de l’aide, avant d’être affaire de professionnelles, est affaire de famille. Les conjoints seront les premiers sollicités, puis les descendants, les filles d’abord, les fils ensuite. S’y adjoindront quelques alliés, principalement les belles-filles. Quand le handicap s’installe, quand la mémoire s’enfuit, le corps et ses failles réclament l’aide nécessaire à la survie.