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4,23

sur 460 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Edifiant ! cette contre enquête m'a permis de revenir sur ces deux affaires Boulin et Renaud dont on entend parler régulièrement, sans avoir de réponses claires. Sans nul doute, j'y suis venue grâce au traitement graphique bien que je ne sois pas une fan de BD.
Le traitement complet des deux affaires me rend vraiment pessimiste parce que je suis convaincue que le pouvoir crée et amène la violence que ce soit dans les années 60 ou les années 2010-2020.
Indispensable. Il est très utile de connaître L Histoire pour comprendre le présent.
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Sous l'oeil affuté d'un auteur de BD et d'un journaliste, se déroule une enquête dont on mesure à peine l'ampleur. C'est un très beau récit, bien plus qu'une BD, qui retrace comme le souligne le sous-titre, les heures sombres de la Vème République.
Ce sont des faits que beaucoup de Français ignorent finalement, des questions restées sans réponse... C'est comme un reportage dont on suit les traces.
La plume de Davodeau est toujours incroyablement juste et il se met en scène juste ce qu'il faut, pour nous emmener dans tous les endroits où il a prospecté pour découvrir les coulisses du pouvoir à l'époque. Il ne faut pas hésiter à le relire, à reprendre des passages, car il y a de nombreux détails qui enrichissent véritablement le récit.
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Contre-histoire officielle du Gaullisme avec ses cadavres dans le placard, ses secrets bien gardés : le S.A.C., une police parallèle au service du pouvoir.
Reprenant le procédé utilisé avec Les ignorants, bande dessinées dans laquelle il suit un vigneron, Étienne Davodeau accompagne ici le journaliste de France Inter Benoît Collombat non plus cette fois pour comprendre ses pratiques mais avec le projet d'illustrer son enquête sur l'histoire du Service d'Action Civique, l'officine gaulliste plus connu sous le nom de S.A.C. (...)
Lecture totalement passionnante. Si l'on se souvient par bribes de quelques évènements, leur récit détaillé est absolument glaçant. On comprend combien au nom d'une certaine vision de la raison d'État, le fonctionnement démocratique de nos institutions peut subir de transgressions. Ces pages de notre histoire doivent être diffusées largement pour mettre en lumière ce que les auteurs appellent les années de plomb françaises.
Lien : http://bibliothequefahrenhei..
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Je suis tombé par hasard sur cet ouvrage dans « ma » BU en flânant parmi le petit rayon des bandes et autres ouvrages dessinés : évidemment la couverture m'a interpellé immédiatement. Je n'ai que très peu entendu parler des « années de plomb » de la Vème République, mais la vision de De Gaulle en noir et blanc, éclaboussé d'un sang dont le rouge n'a pas été altéré, elle, a de quoi susciter la curiosité.

Dans cet ouvrage, il est beaucoup question du SAC : le Service d'Action Civique (1), sorte de milice « Gaulliste » fondée en France pendant la Guerre d'Algérie dans le but avoué de maintenir un semblant d'ordre dans cette période trouble. On y trouve pas que du beau monde, outre quelques anciens résistants, il y a aussi pas mal de « gros bras », de « voyous », dont la ligne politique est généralement bien plus à Droite encore que celle du Général de Gaulle.

Ce serait assez présomptueux de tenter de résumer ce roman graphique structuré sous forme d'enquêtes en quelques lignes. Enormément de personnes interviennent, peu sont anonymisées ce qui, en plus d'ajouter du crédit au récit, permet une immersion bien plus profonde à mon sens par le réalisme conféré aux témoignages et aux situations. L'ouvrage s'articule principalement autour de l'assassinat du « Juge Renaud » (2) et de « L'Affaire Boullin » (3).
Le premier, François RENAUD, magistrat un brin trop téméraire mais surtout beaucoup trop sur le dos du SAC, a vu sa vie écourtée suite à ses investigations sur le « casse du siècle », celui de la Poste de Strasbourg (il y'a en fait plusieurs casses du siècle dans un siècle alors l'expression est vite galvaudée), qui l'avaient conduit à penser que le butin aurait servi à financer un ou des partis politiques… Ce qui aurait fait mauvaise figure ; surtout pour la Droite, clairement dans le collimateur en matière de financement occulte... Si le casse est attribué au « Gang des Lyonnais », leur lien avec le SAC reste difficile à prouver.
Le second, Robert BOULLIN, alors Ministre du Travail, est retrouvé mort dans une position étrange, dans un lac de sa région natale. On retrouve plusieurs éléments concordants vers le suicide : lettres dactylographiées avec note manuscrite personnalisée à chacun des destinataires et surtout une affaire de fond, l'acquisition controversée d'un terrain à Ramatuelle, qui aurait grandement entamé la probité quasi-maladive de Boullin. Toujours est-il que Boullin est, lui aussi, sur le dos du SAC… Et ça ne plait pas beaucoup. L'Affaire Boullin, qui a plus de 40 ans, ne connait pas encore d'épilogue, sa famille se bat toujours pour faire la lumière sur tous les éléments sombres de l'histoire, notamment les fausses déclarations, les archives brûlées, les conclusions médico-légales d'origine démenties et j'en passe.

Tout ça nous permet de survoler l'époque et surtout de nous immiscer dans les méthodes du SAC. Bien sûr, la tuerie d'Auriol (4) n'est pas exclue du récit même si elle fait figure de superflu à côté du développement des affaires Renaud et surtout Boullin. Si des zones d'ombre – et donc de doute – persistent sur les responsabilités du SAC dans ces affaires et sur l'impunité qui régnait au sein de cette milice au macaron Bleu-Blanc-Rouge, les actions de la milice Gaulliste méritent qu'on s'y attarde tant les méthodes employées sont condamnables et dignes des pires dictatures : rackets, vols, intimidations, menaces de mort… Et parfois, mise à exécution de ladite menace.
Le SAC a été couvert très longtemps, trop longtemps, par des hiérarchies législatives, exécutives et judiciaires toutes imprégnées, infestées d'encartés du SAC. Si bien que peu sont ceux à oser ouvrir leur dossier, qu'ils préservent dans l'espoir de jours meilleurs :

« - Attendez… Vous êtes en train de nous expliquer que des policiers républicains vous transmettaient des informations sur des affaires criminelles impliquant le SAC et que vous les mettiez au coffre parce que vous étiez persuadé que si vous les donniez à vos supérieurs elles seraient étouffées ?!
- Oui… Tout serait retourné d'où ça venait », répond Paul ROUX, que Mitterrand nommera patron des RG à son accession au pouvoir en 1981 (p. 70).

Dans le genre de petite manoeuvre sympa attribuée au SAC ou ses représentants, on a aussi cette anecdote, suite à l'occupation d'une usine Peugeot en 1973 par des grévistes :

« A cette époque, le directeur du personnel de Peugeot est l'ancien directeur de la Sûreté Militaire. Son adjoint est aussi militaire : le Colonel COCOGNE ! Héhé ! … Et le responsable de la sécurité est un ancien du mouvement d'Extrême-Droite « Ordre Nouveau ». Tout ce petit monde déboule à l'usine avec 70 mercenaires en treillis, équipés de matraques et de chaines de vélo… Bonjour le dialogue social ! » (p. 140)

Comme il est dit clairement dans le livre, le SAC est indissociable du « Gaullisme », et ainsi de l'Histoire de la Vème République. Il y'a la Grande Histoire, celle qu'on apprend à l'école ; et l'histoire des petites mains (parfois sales) qui font la Grande, pour le meilleur ou pour le pire.

A la lecture de cette BD, force est de constater l'opacité générale dans laquelle évoluent les sociétés et surtout les peuples, même en France, pays où l'on vénère pourtant la Démocratie – preuve s'il en est que ce concept est lui aussi très galvaudé. Il est difficile d'avoir un avis définitif sur les affaires mises en lumière : il existe toujours des parti-pris, peu importe le camp. Mais ce n'est pas cela qui est intéressant ici, car malgré les questions en suspens, nombre de faits avérés pour lesquels il y'a eu des condamnations, sont mentionnés. On s'étonnera que le SAC n'ait pas été dissous avant 1982, suite à la tuerie d'Auriol qui aura forcé la main de Mitterrand dans ce sens. La liste des exactions du SAC serait sans doute trop longue pour être mentionnée exhaustivement, ce qui n'est d'ailleurs pas fait dans l'ouvrage ; sans compter qu'on ne sait sans doute pas tout…

Dans l'ensemble, cette BD est vraiment intéressante et permet une profonde immersion dans les arcanes du pouvoir politique. le noir et blanc général donne le ton mais les traits allègent l'ensemble, évitant trop de lourdeur dans cette fresque des années de plombs.

Pour des non-spécialistes (comme moi), je recommande en parallèle la lecture de « L'Histoire de la Vème République en BD » (5) de Thomas LEGRAND (malgré les reproches légitimes que j'ai pu faire sur l'ouvrage) car il permet une connaissance de base des institutions et personnalités phares de la Vème République présentés chronologiquement dans leur époque ; mais aussi, pour approfondir sur ladite époque (et ses prémisses) : « Histoire Dessinée de la Guerre d'Algérie » (6), autre BD, ultra-dense, où l'Histoire est contée dans ses moindres détails en prenant soin de présenter les points de vue des différents acteurs.

Globalement, je ne regrette pas la lecture qui ajoute une couche de complexité aux précédentes sur cette époque.

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Service_d%27action_civique
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Renaud
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Robert_Boulin
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Tuerie_d%27Auriol
(5) https://www.babelio.com/livres/Legrand-LHistoire-de-la-Ve-Republique-en-BD/1080171/critiques/1956042
(6) https://www.babelio.com/livres/Stora-Histoire-dessinee-de-la-guerre-dAlgerie/874145/critiques/1977641
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Une bonne BD pour le propos, édifiant il faut le reconnaître. Bien sûr, c'est ici le récit, et non le dessin, qui compte. Et le récit, il mérite d'être connu, de s'y attarder, d'y réfléchir. de se demander également si le SAC, ou un organe équivalent, existe toujours de nos jours. Quoi qu'il en soit, félicitation aux 2 auteurs pour leur enquête précise et documentée
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Il faudra une bonne journée et une bonne dose de concentration pour venir à bout de ce pavé. Pourtant, le nombre de pages n'est pas aussi impressionnant que cela. Ce sont les dialogues qui occupent totalement l'espace. On suivra le reportage mené par les deux auteurs. Il y a de nombreux témoignages à lire.

Il faut tout d'abord être intéressé par le sujet à savoir ce qui se cache sous la Vème République du Général de Gaulle. La couverture nous donne un peu le ton avec un président qui est taché de sang. Oui, nous apprenons que la 5ème république traîne également de gros boulets qui peuvent apparaître comme dérisoires si on les compare avec les nombreuses dictatures qu'il y a dans le monde. Pour autant, ce n'est pas une raison pour ne pas étudier les faits avec du recul. de là, peut-on réellement dire que la France a connu des années de plomb ? Il semblerait au vu de ce documentaire qui indique que cela a été soigneusement occulté.

J'avoue avoir entendu parler du SAC mais je ne savais pas ce qui se cachait derrière cette association loi de 1901. J'avoue également que j'ignorais que dans ma ville de Strasbourg avait été commis l'un des plus gros hold-up de l'argent public afin de financer le parti gaulliste au pouvoir. Oui, on regarde plutôt ma ville comme la capitale européenne ou la capitale de Noel. Je pense qu'il est bon de rappeler certains faits loin de toute caricature. La bd va s'intéresser notamment au meurtre du juge Renaud et au soi-disant suicide du ministre du travail de Giscard à savoir Robert Boulin.

Par ailleurs, cette bd vient de gagner le prix du public lors du festival d'Angoulême 2016. Les lecteurs ont apprécié dans leur ensemble cette oeuvre richement documentée. Une lecture certes éprouvante mais salutaire pour bien comprendre les évolutions de notre République.
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Benoît Collombat, grand reporter à France Inter, avait déjà enquêté sur les dessous de la Ve République avec « Un homme à abattre – Contre-enquête sur la mort de Robert Boulin » et il s'associe ici avec un grand habitué des documentaires en BD : Etienne Davodeau (Rural, Les Mauvaises gens, Les Ignorants). Ensemble, ils reviennent sur plusieurs affaires non-résolues (lisez : jetées aux oubliettes) des années 70.

Du braquage de l'Hôtel des Postes à Strasbourg par le Gang des Lyonnais en 1971 à la tuerie d'Auriol en 1981, en passant par les assassinats du juge Renaud en 1975 et du ministre Robert Boulin en 1979, le duo s'attaque à des « Cold case » qui dérangent car elles éclaboussent de nombreux hommes politiques de l'époque et une organisation en particulier : le Service d'Action Civique (SAC), dont l'ombre plane sur toutes les affaires.

Le lecteur a donc droit à un véritable documentaire de plus de 200 pages, mêlant interviews, témoignages d'époque et même lectures d'archives. L'aspect bavard, particulièrement chargé en informations, de cette accumulation d'entretiens pourra certes rebuter certains lecteurs, mais ce que l'on apprend est absolument sidérant. Même pour moi, qui ne m'intéresse pas trop à la politique et encore moins à celle de la France, cette enquête dessinée m'a permis de mieux comprendre le contexte politique de l'époque. de plus, en nous replongeant dans plusieurs affaires de meurtres, les auteurs confèrent un côté polar à leur documentaire. Ils sautent certes d'un évènement à l'autre au fil des chapitres, mais conservent néanmoins l'ombre du SAC comme fil conducteur. Il devient en effet vite clair que c'est cette milice de mouvance gaulliste qui s'occupait des basses besognes du régime à l'époque, allant même jusqu'à assassiner des ministres. Il n'y a donc pas que l'Italie qui a connu des « années de plomb » dans les années 70 ! Edifiant !

Visuellement, on reconnaît immédiatement le style graphique d'Etienne Davodeau, qui n'a plus à prouver son efficacité sur ce genre de récits.

La douce France de Trenet se prend une belle claque avec cette enquête qui continue de déranger, 40 ans après les faits !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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François Renaud. Robert Boulin. Parmi tant d'autres, ces deux noms résonnent familièrement aux oreilles de qui suit, même de loin, la vie politique française des dernières décennies. le premier était juge d'instruction, le second était ministre sous Valéry Giscard d'Estaing. Tous les deux sont morts dans des conditions que la justice n'a pas pu - ou voulu - expliquer aux familles et aux Français. de Renaud à Boulin, et plus encore, du début des années 1960 aux années 2000, le journaliste Benoît Collombat et l'auteur de bande-dessinée Etienne Davodeau narrent la face cachée d'un régime politique en apparence stable et respectable. Sur la couverture est représenté un général De Gaulle au costume présidentiel maculé de sang, toisant le lecteur, symbole dune Vème République sur laquelle son ombre inquiétante plane.

Indéniablement, la narration tourne autour d'une structure autant nébuleuse qu'incontournable qu'est le Service d'action civique, plus connu sous l'acronyme du SAC. Créé originellement pour appuyer le général De Gaulle dans les années tourmentées de la guerre d'Algérie, le SAC devient bientôt une officine à la solde du pouvoir, et dont la composition interpelle. On y trouve, mêlés, ceux que la vie civile oppose ou segmente : des policiers, des juges, des hauts fonctionnaires, et encore des voyous de droit commun. Contre l'OAS, contre les communistes, contre les centristes de Giscard, le SAC fait le coup de poing ordinaire. Là n'est pas le sujet de Collombat et de Davodeau, qui vont fouiller dans les marais de la République où flotte l'ombre du SAC, des années 1960 jusqu'au coeur des années 2000, bien que la fin du mouvement ait eu lieu officiellement au début des années 1980. Première affaire : la mort du juge Renaud, qui enquêtait notamment sur le braquage de la poste de Strasbourg par le gang des Lyonnais. Que les braqueurs aient pu aussi facilement échapper aux barrages de la police étonne. Que le ministre des postes, Robert Galley, fut aussi un éminent membre du SAC interroge. Que cette somme ait pu arriver dans les caisses du RPR aurait eu de quoi constituer un scandale politique d'une envergure considérable. Sont ensuite abordées deux séquences qui marquèrent l'opinion publique : la tuerie d'Auriol en 1981, la mort de Robert Boulin en 1979. La première affaire concerne le meurtre sauvage du chef du SAC de Marseille et de sa famille, la seconde le possible assassinat d'un ministre en exercice à cause de son honnêteté et de sa droiture morale. Là encore plane l'ombre du SAC, de cette collusion hallucinante entre les milieux du crime et ceux de la politique, lorsque les bras et les mains armés se mettent d'accord avec les plus hautes autorités politiques et judiciaires du pays pour favoriser, in fine, les ascensions individuelles de quelques uns. Sorte d'État dans l'État, le SAC parasitait toute action exercée dans le cadre légal normal, contaminait même les commissions d'enquête parlementaire, parvenait à faire taire curieux et détracteurs, unissant sympathisants et opposants dans un même mutisme. Quant aux rares qui osaient parler, ou écrire, hommes politiques ou journalistes, de terribles pressions s'exerçaient contre eux et leurs familles sous la forme de menaces insidieuses ou directes. de façon paradoxale, ce n'est pas la mort, toute auréolée de mystère qu'elle soit, d'un ministre de la République qui mit fin aux agissements du SAC, mais plutôt la mort brutale d'un de ses chefs. L'évidence du lien marquait l'opinion publique et offrait une occasion unique pour le nouveau pouvoir socialiste de mettre fin à ce mouvement. Toutefois, le SAC ne disparut pas aussitôt : d'une part parce que les ramifications étaient très nombreuses, jusque dans les couches les plus ordinaires de la société française ; d'autre part parce que le personnel politique d'une certaine droite française fut l'héritier de ceux qui avaient mis en place le SAC. Que l'on pense simplement à Achille Peretti, fondateur du SAC, qui avait des liens tant avec Jacques Foccart ou encore Nicolas Sarkozy.

Au-delà de la narration politique que proposent Benoît Collombat et Étienne Davodeau, on peut déjà saluer ce souci constant de la contextualisation des événements racontés. Contexte historique, d'abord, car le SAC a pour parents deux guerres : la Seconde guerre mondiale et la guerre d'Algérie. Périodes instables par excellence, elles furent aussi le laboratoire de rencontres entre hommes qui, unis par un même passé de résistants, avaient trouvé dans ces deux événements un contexte où leur violence était légitime (la défense de la patrie contre l'occupant allemand, celle de la République contre les putschistes de l'armée). Il fallait alors agir dans un cadre sinon illégal (la loi de l'occupant était illégitime), du moins un cadre où l'urgence prenait le pas sur toute autre considération. de là découle une sorte de mantra idéologique du SAC, qui plaça ses actions sous la valeur sacrée de la défense de la patrie. On voit bien, concernant l'assassinat du juge Renaud ou la tuerie d'Auriol, le décalage considérable qui se fit entre la raison idéologique du SAC et sa réalité. Les années 1960 amènent aussi un nouveau contexte géopolitique international, celui de la guerre Froide, laquelle eut un impact considérable en Europe comme elle l'eut dans le monde. En Italie comme en Allemagne, ce fut le temps des années de plomb - expression qui sert de sous-titre à la bande-dessinée - marquées par des attentats meurtriers. Que la France échappa à ce genre d'actes ne doit toutefois pas faire oublier que la crainte du communisme justifia l'idée d'une droite de l'ordre, quels que furent les moyens mis en oeuvre. Enfin, il y a un contexte politique français d'opposition traditionnelle entre la gauche et la droite, mais encore, au sein de la droite, une opposition entre une droite gaulliste dont Chirac et le RPR se réclament, et une droite giscardienne davantage centriste et libérale, coupée davantage du passé obscur de la République. Cette contextualisation constante ne doit pas faire oublier au lecteur que cette France, c'est aussi la nôtre : nous en sommes les héritiers.

Il convient enfin de s'attarder sur le format choisi par les auteurs. La bande-dessinée se prête facilement au genre documentaire, probablement par sa capacité à apporter à un sujet lourd un cadre plus aéré qu'un essai purement littéraire. L'angle choisi par les auteurs est clairement celui de l'enquête journalistique, soulignée par la mise en scène de Collombat et de Davodeau, sans cesse représentés dans leur quête de témoignages nouveaux, manière aussi de montrer que les histoires du SAC ne sont en rien de la fiction, mais correspondent bien à une réalité historique. Cette enquête se base essentiellement sur la collecte des témoignages des personnes qui ont connu cette époque, ces événements. Hélas, manquent parmi les témoins ceux des protagonistes qui furent aux manettes politiques, soit parce qu'ils sont déjà décédés, tel Jacques Foccart, soit parce qu'ils refusent l'entretien avec les auteurs, tel Charles Pasqua. Les silences, dit-on parfois, valent bien des aveux. C'est de ceux-ci qu'il faudra se contenter, car, malgré l'important faisceau d'indices, malgré ce qui apparaît comme des coïncidences, malgré les dossiers accumulés, par exemple par la fille de Robert Boulin, ces années de plomb de la République française demeurent encore dans le flou des secrets et des non-dits. La vérité est souvent peureuse. Elle attend qu'il n'y ait plus personne pour se révéler enfin.
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Très intéressant documentaire sur le SAC, son origine, ses dérives et ses exactions.
Cette BD m'a évoqué https://www.babelio.com/livres/Robert-Affaire-des-affaires-Clearstream-lintegrale/685440 ; une autre BD sur d'autres dérives mais qui montre essentiellement la même chose, à savoir que l'argent est le nerf de la guerre politique, le moteur de bien des affaires qui assombrissent le passé de plusieurs de nos hommes politiques en vue... Ces albums ont le mérite de rendre accessibles à tous ces dossiers sur lesquels on a du mal à se faire une idée claire à cause de leur complexité.
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Le titre en contraste avec son sous-titre annonce la couleur de ce documentaire en noir et blanc : Étienne Davodeau et Benoît Collombat s'attaquent, avec rigueur, aux dessous du SAC (service d'action civique) créé par des proches de De Gaulle, qui a évolué vers une milice privée frayant avec la pègre, et dont sont explorés les liens avec l'assassinat du juge Renaud et la mort suspecte du ministre Robert Boulin, respectivement en 1975 et 1979.
La bd documentaire sert une enquête dense, très informée, dont les deux auteurs sont les premiers protagonistes, qu'on suit au fil de leurs entretiens avec des témoins encore inquiets de parler, pour beaucoup : comme tous les documentaires de Davodeau, c'est d'abord un beau travail d'engagement.
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