Titre original : Cabo de Hornos
Traducteur :
François Gaudry
Editions : Libretto
Pour découvrir un auteur, mieux vaut voir, à mon avis, s'il a écrit des textes courts. Coloane en a fait beaucoup, dont quatorze sont réunis ici.
A ceux qui aiment les animaux, je déconseille 'Flamenco" et 'Chiens, Chevaux, Hommes". Leur puissance est incontestable. Mais le talent de Coloane, auteur très "brut", qui appelle un chat un chat sans se gêner et dont cette caractéristique constitue d'ailleurs la meilleure part de ce talent, nous fait à chaque fois si bien entrer dans l'histoire que les âmes sensibles, j'en suis sûr, préfèreront passer les nouvelles que je cite. 'Flamenco' surtout est pourtant d'une cruauté et d'une beauté ...
Allons, ce conseil, je vous le donne : à vous de voir ce que vous en faites.
Le territoire de prédilection de l'écrivain chilien est la Terre de Feu, à l'extrême-pointe de la cordillère andine. Jamais on n'a vu lieu si mal porter son nom. Tout au long de ces pages, la neige, la glace, un froid rédhibitoire accompagnent le lecteur dans ses aventures, souvent aussi mornes et gelées que la terre qu'il foule. La nature est à l'image du climat : glaciale, cruelle, impitoyable. Que ce soit pour l'Homme ou pour l'Animal, les amis, il n'est pas bon de se laisser isoler en pleine tempête en quelque coin de cette Terre de Feu.
Coloane m'a toujours fait penser à
Hemingway, avec des préoccupations tout autres bien sûr, et beaucoup moins de narcissisme et un peu moins de concision. Son style n'a pas cette sécheresse journalistique que l'on peut reprocher à l'Américain : il y va même souvent (dans ses descriptions véritablement amoureuses de la nature andine par exemple) d'une poésie fascinante et sans complexe qui retient l'attention du lecteur, quels que soient les sentiments que lui inspirent l'intrigue et ses personnages.
C'est l'Atlantique sud qui berce la Terre de Feu, territoire que se partagent, signalons-le, le Chili et l'Argentine. Un Atlantique proche de l'Antarctique sud, on vous laisse imaginer combien c'est agréable. C'est rude, sauvage, et même terrifiant. Car n'y peuvent survivre, fatalement, que des hommes à cette image. le monde de '
Cap Horn' est nettement, d'abord et avant tout, masculin et machiste. La sensibilité, si elle existe, prend bien garde de se dissimuler. Ah ! j'allais oublier : peu de dialogues pour ceux qui aiment le genre (j'en suis).
Maintenant, et les gens s'en étonnent parfois, je dis toujours à ceux qui s'apprêtent à lire Coloane pour la première fois qu'il faut avoir le coeur bien accroché. C'est un auteur qui 'scotche" immédiatement son lecteur mais qui lui donne aussi bien souvent l'envie de fermer les yeux ou de les détourner. Pour ne pas voir, pour ne pas penser, pour ne pas ...
La Terre de Feu n'est pas une tendre, c'est la morale que vous tirerez de ces quatorze nouvelles, si vous parvenez jusqu'à leur fin. Maintenant, relancerez-vous votre filet dans les eaux tourmentées, bouillonnantes, glaciales certes mais proches de la brûlure infernale, de l'oeuvre de
Francisco Coloane ? Je ne saurais me prononcer. Un auteur à découvrir en tous cas, et que j'espère vous avoir présenté autant si bien que possible, car l'absence de son nom dans cette rubrique m'a, je l'avoue, assez étonné. Coloane, il faut le lire au moins une fois dans sa vie et le citer dans une rubrique comme celle-ci : après, on décide.
Mais rappelez-vou : on ne peut pas l'ignorer. ;o=