Antoine Compagnon :
La littérature, pourquoi faire ? (2007)
On attend d'une leçon inaugurale un style alerte et brillant, un hommage aux prédécesseurs, des citations choisies et l'annonce d'un plan. Tout cela est présent, ni plus, ni moins. Pour ses prédécesseurs, Compagnon cite Valéry (Les cahiers), Bergson (La Pensée et le mouvant, Barthes bien sûr (La Préparation du roman),
Sartre hélas (Que peut la littérature ?), et beaucoup d'autres, dont souvent
Kundera (« La seule morale du roman est la connaissance ; le roman qui ne découvre aucune parcelle jusqu'alors inconnue de l'existence est immoral »).
Le plan est classique et alterne déconstruction-reconstruction : « Quand on les interroge sur le livre qu'ils aiment le moins, les lycéens répondent
Madame Bovary, le seul qu'on les ait obligés à lire » […] «
La littérature, pour quoi faire ? La littérature est-elle remplaçable ? Elle est concurrencée dans tous ses usages et ne détient de monopole sur rien, mais l'humilité lui sied et ses pouvoirs restent démesurés ; elle peut donc être embrassée sans état d'âme et sa place dans la Cité est assurée ». Compagnon énumère les ressources que la lecture apporte : la littérature comme élément de la vie bonne, qui nous instruit par la mimesis et la catharsis. La littérature comme contre-pouvoir, force d'opposition. La littérature pour corriger les carences du langage: « Le poète et le romancier nous divulguent ce qui était en nous, mais que nous ignorions parce que
les mots manquaient, phénomène que Bergson décrit à l'aide d'une comparaison qui peut rappeler
Proust : « Au fur et à mesure qu'ils nous parlent, des nuances d'émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle, l'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera ».
Un mémento utile.