Qui put croire que de la stérilité du poussiéreux Outback puisse naître l'un des romans les plus emblématique de la littérature Australienne ?
Dès les premiers paragraphes, le lecteur se retrouve plongé sur cette terre aride, la poussière rougeâtre s'insinuant lentement, poussée par de suffocantes bourrasques jusque dans son imaginaire où se dresse une baraque décrépite: l'école où officie notre héros. La dernière journée d'école tend à s'achever dans l'unique classe où les élèves attendent piteusement, abrutis par la chaleur, l'heure fatidique.
Les vacances de Noël sont une bénédiction pour John Grant, jeune professeur par défaut, parachuté en plein désert pour sa première année d'instituteur. Celui-ci, vivant dans un hôtel de la bourgade ne se fait pas prier pour enfourner son modeste pécule avant de s'engouffrer dans le premier train direction Sidney. Sydney l'idyllique, le retour au pays natal et ses évocations d'un climat plus tempéré et d'un amour à raviver. Seulement, il lui faut pour cela s'arrêter dans la bourgade de Yabba, le train ne passant que le lendemain.
John Grant se retrouve donc en plein après midi, sous un soleil lourd et suffoquant, le poussant à entrer dans la première gargote climatisée. Dans l'outback, les indigènes conjurent la chaleur à grand renfort de bières fraiches. coutume locale qu'ils dispensent avec bonhommie à quiconque. Ici le refus de se faire payer un verre rend suspicieux voire hostile les habitants. Grant s'abandonne alors, durant plusieurs conversations stériles où des habitants chauvins lui demandent invariablement "Comment vous trouvez Yabba ? Y'a pas mieux non?", les lèvres dégoulinantes de houblon. Bientôt pris sous l'aile du shérif de la ville, Grant découvre l'un des jeux phare de la ville, sorte de pile ou face sur lequel les habitants parient leur salaire. Attiré par l'argent facile, notre héros pariera ses maigres économies avant de doubler, de tripler, de quadrupler ses gains. S'offrent alors à lui les promesses les plus folles, s'offre à lui la possibilité de fuir le fourneau de l'Outback. Définitivement. Seulement un coup malchanceux lui fait tout perdre. S'amorce alors le début de la déchéance pour Grant qui, durant 5 jours s'enfoncera dans un éthylisme forcené l'amenant à côtoyer une faune locale aux moeurs douteuses. Entre un groupe de chasseurs massacrant des "roo", un médecin violeur et amateur de testicules de kangourous et autres personnages tout aussi dérangés, c'est la vie de Grant qui, sans le sou et acculé, n'aura, pour échapper à l'enfer, que la solution la plus radicale à sa disposition.
C'est avec un style simple et agréable que
Kenneth Cook nous dépeins avec un réalisme cru cette terre, royaume des parias de la civilisation, où ne s'entête à germer que la folie et le vice.
Un chef d'oeuvre de la littérature et assurément un de mes romans fétiche.
(Je vous conseille le film "wake in fright", adaptation du livre, réalisé par Kotcheff qui est vraiment excellent).