Je n'ai jamais lu les soeurs Brontë ni
Jane Austen, pas plus que
Daphné du Maurier mais j'ai pourtant le pressentiment que le roman de
Cécile Coulon en possède les codes :
Une écriture séduisante aux phrases tragiques et délicates qui traduisent une ambiance champêtre aussi bien que la pesante atmosphère d'une maisonnée aux personnages torturés dans un XIX ème siècle maniéré et guindé.
Une jeune ingénue prête à marier, un père militaire boiteux et rigide, une mère transparente, un cousin curieux, chahuteur mais respectueux.
Un riche propriétaire d'un domaine dans le Jura, sérieux et pieux mais éploré et taciturne.
Une servante aussi dévouée et prévenante que revêche.
Un garçon à tout faire attaché au manoir, beau et pas sot.
Un gardien de cimetière qui en sait beaucoup.
Une flutiste genevoise qui donne des cours particuliers.
Un impénétrable sanatorium dans les montagnes Suisse.
Grace au souffle poétique de l'auteure, une multitude d'images affluent : les robes à crinoline, les mouchoirs brodés, les parquets cirés, les chevaux sellés, le cuivre patiné, les rideaux lourds et la lumière fondue de la forêt d'Or. Mais aussi les secrets, les faux semblants, les malaises, les troubles et les confusions, les mensonges et l'amour. le vrai, le déçu, le caché, l'interdit.
« Aimée – quel prénom bien choisi, les lettres se formaient, majuscules, brûlantes, oui, elle l'abandonnait à une vie que tous ces autres élèves connaitraient aussi, épouse, mère, femme d'un homme puissant, est-ce cela qu'on appelle réussir, se demandait-elle. »
Cette histoire pathétique m'a tenu en haleine tant par sa ténébreuse intrigue que par la vie étouffée de l'héroïne à la souffrance muette.
« Sa voix était comme une porte claquée par le vent, elle battait au grand air, désespérée. »
Sans orgueil ni préjugés,
Cécile Coulon signe un roman qui avec persuasion transforme une fictive Emma en une douce Aimée et transporte avec le coeur et la raison son drame de Grande-Bretagne en France. It's a joke.