Depuis que je l'ai découverte, je ne rate aucune des publications de
Cécile Coulon.
J'ai adoré la plupart de ses romans, de "
Trois saisons d'orage" à "
Une Bête au Paradis" en passant par "
Le rire du grand blessé". Quant à son premier recueil de poésie -"
Les Ronces", il m'a mise par terre.
De
Cécile Coulon, j'aime l'écriture: évocatrice, puissante, poétique, tellurique, qui dit comme personne les forces de la natures et les tourments de l'âme humaine.
J'aime son univers. Son amour de la vie rurale dont elle sait l'âpreté, la noirceur parfois, le parfum entêtant de mousse et de sous-bois, le gout de gel et de terre mouillée, la brutalité et la violence tue, la beauté aussi. La communion avec une nature aussi sauvage qu'indomptée, le gout des mûres et la puissance des orages. L'importance des racines qui vous enserrent à vous étouffer autant qu'elles vous libèrent parfois.
J'aime l'atmosphère qu'elle sait convoquer, ce gout des sortilèges, des secrets enfouis, des non-dits qui meurtrissent, des huis-clos, des malédictions qui ne disent par leur nom.
Cette écriture-là et cet univers-là, quand ils s'accordent, c'est incantatoire. Les romans de
Cécile Coulon, tout comme sa poésie, peuvent se lire et se dire à voix-haute. Mélopée, psalmodie. Langue et histoires envoûtent, prennent et rendent captifs. Formules magiques. Abracadabra né sur les flancs des volcans.
Ainsi, quand j'ai su qu'à l'orée de septembre sortait "
Seule en sa demeure", je me suis ruée dessus. Je l'ai dévorée en quelques heures. S'il m'a charmée, le roman ne m'a pas bouleversée, ni même bousculée. S'il m'a plu, il ne m'a pas embarquée non plus. Et je suis déçue.
Au XIX°siècle, dans le Jura forestier, ce Jura couverts de bois noirs et impénétrables, où des hommes aux mains-hachoirs tombent et tuent chaque jour des arbres sans que la lumière ne perce pourtant jamais la feuillée, Aimée, dix-huit ans, s'apprête à quitter les siens -ses parents bien-aimés et son cousin- pour épouser Candre, un riche propriétaire terrien austère et silencieux, froid. La toute jeune femme devient ainsi la maîtresse du domaine Marchère dont la demeure est ceinturée par les brumes et les bois, les épines aussi comme dans "La Belle au Bois Dormant". Inquiétante demeure, oppressant domaine au coeur desquels Aimée, qu'une angoisse sourde semble étreindre, ne parvient pas à se sentir chez elle. Elle devine, sous les silences de son époux et de Henria, la femme des chambre, ce qu'on lui cache, les secrets, les non-dits, la noirceur d'un passé pas si lointain. le drame conjugal se mût alors en conte gothique, où s'engluent les personnages, comme dans de profondes ténèbres. Bientôt, Aimée aussi en sera prisonnière.
"
Seule en sa demeure" avait tout pour lui, à commencer par cette intrigue au moyen de laquelle
Cécile Coulon se joue des codes, en mêlant habilement les genres et les références.
En effet, il y a du conte dans "
Seule en sa demeure", de "La Belle au bois dormant" bien sûr, mais aussi de "Barbe-Bleue".
Il y a aussi un peu des soeurs Brontë et de Bram Stocker et beaucoup de Daphné du Maurier.
Cécile Coulon a aussi son Manderley semble-t-il.
Il y a du roman noir et policier, il y a surtout du roman gothique dont on retrouve tous les codes ou presque, de la jeune vierge en proie au désir et en quête de vérité à l'époux sombre et mystérieux, du fantôme au plancher qui craque, de la sorcière à l'ange déchu, de l'orage au froid glacial. Il en ressort une ambiance, une atmosphère troublante, captivante. Et puis, si
Cécile Coulon est joueuse, elle est aussi extrêmement fine et se joue de ces codes, de ces références pour se jouer de nous, pour nous mener de fausses-pistes en embuscades, à son grand final, en virtuose sans se départir une seule fois de son écriture qui fait mouche, toujours poétique, toujours puissamment évocatrice.
Oui, il avait tout pour lui ce roman. Et pourtant, il m'a manqué quelque chose.
Peut-être est-ce cette intrigue, qui pour captivante qu'elle soit n'est pas fort originale, au point que je sois parvenue à deviner ce que j'aurai voulu ne découvrir qu'à la toute fin, bienheureuse lectrice attrapée par l'auteur?
Peut-être qu'à trop vouloir jouera avec trop de références, le récit s'éparpille et ne s'inscrit nulle part en profondeur?
Peut-être sont-ce ces personnages que j'ai trouvé trop peu complexes, trop peu développés , trop peu travaillés et qui m'ont frustrée?
Comme une impression de brouillon, d'un livre qui n'a pas été assez travaillé... pas du tout...
J'aurai un voulu un roman tellurique, là où il n'est qu'aérien, trop léger.
J'aurai voulu une magie plus âpre, plus brutale, plus terrienne. Bien plus complexe et profonde.
Tant pis. Ce sera pour la prochaine fois.