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« Où que j'aille dans le monde, ils viendraient avec moi ».

Une enfance, un lieu mais aussi ces hommes et ces femmes de Bacon County en Géorgie : voilà ce que raconte superbement Harry Crews – traduit par Philippe Garnier – dans Des mules et des hommes.

« J'ai toujours eu l'impression de n'avoir pas tant été mis au monde que de m'être réveillé dedans ».

Loin d'une autobiographie linéaire ou chronologique, Crews se raconte par fulgurances, digressions souvenirs et anecdotes, pour témoigner de cette terre du Deep South qui l'a profondément marqué.

Une terre que l'on vénère, tout comme les éléments naturels qui lui permettent de produire, tant elle est dure à cultiver pour ce monde de gagne-petits. Une terre dont la propriété est la base du statut social et le début du respect.

« À cette époque, la terre d'un homme était inviolable, et il y avait intérêt à faire attention à ce qu'on disait à quelqu'un si on se trouvait sur sa terre ».

Dans un style direct, parfois patoisant et lourdaud (assumé par le traducteur), Crews réussit très souvent à laisser s'envoler sa plume pour nous décrire avec amour et poésie les paysages qui l'ont bercé. Une écriture contrastée qui sait aussi être pleine d'esprit :

« Comme fréquentations, il avait un faible pour les femmes très propres et les hommes très sales. Il pensait que c'était l'ordre naturel des choses ».

Jamais le mot racines n'a eu autant d'importance que dans ce que Crews nous décrit et si ce mot vous parle, précipitez-vous !

« Je viens d'une lignée de gens qui considèrent le pays, là d'où vous venez, comme étant aussi vital que le battement de votre coeur. C'est cette maison où vous êtes né, où vous avez passé votre enfance, où vous avez grandi et atteint l'âge d'homme. C'est ça qui vous ancre en ce monde, cet endroit, ça et le souvenir de vos proches à la longue table, chaque soir, savoir qu'elle existerait toujours, ne serait-ce que dans la mémoire ».
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Faulkner n'a heureusement pas eu le monopole pour évoquer la grande dépression dans le sud des États-Unis. "Des mules et des hommes" est le tableau sans concession d'une famille pauvre de Géorgie. Récit autobiographique, Harry Crews s'y livre corps et âme pour rendre hommage à cette terre sauvage et à ceux qui l'ont fait grandir pour devenir ce qu'il est : un libre-penseur intègre qui n'oublie pas d'où il vient. There's a southern accent, where I come from....
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Pour partir à la découverte de Harry Crews j'ai décidé de ne pas commencer par ses romans mais plutôt par ses mémoires. Ce choix s'est imposé à moi. Je ressentais le besoin de connaitre le bonhomme.

Si on évalue les mémoires selon deux critères : la qualité de l'écriture et l'efficacité avec laquelle elles nous entraînent dans la vie de la personne qui l'a vécue, on peut dire que Harry Crews séduit sur les deux fronts.
L'écriture a la clarté et la puissance dont la plupart des écrivains actuels peuvent à peine rêver.
Ensuite on a l'impression que Crews est assis sur un porche, buvant un verre et partageant ses histoires avec des amis par une chaude nuit. Il y a un vrai sens du lieu dans ce livre, comme l'atteste le sous-titre « Une enfance, un lieu ».

Harry Crews raconte son enfance white trash à Bacon County, Géorgie, dans le Sud profond des Etats-Unis. Nous sommes en 1935. Orphelin de père à deux ans, il partage avec sa mère et son beau-père rongé par l'alcool, la dure vie de métayer de l'époque. On crève de faim, la terre ne produit rien. On vit loin de la modernité. le monde s'arrête aux frontières du comté. Les préoccupations s'arrêtent à cultiver le sol, élever les animaux.
Cette enfance va être ponctuée d'événements traumatisants notamment une paralysie des jambes inexpliquée et une chute dans un chaudron d'eau bouillante.
Au milieu de toute cette dureté il y a des personnages excentriques, des superstitions, des histoires d'animaux et l'imaginaire d'un gamin, d'un futur écrivain.

Traduit par Philippe Garnier
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Cette autobiographie de l'enfance de Harry Crews est poignante. Elle montre l'Amérique des sans grade, les petites gens qui s'échinent le dos à survivre. L'écriture est singulière. Crews est un vrai écrivain pictural. Il sait peindre les hommes et leur humanité avec les couleurs justes.
Une vrai découverte pour ceux qui ont aimé les romans et le travail du journaliste.
On découvre les racines du talent.
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Harry Crews est l'antithèse de l'écrivain précieux et intello. C'est qu'il écrit d'abord et avant tout avec ses tripes. Kesse que ça donne? Ça donne une écriture ressentie, imprévisible et beaucoup de plaisir de lecture.

Dans Des mules et des hommes, il raconte son enfance en revenant sur les lieux où il a grandi. le titre anglais est A Childhood, biographie of a place. HC revendique ainsi son appartenance au sud profond des États-Unis, au compté de Bacon — en Géorgie. Une bonne partie du livre porte sur les infortunes de son père, puis des siennes, mais toujours avec humour et tendresse. On découvre un milieu rural de la fin des années 1930, sa communauté de personnages pittoresques, ces animaux auxquels on s'attache et différents rites inhérents à la vie sur une ferme.

HC nous ouvre littéralement son coeur. Pour y arriver, il utilise une langue très proche du langage parlé. Bien qu'un peu bizarre au début, on s'y habitue vite et cela décuple son pouvoir d'évocation. le texte est par contre truffé d'argot n'ayant aucune résonance en québécois. J'ai comparé quelques pages avec la version originale mais, encore une fois, l'utilisation d'une myriade d'expressions familières propres au sud des États-Unis en compliquent la lecture — d'où mon choix d'aller vers le texte en français.

HC écrit un peu comme les pensées se bousculent dans le cerveau. Ça donne un récit organique et particulièrement touchant. Est-ce le meilleur récit d'enfance que j'ai lu? Oui, et de loin. En fait, ce livre m'a tant bouleversé que j'ai dû cesser d'écrire, ce qui ne m'est arrivé qu'une seule autre fois. On ne se rend pas très loin dans sa vie; ça se termine lorsqu'il a sept ans… mais quel récit extraordinaire! Tout ce qu'on peut regretter, c'est que sa suite — Assault of memory — n'ait pas encore été publiée.

© Alain Cliche, 2019.
Lien : https://wordpress.com/post/a..
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« Des mules et des hommes » de Harry Crews. Récit des premières années de la vie d'un enfant de la Georgie , chez les pauvres blancs du Sud des Etats-Unis . Avec son cortège de misère sociale et familiale (un père inconnu , un beau-père aimant mais alcoolique ) , ses farces cruelles d'enfant , ses accidents ( paralysie , ébouillantement) les relations entre garçons , le mystère des filles . C'est âpre , cru , tragique et comique à la fois. Et c'est surtout le portrait d'un lieu ,Bacon Country, d'une société sans pitié , d'une violence abrupte , axée sur la survie au jour le jour , mais solidaire dans le malheur. Il y subsiste les magies ancestrales et un lien encore étroit avec la nature et les bêtes , mules et chiens sont des partenaires , des amis parfois mais sans niaiserie . Un très grand livre frémissant d'humanité sous son apparence cynique .
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J'ai vraiment adoré ce livre.
Malgré la rudesse de ce qu'Harry Crews évoque de son enfance, il le fait d'une façon très attachante, si bien que plus j'avançais dans ma lecture, plus je ralentissais pour rester le plus possible en sa compagnie.

Dans un style "parlé" avoisinant le patois du sud des Etats-Unis (chapeau au traducteur), Harry Crews livre ici un précieux témoignage de la vie d'un enfant dans le milieux des années 30 en Géorgie, très tôt marqué par la pauvreté, la mort et la maladie.
A travers son regard d'enfant, on découvre les traditions, les croyances, les modes de vie de cette époque: ce qu'il mangeait, où et comment il vivait, la préparation de la traditionnelle fête du cochon, les travaux dans les champs, les conséquences désastreuses de l'extension de la culture du tabac, la méthode pour déterminer précisément l'âge d'un mulet (même si ce n'est plus vraiment utile de nos jours!)...
Tout y est authentique et sonne "vrai"; jusqu'aux histoires fantastiques que "Tatie"- ancienne esclave noire très âgée- lui racontait à son chevet pendant qu'il était malade et qui le marqueront à jamais...

Avoir grandit dans cette région à cette époque malgré la misère, entouré de personnes hautes en couleurs, lui a permis de se créer un univers et un imaginaire riches ce qui fera d'ailleurs de lui un très grand écrivain par la suite.

Ce livre se lit comme un roman, sauf que ce n'en est pas un.
C'est une histoire vraie, racontée avec beaucoup de réalisme et de tendresse à la fois, ce qui lui confère à mes yeux une vraie valeur. Une pépite à découvrir sans tarder.

En lisant "Des mules et des hommes" d'Harry Crews, on pense évidemment à une autre pépite bien réelle elle aussi : "Une saison de Coton" de James Agee, relatant la rude vie de trois familles de métayers de l'Alabama pendant la grande dépression au Etats-Unis.
Ce livre illustré par les photos de Walker Evans nous fait pénétrer de plein pied dans leur âpre quotidien. A découvrir également!
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Récit plus que roman Des mules et des hommes est un livre irrésistible, un livre plaisir, un livre où l'on se sent bien pour peu que l'Amérique nous intéresse et que nous soyons lecteurs d'Erskine Caldwell par exemple. Mais connait-on encore Caldwell, sa Route au tabac et son Petit arpent du bon Dieu? Harry Crews raconte son enfance de petit blanc de Georgie.

Né en pleine Grande Dépression, dans une misérable baraque de Bacon County, zone aride aux habitants susceptibles ,Crews (1935-2012) narre ce lieu magique où les serpents parlent, où les oiseaux peuvent s'emparer de l'âme d'un enfant, où les prédicateurs et les sorcières gardent fantômes et démons à portée de main. Cette Amérique n'est pas celle de Boston ou de Frisco. C'est une Amérique de modestes pour qui le temps qu'il fait et les récoltes tout aussi modestes sont choses essentielles. le titre français, Des mules et des hommes, paraphrasant un roman de Steinbeck, est à cet égard plutôt bien choisi.

Je n'avais jamais lu Harry Crews. Dans cette quasi autobiographie les évènements, rudes, de son enfance, décès de son père, alcoolisme de son beau-père, ses propres et graves problèmes de santé, paralysie des jambes pendant plusieurs mois et chute dans un chaudron de graisse bouillante, sont relatés sans verser dans le misérabilisme même si la vie, elle, frise la misère. Au rythme des saisons, achat d'une mule, estocade du cochon (un classique du rural dans le monde entier), vol de bétail, prières maugréées plus qu'entonnées, Harry Crews compose une ballade de ses tendres années, c'est un euphémisme, où celui qui tient la vedette est tout simplement l'amour de la vie, malgré la poussière des chemins et l'entêtement des mules et des hommes.

Ce n'est pas le Sud de Faulkner, pas tout à fait celui de James Lee Burke, mais on est tout de même plus près des bayous cajuns aux serpents mocassins et poissons-chats géants que de Paul Auster ou Philip Roth. Multiple et géniale (parfois) littérature américaine.
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« Des mules et des hommes » occupe une place centrale dans l'oeuvre d'Harry Crews. Ce récit rétrospectif livre un éclairage saisissant sur l'auteur et son oeuvre. Il s'attache à décrire le monde de son enfance en rédigeant la « biographie » de Bacon County en Géorgie, comté où il a grandi, une quintessence de l'Amérique profonde, du Sud rural. Les cultivateurs de cette contrée mènent une existence misérable. le travail sur ces terres arides est pénible, les récoltes sont irrégulières, les conditions de vie sont rudes. Les problématiques sont les mêmes que dans nos campagnes : accoupler les animaux, tuer le cochon, soigner les bêtes, labourer, semer. Dans ce pays, la valeur d'un paysan s'apprécie à la régularité de ses sillons. Les hommes sont d'une brutalité primaire. Les conflits entre voisins ou entre époux se règlent souvent par la violence. Et ils sont nombreux à sombrer dans l'alcoolisme.

Les membres de cette communauté ont le sentiment d'être hors du monde et hors du temps. Il y a très peu de références aux événements historiques. Les industries et la modernité sont absentes. Mais ce monde à part a aussi ses marginaux, des personnages qui auront une place importante dans les romans de l'auteur : un "gitan", un commerçant ambulant de confession juive, des rebouteux.

Harry Crews fait le récit de moments essentiels de son enfance: le décès de son père, l'alcoolisme de son beau-père, ses graves problèmes de santé, comme la paralysie de ses jambes pendant plusieurs mois et sa chute dans un chaudron de graisse bouillante.

L'imagination prend une place importante dans la vie de Crews dès les premières années de son enfance. On le voit inventer des histoires à partir des images d'un catalogue de vente par correspondance. Il y a les veillées au coin du feu où les voisins racontent des contes et des ragots. Une voisine initie le jeune Harry à la culture et aux croyances afro-américaines. Enfin, il y a toutes les anecdotes locales – histoires pittoresques ou tragiques – qui sont racontées et qui composent une mémoire locale.

Ce roman autobiographique nous livre les clés de l'imaginaire d'Harry Crews. C'est son « Pedigree ». Il recrée le monde de son enfance, un univers intime, mais dont il s'est définitivement éloigné. Cela permet de mieux appréhender chez Crews, l'homme meurtri, le conteur et sa passion pour le sud profond et les marginaux.

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Cette autobiographie de Harry Crews, centrée sur quelques années de son enfance, est publiée pour la première fois en 1978 (l'auteur a 43 ans). Elle est aussi bouleversante que de nombreux lecteurs et critiques ont pu l'écrire, ponctuée d'événements épouvantables et traumatisants sur fond de misère noire, dans le monde agricole de l'entre deux guerres.

Enfant cabossé, martyrisé par les événements, le petit Harry Crews est néanmoins habité par un espoir irrationnel, une soif de vie étonnante qui lui permet de surmonter les situations les plus terribles. D'une insatiable curiosité, il absorbe les légendes effrayantes, les croyances et les racontars qui imprègnent la vie des adultes qui l'entourent. Il est confronté à la misère et au malheur d'hommes et de femmes qui, ayant perdu tout espoir de mener un jour vie décente, ne voient parfois plus d'autre solution que de mettre fin à leurs jours. Il assiste ainsi au lent suicide d'un homme dans la boucherie où il travaille après les cours ; une scène hallucinante dont les effets sur le psychisme d'un enfant de six ans sont difficilement imaginables.

Ce texte nous confirme (s'il en était besoin) que Harry Crews est un tendre. Son intelligence, sa sensibilité et surtout son absence de méchanceté rendent les tourments qu'il subit d'autant plus cruels et injustes. Il verse les larmes par litres mais se reconstruit toujours après, faisant preuve d'une précocité étonnante de par ses facultés de discernement et une saine appréhension du bien et du mal, fort solidement ancrée. Ainsi, ses premiers contacts avec la religion lui inspirent un constat limpide et sans appel :

"L'enfer venait avec Dieu, main dans la main. (...) c'était un endroit avec des fourches, des démons et des lacs de feu qui brûlent éternellement. Dieu avait inventé un endroit comme ça rapport à ce qu'il nous aimait tellement. (...) Il avait – disait l'évangéliste – envoyé Son Fils se faire donner des coups de ronces et du vinaigre à boire et même se faire clouer à un arbre pour les mêmes prétextes d'amour. Je ne pouvais pas imaginer un être pareil."

Des mules et des hommes est remarquable pour cela : impossible à la fin de ne pas tomber sous le charme de ce bonhomme aujourd'hui parcheminé, impossible de ne pas aimer de toute notre âme ce petit garçon malmené par la pauvreté. Même si ce texte ne possède pas le souffle puissant et continu qui vous emporte d'un coup du début à la fin (ce défaut de liant étant quasi inévitable dans un récit reposant essentiellement sur des souvenirs épars), il n'en demeure pas moins indispensable pour qui a un jour été saisi par la prose de Crews ; on peut parier sans gros risque qu'il s'agit à peu de chose près de tous ceux qui ont un jour ouvert l'un de ses livres.

En guise de post scriptum : Crews n'est pas le premier auteur de romans noir à coucher sur le papier son enfance difficile. Son aîné de 18 mois seulement, Ed Bunker, autre enfant terrible de la littérature américaine, s'est également raconté sous une forme romanesque d'abord (Little Boy Blue / La bête au ventre) puis plus classiquement dans une autobiographie (L'éducation d'un malfrat), livres dans lesquels il montre comment, exposé très jeune aux brimades, frustrations et autres mauvais traitements, il s'est mué en un rebelle à toute autorité, capable d'une sauvagerie extrême pour sauvegarder ses intérêts. On a là deux parcours très différents, quasiment opposés mais aussi édifiants l'un que l'autre, qui nous ont donnés deux brillants écrivains, un combattant et un observateur empathique, tous deux révélant à leur manière la misérable condition d'une frange de l'humanité que la recherche du confort impose d'ignorer.
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