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Citations sur Psychothérapie de Dieu (122)

Dans les démocraties occidentales, le souci de ne pas répéter les guerres de religion explique l'importance accordée à la liberté du choix religieux. Cette tolérance offre une opportunité de développement à des groupuscules fanatiques. S'opposant aux enragés de Dieu, on assiste à la naissance d'une spiritualité laïque où les manières de rencontrer Dieu sont personnelles. Cette ouverture d'esprit fragilise les liens sociaux et familiaux. Quand il n'y avait qu'une seule manière d'être catholique, de se marier, d'aller à la messe de son village et d'écouter les directives du curé, le groupe fonctionnait comme un seul homme. Or, en démocratie, le peuple n'est pas un seul homme, il est composé de mille tendances différentes et opposées. Celui qui, dans un contexte démocratique, a besoin de croire en Dieu pour des raisons d'angoisse, d'extase, de filiation, d'appartenance ou de transcendance met au point sa propre manière de se confier à Dieu et de le célébrer. Les Juifs, après la Seconde Guerre mondiale, allaient de temps en temps à la synagogue. Aujourd'hui, le groupe orthodoxe reprend le devant de la scène. Chez les Protestants, l'évangélisme est en pleine croissance. Quant aux Musulmans laïques, croyants et tolérants pour leur grande majorité, ils laissent une minuscule minorité d'enragés prendre la parole en commettant des attentats. Ces fous de Dieu sont peu nombreux, c'est vrai, mais cet argument est dangereux, tant il est démissionnaire.
[...]
En 1929, 2,6 % des Allemands votaient pour le parti nazi. En 1939, ils étaient 95 % fanatisés ou obligés de claquer des saluts hitlériens. Les djihadistes sont peu nombreux à commettre des assassinats au nom d'Allah. Plusieurs pays arabes ou musulmans vivent déjà sous le joug d'une police religieuse.
p. 241-42
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On peut ainsi observer comment la mémoire individuelle prend sa place dans un contexte de mémoire collective et comment les mémoires religieuses possèdent une fonction d'identification et de rassemblement des croyants.
p. 240
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Ce constat explique la contagion des croyances. Le fonctionnement des neurones miroirs crée une sensation physique d'appartenance à un groupe. L'autre devient familier, donc sécurisant. Les gestes et les mots de la figure d'attachement s'imprègnent facilement dans la mémoire biologique de l'enfant au cours d'une période sensible de son développement10. Le côtoiement des cerveaux a permis d'apprendre, en quelques mois, la langue maternelle, l'accent, les rituels d'interaction, la manière de gestuer, de s'habiller, de ressentir le monde et de lui donner une forme verbale, un récit collectif qui identifie ce groupe. On croit ce que croient nos proches, nos frères en croyances.
Si nous avons acquis un attachement sécure, notre première croyance reste ouverte à d'autres croyances puisque, bien personnalisés, nous ne nous sentons pas en danger auprès de ceux qui ont une autre foi. Mais si un développement difficile a imprégné en nous un attachement insécure, nous avons besoin de certitudes pour ne pas nous sentir agressés. Alors nous nous fermons à toute autre croyance, nous nous replions sur « d'autres-mêmes-que-nous », des clones mentaux en quelque sorte. Effrayés par la moindre divergence, le communautarisme nous protège et rend scandaleuse toute nouveauté. N'osant pas découvrir d'autres mondes que le nôtre, nous stéréotypons nos pensées, qui se transforment en slogans. Nous sommes heureux dans ce monde fermé, sécurisés par un entre-soi protecteur, et c'est le plus moralement du monde que nous partons en guerre contre les mécréants qui gâchent notre bonheur. Les guerres de croyance sont souvent sacrées, provoquées par des représentations divergentes. Elles peuvent aussi être profanes, idéologiques ou scientifiques, quand la croyance clôturée fait ressentir l'autre comme un agresseur ou un blasphémateur qui mérite une sanction métaphysique : la mort !
p. 236-37
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L'idée d'omniscience divine n'est pas due au développement de la théorie de l'esprit à laquelle tout enfant accède vers 4 ans. La représentation d'un « Dieu qui sait tout » apparaît beaucoup plus tard, probablement due à l'intériorisation des récits de son entourage.
Quand un rabbin dit : « Dieu ne veut pas entendre la voix des femmes à la synagogue », il attribue à Dieu sa propre opinion, il anthropomorphise Dieu au lieu de le diviniser2. L'adulte qui a prononcé cette phrase n'était pas capable de penser qu'on peut penser autrement que lui. Il avait divinisé ses propres idées. Or, dans toutes les religions, on trouve des prêtres qui font dire à Dieu ce qu'eux-mêmes pensent : « Dieu n'aime pas la musique » ou « Dieu veut que les femmes se voilent ». Malek Chebel répétait : « J'ai consacré dix ans de ma vie à traduire le Coran. Je n'ai pas trouvé une seule ligne disant que les femmes devaient se voiler. » Certains prêtres font de Dieu leur porte-parole alors que ce sont les prophètes qui doivent porter les paroles de Dieu. Mais quand tout un groupe répète : « Dieu ne veut pas entendre la voix des femmes » ou « Dieu veut que les femmes se voilent », c'est la preuve que cette collectivité est soumise à une contagion de croyances. Un personnage phare émet une sentence que le groupe accepte sans jugement. Une épidémie de croyances est explicable par ce qu'on pourrait appeler la « neurologie de l'être-ensemble », rendue observable et expérimentable depuis la découverte des neurones miroirs.
p. 231-32
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L'étude de l'ontogenèse d'un être humain, le développement psychique de l'oeuf jusqu'à l'âge adulte, révèle notre aptitude neurologique à percevoir des signaux émis par le corps de l'autre, surtout par son visage. Progressivement nous apprenons à agencer ces perceptions pour en faire une représentation. Ce n'est donc pas un délire coupé de la réalité, c'est au contraire un arrangement de perceptions qui sont mises en scène pour en faire une représentation. Le dispositif neuro-sensoriel induit un sentiment réellement ressenti dans le corps. Les animaux connaissent ce niveau de la théorie de l'esprit, mais l'être humain, grâce à son aptitude à la parole, est capable d'agencer des perceptions passées ou imaginées pour en faire des représentations dématérialisées qui agissent bel et bien sur ses sentiments. Ce processus invite à distinguer l'ici-bas perçu et l'au-delà représenté. Pour des raisons neurologiques et développementales, bien plus que philosophiques, nous sommes dualistes.
p. 229
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Certains religieux qui n'ont pas acquis suffisamment de confiance en eux pour éprouver le plaisir d'explorer un autre monde se cramponnent au cadre qu'ils ressentent comme un interdit sécurisant. Les mots, les gestes se mécanisent et cette manière de croire les mène à l'intégrisme. En ayant peur de tout ce qui n'est pas eux-mêmes, ils se sentent agressés par la moindre variation de chant, de prière ou de rituel. Pour eux, toute différence est un blasphème qui mérite sanction. Quand il y a rigidification, stéréotype, clonage de mentalités, la restriction du monde éteint la pensée, coupe l'élan vers l'autre, empêche la découverte, alors le plaisir de vivre se transforme en étau.
p. 225
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Les mondes ritualisés sont à la fois matériels et mentaux. On ne mange pas n'importe quoi, n'importe où, avec n'importe qui. On ne fait pas l'amour n'importe comment avec des inconnus. On n'écoute pas la musique sans s'accorder avec les autres. Le cadre rituel permet d'habiter un même monde, d'onduler avec nos voisins, de ressentir une tendre intimité avec ceux qui ont le même orgasme que nous, en même temps, dans un même lieu. Quand le cadre donne forme à la jouissance et crée le bonheur d'être ensemble, chacun sert de base de sécurité à l'autre en devenant familier. De même, dans les situations d'attachement, l'enfant sécurisé dans sa niche affective acquiert confiance en lui et plaisir de découvrir le monde des autres. Celui qui se sent affectivement épaulé par une présence sécurisante ose tenter le dépassement de soi.
p. 224
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Quand on a éprouvé ensemble le plaisir d'un bon repas, d'une relation sexuelle ou d'un concert côte à côte, nous ressentons un agréable sentiment d'intimité. Nous sommes familiers, initiés par le bonheur d'avoir vaincu la mort, donné et reçu le plaisir du sexe, partagé la nourriture et écouté la musique que nous avons aimée ensemble. Les plaisirs ritualisés « finissent par dissoudre les limites qui séparent les individus. Ils les unissent en substituant une identité de groupe à leur identité personnelle ».
p. 220
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Le désordre évolutif est inévitable puisque les milieux et les individus ne cessent de changer, en attendant la réorganisation adaptée au nouveau contexte.
Le chaos donne une impression de fracas mortifère, comme lors d'un trauma naturel (tsunami) ou culturel (guerre) où l'homme en agonie perd tout espoir, sauf quand Dieu existe pour lui. Nous sommes contraints à vivre ensemble pour façonner le milieu qui nous façonne, disposer les tuteurs de développement autour de nos enfants, et inventer les récits qui donnent sens à notre existence.
Le sexe qui donne la vie et fabrique du social est l'activité humaine la plus fortement structurée par le sacré et les interdits.
p. 219
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Les fêtes, qu'elles soient laïques ou religieuses, constituent des liants sociaux, sortes de synchronisateurs émotionnels. Des réunions sont organisées pour faciliter la contagion par le corps à corps, le mot à mot ou par le spectacle des transes. Que l'on soit religieux ou laïque, la synchronisation se fait par les vêtements qui écrivent la manière d'érotiser, de se socialiser ou d'afficher le nom du dieu auquel on se soumet. Les scénographies des messes orthodoxes ou catholiques montrent de magnifiques opéras. Les Protestants racontent paraverbalement, avec la simplicité de leurs vêtements, la frugalité de leurs repas, leur politesse réservée, leur intention d'austérité et de courage, comment ils moralisent la famille et valorisent la réussite sociale. Les Juifs se rendent à la synagogue, la schoule (l'école), pour prier, bavarder et taquiner Dieu. Ils se préparent à la prière en entourant leur bras d'une fine lanière (les tefilines) et deux petits boîtiers, ou s'isolent sous un châle pour rencontrer Dieu intimement. Les religions lointaines, mal connues en Occident, mettent au point mille autres scénarios pour approcher leur dieu.
Les constructions sacrées et les objets du culte qui nous élèvent vers Lui donnent l'impression d'un ordre pétrifié. Les temples laïques se bâtissent plutôt sur les places publiques, les rues et les établissements où les non-croyants expriment des personnalités infiniment variées, grâce à mille styles vestimentaires ...
p. 218
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