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250 pages
Ernest Flammarion, Editeur (01/01/1897)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Histoire de double amour racontée par un jeune Casanova honnête en rupture de parisianisme à Venise, où il trouve deux soeurs également ardentes, mais pouvant leur ardeur de différentes façons.
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(résumé recopié d'un article du journal "Mercure de France" du 1er septembre 1897)
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à lire notamment sur Gallica :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80872p.image
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Voir également pour les curieux l'article dans la ru... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Lassé du parisianisme, Robert fuit à Venise et se réfugie chez son ami Jean de Rouaux, résidant dans un vaste hôtel sur le grand Canal, où vit également Claire et Mary, deux orphelines et voisines.
Dès qu'il les aperçoit, Robert tombe immédiatement amoureux de Claire, tout en reconnaissant les charmes de Mary. Mais il aurait peut-être mieux fait de prendre la fuite, car les deux jeunes femmes étaient redoutables pour des raisons différentes…

On le prévient de leur nocivité, mais les fatales prédictions l'intriguent davantage :

« Méfiez-vous de celle-ci, elle sent la catastrophe. Elle a la marque fatale (…) Il y a dans cette frémissante créature une force de désir que je n'ai observée en nulle autre femme. Elle est ténébreuse sous son masque fort simple (…) »

Tout éveille en lui un trouble profond, Robert désire percer les mystères enfouis dans l'âme de ces femmes à l'aura si énigmatique.

Les deux soeurs ont des personnalités radicalement différentes.
Mary, « l'Ombre », d'un sombre et inquiétant mutisme, lui témoigne une admiration profonde, discrète, ténébreuse, pleine de dévotion et de mysticisme, tandis que sa soeur, « la Flamme » bien plus avenante, manie l'art de provoquer et séduire avec subtilité.
Robert est séduit par les charmes de Claire lors d'une promenade en gondole, mais très vite, ressent un sentiment d'angoisse oppressant. Les paroles de Claire, à la fois intrigantes et lascives, prennent une dimension cauchemardesque, laissant présager une catastrophe imminente. Cette belle créature à ses côtés sur la gondole lui apparait comme une sirène diabolique :

« Et elle m'apparut sur cette nappe liquide, en cette noire petite demeure de rencontre, comme la plus éphémère, la plus fluide de ces sirènes qui sortent des flots, par un beau crépuscule, pour le désespoir des voyageurs, les étreignent quelques nuits en silence, les grisent de baisers et de larmes, puis les abandonnent sans merci, sous les étoiles méchantes et la lune ironique quand le dieu marin les rappelle. »

Elle a même l'outrecuidance de prévenir directement ses victimes : « Mais rappelez-vous que je vous ai averti et que c'est vous qui vous êtes obstiné… » (…) « Je ne suis plus une enfant. Vous apprendrez ma vie en détail, si vous en avez le courage. le mystère donne du prix à l'amour. »

Claire est déçue que sa proie soit si vite déstabilisée et recherche en vain on ne sait quel homme pétri d'audace et de courage qui la braverait, restant impassible à ses attaques… Elle l'encourage à être l'un de ses rares hommes, en l'humiliant, comme pour le pousser de manière à relever le défi :

« Tous les mêmes… Je ne veux rien savoir… tais-toi… Aimons-nous en silence… Faible… Faible… Faible, comme vos pareils… Faible, comme tous ceux qui parlent d'amour par de belles nuits semblables et offrent leur vie dans un baiser, mais sans pitié, sans sacrifice, sans vraie grandeur… Vous êtes poète, un poète naturel… Vous concevez la beauté, vous l'exprimez… Vous concevez la souillure qui parfois exalte la beauté, la rend plus pénétrante, plus humaine. Mais, comme vous la redoutez dans la vie ! »

Paralysé, Robert s'observe passivement avec lucidité et attend son dénouement fatal :

« Dès la première nuit, je ne m'y trompais point : c'était par sa faiblesse vicieuse qu'elle me tenait, comme dans un étau, par son abandon à la circonstance, à un bâillement, à un regard, à un sourire. En elle, au paroxysme, j'admirais et je détestais ce besoin de se détruire, qui fait la créature si chère, lorsque ce qu'elle détruit est rare et merveilleux.
Dans ses prunelles bleues, d'une naïveté perverse, ce que je redoutais davantage, après les phases de torpeur, c'étaient les phases de résurrection, car je savais alors qu'un dieu louche à nouveau l'agitait, ce dieu qui émane de ses doigts brûlants. La vie, la sauvage vie rentrait en ce tissu de douleur et de joie par l'ivresse de se déchirer, de se corroder, de s'abîmer de toutes manières. »

Mary est tout aussi inquiétante d'une autre manière : son mutisme, ses regards profonds, l'impressionnent - des liens étranges la relient à sa soeur, dans un besoin de complémentarité, « elle transforme en mysticisme ce dont sa soeur souffre en sensualité. »
Elle aussi a ses pulsions et aime Robert, sans doute plus que Claire mais se contient fermement :
« Bonne petite fille, très renfermée, très volontaire, mais peut, du jour au lendemain, se réveiller catin notoire. (…) En ce moment la religion dompte cette passionnée qui ignore la vie et la virilité. Mais il suffit d'un hasard, d'un passant, d'un tableau… et alors… »
Prise d'une vision un soir, elle se contraint à épouser Jean de Rouaux, l'ami De Robert, qu'elle n'aime pas.
C'est sa manière radicale de purger ses honteuses pulsions pour Robert, et se contente de répondre fermement à qui lui demande pourquoi le mariage fut si bref :
« Il faut se soumettre au devoir. »

Mais cela, par contraste, provoque l'ébahissement De Robert, et lui révèle d'autant plus les vices de Claire :

« J'admirais la svelte jeune fille, semblable à sa soeur et si différente d'elle, mystique sérieuse que parfume le devoir, qui, d'après une vision, s'est choisi un époux qui sa volonté aimera, près duquel elle vivra heureuse et honnête. »

A l'inverse, Claire, loin d'envisager le mariage qu'elle ironiserait volontiers, trompe même ouvertement Robert avec un capitaine vénitien aux airs prétentieux et fats, sans trop expliquer la raison de cet arbitraire liaison : « il faut qu'il me fasse la cour, afin de détourner les soupçons »

Tous ces excès le lassent, sa curiosité diminue et Robert ne se sent pas à la hauteur d'un tel monstre :

«  Vois-tu Robert, je parle toujours d'après ma sensation… Aujourd'hui je n'ai regret ni remords de rien (…) Je n'ai d'autre autel que moi-même. Tous mes serments s'adressent à Claire » (s'adressant à elle-même à la 3ème personne du singulier)

Il lui répond que le déclin de son amour semble irrémédiable.

Mais il ne cesse d'enrager en se rappelant que Claire allait s'éprendre librement avec son médiocre rival vénitien et un sursaut d'orgueil le ramène à cet amour impossible.
Sa fierté et son égo blessé, il provoque en duel le vénitien pour se donner le prétexte de quitter la ville et d'échapper à l'influence pernicieuse de Claire. le vénitien est tué et Robert fuit lâchement la ville avec précipitation sans échanger un dernier mot avec Claire :

« Puis, maintenant que je connaissais mon amie, les abîmes de son âme brûlante, je ne pouvais me faire nulle illusion sur l'avenir de son amour. Il finirait dans la tristesse et dans la boue, après des secousses atroces ; mieux valait rompre tout de suite, quand nous conserverions encore l'un de l'autre un aimable souvenir parfumé de regrets. »

L'intrigue est banale et peut-on d'ailleurs parler d'ailleurs d'intrigue ? Il semble y avoir plus un roman d'ambiance, un cauchemar sans fin fait de romantisme languissant et démoniaque, d'amour faux, âcre et nocif qui parait lié à la ville que l'auteur admire et redoute à la fois :

« L'odeur de mort, qui émane en tout temps de ce sépulcre doré qu'est Venise, la fade odeur grisante nous parvint sur l'haleine d'une brise langoureuse… »
« Elle descendit avec amour sur Venise, la tiède nuit d'été dont l'approche nous rendait rêveurs. Elle engourdissait les monuments et les statues, les quais silencieux, les eaux inflexibles. Elle s'insinuait sournoisement, tacitement, telle la mort parmi les humains, modérant, calculant ses attaques. »

Même la gondole accentue ses étranges impressions : « Dans cette délicieuse embarcation qui n'a pas sa pareille au monde, moitié oiseau, moitié cercueil, soeur des ténèbres et du silence où la place et la discrétion sont à la mesure exacte de l'amour. »

Tout ce qui sort de la plume de Léon Daudet est empreint d'une angoisse et d'une paralysie qui en fait sans doute le pire livre à recommander à un enfant souhaitant découvrir le plaisir de la lecture. Cependant, l'originalité de son écriture ne peut être contestée, même si parfois il en vient à forcer quelque peu son style :

« Par la limpidité de l'air les moindres reliefs furent visibles, et tous ces antiques monuments paraissaient garnis d'une mousse de pierre où les escarboucles du soleil se faisaient rubis, puis saphir, puis anfractuosités mystérieuses en forme de sculptures et d'hiéroglyphes.
Nos âmes participaient à cette métamorphose. Nous étions vibrants et passionnés ; par le retrait de la lumière se traçaient en nous des images obscures qui rejoignaient celles des monuments. Et ces affinités nous tendaient fébriles encore plus que le maléfice des canaux. »

Je me demande si ce style est volontairement artificiel ou si au contraire il y a de la sincérité dans cette inspiration chaotique. S'il n'y a pas plus de vanité qu'autre chose dans ces curieuses descriptions métaphysiques.

Mais les caractères sont originaux, les liens entre les personnages sont profonds et complexes et je ne m'attendais absolument pas à cela venant de Léon Daudet. Je m'attendais au contraire à une vision beaucoup plus binaire, primaire, comme une caricature de son siècle, des rapports hommes-femmes, et c'est tout l'inverse.
Je perçois tout de même comme une sorte de méfiance excessive envers le sexe opposé, comme si lui même était maladroit, complexé, et qu'il retranscrivait ses propres échecs dans ce roman. Mais cela n'enlève rien au talent de l'auteur.
J'aurais seulement souhaité, soit une véritable intrigue, soit au moins un personnage principal plus dynamique et sensible, car le voir alterner entre une torpeur quasi permanente et quelques rares sursauts d'orgueil ou de colère nous le rend pas facile à identifier.
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