Le prince du feu

Si on en exclus l'humour propre à ses auteurs, L'excellent prologue de "A Serious Man" des frères Coen offre une vision assez juste de l'ambiance particulière qui se dégage de ce recueil de dix brèves nouvelles, formulées comme des contes folkloriques et philosophiques enracinés dans la littérature Yiddish du XVIIIe siècle.
Comme le stipule le quatrième de couverture (Ou la préface je ne sais plus), c'est précisément à la tradition hassidique que se réfère Filip David, soit l'expression d'une mystique ouverte au peuple, qui postule le monde et ses phénomènes comme manifestations du divin, avec tout ce que cela suppose d'étrange et d'insondable.
Dans ce système au bord de l'ésotérisme, l'homme s'accompli dans la contemplation et surtout dans l'usage du monde, car "comme la toupie, [il] trouve son équilibre et sa dignité dans le mouvement". Vivre et souffrir peut être, sans doute; se confronter au Mal sous toutes ses formes, mais toujours y reconnaître l'étincelle divine, et tenter sans relâche de s'élever vers elle. Sinon se perdre à jamais.
Pas gagné.

Dans ses contes hiératiques l'auteur nous place sous des cieux crépusculaires où démons et fantômes ripaillent sur les faiblesses humaines. le monde a déjà amorcé une bascule, et se penche au dessus du feu.
Dans ce décor, nous allons éprouver les infortunes exemplaires de quelques protagonistes pittoresques sur un mode proche de l'hagiographie, et comprendre que tout se paye, même le salut.

Il s'agit d'un très court recueil de 9 nouvelles, nouvelles brèves voire très brèves. Nous voilà parti dans un voyage dans le temps et dans l'espace. Et cela même si l'époque à laquelle se passent ces récits, et leur localisation géographique sont la plupart du temps imprécises. D'une façon ou d'une autre. Nous sommes quelque part à l'Est de l'Europe, un Est couvert de forêts, peuplé d'animaux et d'étranges créatures. Les villages et même les villes existent, mais même dans ces lieux à priori plus modernes, quelque chose de primitif et de sauvage subsiste. le monde de ces récits semblent gouverné par l'ancestrales lois, inexorables et cruelles. Difficiles de les définir, contes, récits fantastiques, en tous les cas une noire fatalité s'abat d'une façon ou d'une autre sur les personnages. Les dibbouks, fantômes et démons sont aussi réels que les trains.

Un troublant et étrange recueil, d'une noirceur absolue et d'une grande poésie, comme si cette dernière pouvait adoucir l'amertume d'un monde, dans lequel la mort est partout présente.