Amis parisiens, combien de fois vous êtes-vous dit qu'il serait temps de quitter votre petit 2 pièces au loyer exorbitant pour vous installer dans une jolie maison (ou au moins, un appartement avec terrasse) en périphérie ?
Eva et Charles, la cinquantaine, ont sauté le pas : ils quittent leur appartement parisien pour un petit pavillon dans un lotissement (pardon, un "écoquartier", c'est plus chic) "aux confins de la ville" (c'est la manière attractive de dire "tu vas devoir te taper 45 minutes de RER collé-serré pour avoir le droit de te balader au Forum des Halles").
Là, on pourrait s'attendre à quelque chose d'assez humoristique, les bobos parisiens découvrant les us et coutumes des fameux "banlieusards" dont ils entendent parler sur France Inter mais qu'ils n'ont encore jamais vu en vrai. Une sorte de Voyage en terre inconnue. Mais non, rappelez-vous, on a dit qu'on était dans un écoquartier. Les parisiens y retrouvent donc d'autres parisiens prêts à tout pour passer le cap du compostage, quitte à acheter une maison dont le prix est en inadéquation totale avec la qualité des matériaux, et à vivre collés à ses voisins.
Car ce seront eux, les voisins, qui transformeront le rêve de Charles et Eva en cauchemar. A tel point qu'ils envisageront de revendre leur pavillon. Mais comment "bien" revendre (entendons par là : "comment revendre sans perdre d'argent") une maison achetée trop cher, à l'isolation défaillante, et dans un écoquartier ne tenant pas ses promesses ?
L'écriture de
Julia Deck est directe, précise, incisive, teintée d'ironie. Les petites mesquineries et l'individualisme de cette classe moyenne supérieure affichant de belles valeurs de solidarité et de fraternité sont pointés du doigt. L'extrait suivant l'illustre parfaitement :
"Les Lecoq s'étaient rapprochés des Durand-Dubreuil. Ils s'invitaient pour des apéritifs, on sentait qu'une alliance n'allait pas tarder à se former. Voguant vers les quarante ans, Inès conjuguait famille nombreuse et dynamique modernité. du matin au soir, elle s'ingéniait à réinventer les goûters d'anniversaire, la chandeleur, et toutes les occasions qui lui permettaient d'exhiber ses talents d'hôtesse. Lorsqu'elle était invitée, elle apportait toujours une bricole en provenance d'une "boutique géniale dans le Marais". Et, si la soirée devait se prolonger, elle faisait appel à la petite Benami pour garder sa progéniture, en n'oubliant jamais de lui confier du repassage afin de ne pas la payer à rien faire quand les enfants seraient au lit."
La satire sociale dérive, dans les 50 dernières pages, vers un pseudo-thriller sans queue ni tête, n'aboutissant à rien. Dommage, mais il est vrai que nous commencions un peu à tourner en rond dans les histoires de voisinage.