Quand Wright arrive à la fin de sa vie, malade sur un lit d'hôpital, il trouve en lui la force d'écrire ses mémoires et ce sont elles qui nous seront données à lire ici, retraçant le tsunami ayant dévasté le monde artistique et littéraire mais aussi le monde de la critique à partir des années 2030... Un chercheur fait une découverte fracassante en mettant au jour le gène de l'artiste-peintre, celui du sculpteur et celui de l'écrivain. À partir de là, rien n'est plus pareil car les maisons d'éditions, s'appuyant sur la science, ne souhaitent plus lire les manuscrits de ceux ne possédant pas ce gène et publient uniquement les « oeuvres » de ces prédisposés au talent. Toute remise en cause est écartée car rien ne peut contredire la validité d'un résultat sanguin. L'on se met donc à publier les premiers jets forcément médiocres de très jeunes auteurs qui n'ont pas eu le temps d' exercer leur talent, de réfléchir, de se poser des questions, de surmonter des épreuves dont celles de la création, de ses doutes et de ses brouillons. Tout autre auteur est désormais disqualifié d'avance à part ceux déjà « en place » depuis longtemps.
Le James Wright du début évolue en partie au cours de son récit retraçant son état d'esprit d'écrivain avant ce test, ne supportant pas les remises en causes de certains critiques littéraires sur son dernier ouvrage et croyant à tort que sa femme lui ment lorsqu'elle assure adorer, quant à elle, ce qu'il écrit, colérique et se coupant des autres ; et la fin où paradoxalement, c'est lorsqu'on lui a « interdit » de créer, du moins de publier tant qu'il ne s'est pas soumis au test génétique qu'il est le plus prolixe et parvient au meilleur de son art. C'est qu'entre temps, il a vécu bien des déboires, qui l'ont plongé dans l'introspection, ont modelé son imaginaire et ses réflexions. Sa vie change du tout au tout et il se lie avec une femme qu'il n'aurait jamais regardé avant, devient lui-même plus ou moins un marginal. Il découvre aussi que le critique littéraire qu'il exécrait est peut-être finalement son meilleur allié, le seul à dire ce qu'il pense et donc à lui permettre d'affiner ses écrits, et que quand tous les autres sont dans l'obligation de tisser des couronnes de louanges, elles ne valent alors plus rien, ce qui ne lui permet pas de savoir ce qui est réussi ou ne l'est pas dans ses récits (« Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur » dirait Figaro...)
J'ai parfois trouvé des longueurs au roman de
Nicos Panayotopoulos et j'avoue que la situation ne m'a pas toujours paru très crédible du fait qu'il n'y ait aucune remise en cause de la part de la population et des universitaires non pas du gène de l'écrivain mais de la validité de l'association d'un tel gène avec le concept de génie indéboulonnable et de son absence avec l'idée d'un écrivain forcément raté d'avance. Un tel récit de science fiction (ou d'anticipation ?) aurait été je pense beaucoup plus intéressant si l'auteur avait approfondi les réactions suscitées de part et d'autre, ce qui je crois ne manquerait pas d'avoir lieu si ce gène était découvert un jour. Des personnes se diraient forcément qu'une prédisposition n'est gage de rien tant qu'elle n'est pas ou très peu exploitée et que certains besogneux sans facilités de départ arrivent parfois à des sommets. Ou bien, si personne ne réagit, c'est qu'on est déjà dans une société totalitaire, et alors, la description de ce genre de société a manqué à ce livre. J'ai aussi relevé deux erreurs de grammaire (coquilles?) dedans.
Pour autant, j'ai vraiment été happée surtout par la seconde moitié du livre et je trouve la fin bien trouvée, les réflexions sur le monde de l'art, de la culture, de la recherche du profit et des mouvements de masse sont pertinentes et j'ai globalement aimé ce livre.