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sur 1416 notes
Guy Delisle nous raconte ici ses deux mois passés en Corée du Nord pour travailler sur des dessins animés.
L'atmosphère froide et oppressante est parfaitement rendue, à la fois par le dessin épuré et les réflexions pleines d'humour dont l'auteur fait preuve.
Cette expérience a eu lieu en 2003 mais elle semble toujours d'actualité.
Un témoignage extrêmement intéressant donc, sur ce pays très fermé.
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Éclipes japonaises appréhendait par le roman une certaine réalité de la Corée du Nord ; cela m'a donné envie de fouiller dans ma bibliothèque et de relire Pyongyang, la bande dessinée de Guy Delisle parue à l'Association en 2003. le beau roman d'Eric Faye laissait notre imagination suppléer aux brèves notations de la vie quotidienne en Corée, notations plus évocatrices que bien des discours. La bande dessinée opère le chemin inverse : la présence forte des images interdit toute imagination, impose une réalité obsédante, monuments gigantesques à la gloire du grand leader, hôtels non terminés et quasi déserts, et en même temps, ces images ressemblent à un rêve.

La bande dessinée en noir et blanc du Canadien Guy Delisle aborde le sujet par le biais autobiographique : l'auteur s'est rendu à Pyongyang en 2003 pour sous-traiter une série d'animation. En effet on ne sait pas que la Corée du Nord fabrique une grande partie des images des dessins animés occidentaux, y compris des séries françaises dont le fameux Corto Maltese.

L'animation en France a pratiquement disparu : en une dizaine d'années, à quelques rares exceptions près, la production s'est entièrement délocalisée en Europe de l'Est et en Asie. Et aujourd'hui, c'est au tour des Chinois de s'inquiéter en voyant tout le boulot partir en Corée du Nord. (p. 82).

Des « petites mains » coréennes fabriquent toutes les images intermédiaires destinées à simuler le mouvement dans les studios de dessins animés SEK à Pyongyang. Apport de devises…

Le Québécois reste deux mois en Corée du Nord et il nous présente un compte-rendu minutieux et humoristique de son séjour dans le pays le plus fermé du monde. Arrive-t-il vraiment avec le roman 1984 de George Orwell dans ses bagages, ou est-ce une reconstruction destinée à illustrer le parallèle entre la société totalitaire décrite dans le roman et la réalité qui se vit en Corée du Nord ? Personnellement je pencherais pour la deuxième solution tant les extraits du romans collent à la réalité qu'il décrit. On rit beaucoup des incompréhensions entre son guide et son chauffeur et lui-même. On rit moins des passages obligés : le bouquet de fleurs à déposer devant la statue de Kim Il-Sung, les visites des deux stations de métro et des musées.

La Corée du Nord est le pays le plus fermé du monde. Les étrangers y entrent au compte-goutte. Il n'y a pas d'Internet, pas de café… En gros, pas de divertissements. On peut difficilement sortir de l'hôtel, et rencontrer des Coréens s'avère pratiquement impossible. Heureusement que du côté solitude, j'ai de l'entraînement parce que c'est pas ici que je vais rigoler. Enfin, c'est comme cela que j'envisageais mon séjour, mais finalement ce fut tout le contraire. Comme quoi il faut s'attendre à tout quand on voyage.

Guy Delisle a sans doute beaucoup ri, pourtant cela ne semble pas évident lorsqu'on lit sa bande dessinée. Il s'arrange de tout. de la lumière dans le seul étage de l'hôtel réservé aux étrangers, de la surveillance incessante, de l'impossibilité absolue de rencontrer des habitants. de la solitude des rares Occidentaux dans les salles de restaurants vides. Étrangeté. Il remarque qu'il n'y a pas d'handicapés, à Pyongyang : les Nord-Coréens naissent sans déficiences, lui explique son guide.

L'omniprésence de la musique et des slogans de propagande, le culte de la personnalité du grand leader, les difficultés pour circuler, le caractère fuyant des interprètes qui ne répondent jamais aux questions, la nourriture… Les Occidentaux se replient entre eux pour faire la fête ou communiquer ; ingénieurs ou membres d'ONG, tous sont irréductiblement étrangers au monde qui les entoure, enfermés dans leur quartier protégé par l'armée.

Bien sûr cette BD possède des faiblesses : quand on vient travailler deux mois dans un pays on n'a pas le temps de le voir vraiment, surtout quand on est sans cesse surveillé. Les seuls Coréens vraiment décrits sont l'interprète et le chef du studio d'animation, la population n'est même pas esquissée, les rares silhouettes étant celles de Chinois en train de faire leur gymnastique. Impossible d'échapper à l'ethnocentrisme… Il manque une appréhension culturelle du pays ; par exemple les nouilles froides, spécialité gastronomique de Pyongyang, sont décrites comme si on avait oublié de les chauffer en cuisine. le sourire permanent, signe de courtoisie en Asie, est considéré comme un masque.

Cette BD pourtant est fascinante. Elle porte la force brute et la faiblesse du témoignage, et le fait même que l'auteur ait voulu faire rire de ses déboires participe au malaise. On rit et on ne rit pas devant l'absurdité permanente. Par exemple le grand bâtiment du « Pyongyang international cinéma » (p.61) situé à côté de l'hôtel du dessinateur :

Après quelques jours et devant mon insistance, il finira par m'avouer que l'endroit n'est utilisé qu'une fois tous les deux ans lors du « festival international du cinéma » où se retrouvent des pays comme la Syrie, la Libye, l'Iran, l'Irak, etc. À l'occasion, on y projette aux ouvriers méritants, les derniers films de propagande nationale.

Le noir et blanc renforce l'impression de se trouver dans un cauchemar, jeux d'ombre et de lumière, immenses bâtiments et silhouettes stylisées, un cauchemar que des millions de gens vivent sans même s'en rendre compte, bercés par une idéologie à laquelle l'adhésion n'est pas une option.
Lien : http://nicole-giroud.fr/pyon..
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Après ma lecture des "Chroniques de Jérusalem", je me lance dans "Pyongyang". Plus je lis Guy Delisle plus je suis fan.
J'ai adoré découvrir la Corée du Nord et plus précisément Pyongyang avec son regard. Il retransmet le moindre détail, mais le détail qui compte, qui nous dépeint, nous permet de comprendre réellement ce qui se passe dans ce pays : les mentalités, son atmosphère ... Certaines choses nous paraissent vraiment comme impensable, tellement absurdes, mais pourtant tout un peuple suit et montre son attachement à ce régime politique et leurs dirigeants (père et fils). Guy Delisle dénonce cet endoctrinement, ces absurdités, la désinformation qui est mise en oeuvre dans ce pays. Cette dénonciation passe par le récit de son séjour de deux mois au sein de la capitale, pour travailler sur une étape de la réalisation de dessins animés ( j'ai d'ailleurs été très étonnée de voir que ce pays possédait des studios ouverts et utilisés par des étrangers). Nous découvrons donc des scènes de tous les jours, des gestes anodins qu'il est impossible de réaliser sans la présence d'un guide ou qui sont interdit tout simplement. J'ai eu beaucoup de curiosité à lire son ouvrage. J'ai été très étonnée de son témoignage que je trouve très intéressant et utile pour la compréhension du pays.
Je ne souhaite qu'une chose maintenant : découvrir un autre pays grâce à l'un des voyages de Guy Delisle.
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Avant de se rendre en Birmanie (voir "Chroniques Birmanes"), Guy Delisle est allé en Corée du Nord travailler au Scientific Educational Korea (SEK) pour former des Coréens aux techniques du cinéma d'animation.

Ce pays étant figé, hélas, dans son évolution, tout ce qu'a constaté Guy Delisle à l'époque de son séjour, reste d'actualité. Pris en main dès son arrivée par un guide, il bénéficie de l'accueil rituel : passage devant la statue en bronze de 22 m de haut du père de la nation, Kim II Sung (1912 – 1994), et traditionnel bouquet de fleurs à déposer devant la fameuse statue.
Dans le grand Hôtel où il loge, un seul étage est éclairé, la nourriture est quelconque mais tout est neuf, aseptisé. Toujours accompagné de son guide attitré, il visite le métro, à 90 m sous terre. En fait, ce métro ne compte que deux stations et peut servir d'abri anti-atomique. Partout sont affichés les portraits de Kim II Sung et de son fils, Kim Jong II. Parfois, il réussit à se débarrasser de son cornac pour aller découvrir d'autres lieux.
Par son dessin précis, toujours teinté d'humour, Guy Delisle nous emmène dans ce pays aussi mystérieux qu'inquiétant. Là-bas, aucun handicapé n'est visible dans les rues. L'histoire officielle et la réalité sont en totale contradiction et les gens sont poussés à dénoncer, à donner des renseignements…

Enfin, il ne faut pas oublier que ce pays possède la quatrième armée du monde avec un million de soldats plus 4 millions de réservistes et que l'aide alimentaire est nécessaire pour nourrir le tiers de la population.
Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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J'ai bien aimé cette BD, dans laquelle j'ai retrouvé Guy Delisle avec plaisir, bien qu'il ait dessiné cette BD avant celle sur Jérusalem. Encore une fois, j'ai passé un bon moment qui m'a permis de voyager en Corée du Nord. J'ai préféré celle sur Jérusalem, que je trouve plus complète, et avec des dessins plus poussés sur la ville et les paysages.
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Le narrateur est envoyé en Corée du Nord pour y travailler sur un dessin animé et découvre une société où l'absurde de la dictature est poussé à l'extrême. Choc des cultures garanti!

Le dessin est simple, mais efficace. le noir et blanc renforce le côté dérangeant de certaines choses et souligne la différence avec la société occidentale. le lecteur, comme le narrateur, reste perplexe ou horrifié devant les explications qui complètent les cases. Difficile d'imaginer que des gens vivent réellement de cette façon…

Certaines situations prêtent à sourire tellement elles semblent ridicules, mais dans ce contexte c'est franchement dérangeant, même si le ton est souvent humoristique. Une lecture intéressante et instructive, mais qui ne m'a pas réellement accrochée, que ce soit par le propos ou par les dessins. A lire par curiosité.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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Pénétrer en Corée du Nord semble mission quasi impossible. Et pourtant, en lisant Pyongyang, j'ai été surprise d'apprendre que des entreprises du monde entier y envoient pour de courts séjours des employés de leurs boîtes.
Guy Delisle lui-même vient remplacer une collègue dans le studio d'animation Sek, qui anime les dessins intervalles entre les clés qu'ils reçoivent (allez, un peu de vocabulaire technique: les clés sont les dessins qui démarrent et terminent un mouvement de personnage, et les intervalles sont les dessins qui permettent de lier les clés entre elles).
Naïve sans doute, j'étais convaincue qui si des étrangers au régime nord-coréen pénétraient danse pays, ce ne serait que pour des motifs diplomatiques, politiques ou éventuellement humanitaires. Je découvre qu'il s'y trouve toute une économie de sous-traitance telle que ce studio d'animation justement!

Guy Delisle se retrouve dès l'aéroport affublé d'un traducteur et d'un guide qui le lâchent rarement et dont il a besoin pour visiter les lieux phares du pays, qui sont les lieux de culte - statues, musées, cinémas etc... - des dictateurs père et fils et du régime.
Kim Il Sung et son fils Kim Jong Il sont partout, impossible d'échapper à leur regard! Comment ne pas faire le rapprochement avec 1984 d'Orwell que le dessinateur a choisi, justement, comme livre de chevet?
Guy Delisle prend le parti des descriptions cocasses: la collègue qui chante à tue-tête les chansons patriotiques, le guide et l'interprète offusqués de devoir le suivre en marchant, signe de pauvreté quand une voiture avec chauffeur est à leur disposition, le métro souterrain impeccable, fortement éclairé, mais désert, alors qu'il n'y a pas assez d'électricité pour éclairer les rues et les immeubles la nuit, etc...
le narrateur ne reste bien sûr que trois mois, mais que penser de tous ceux qui naissent, vivent et meurent dans ce monde totalitaire ou le moindre mot négatif sur le régime peut les envoyer en camp de rééducation? Qui n'ont absolument aucune vision ni du monde extérieur ni de ce qui se passe réellement dans leur propre pays?

Avant celui-ci, j'avais lu Chroniques Birmanes, du même auteur. J'aime le côté documentaire, mais je retrouve ce qui m'avait déjà dérangée avec le premier, une difficulté à interpréter certains dessins ou certaines chutes, et un humour qui ne me correspond pas vraiment.
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Pas très fan de prime abord pour le style graphique et je n'aurai pas été vers le livre de moi même mais on me l'a prêté et je l'ai dévoré d'un bout à l'autre. J'ai apprécié le point de vue rare et original, l'humour, et découvert une façade de la corée que je n'osais pas soupçonner, le tout dépeint avec humour et pudeur.
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Je ne connaissais pas du tout Guy Delisle avant de lire ce livre et d'ailleurs, je n'avais jamais lu de roman graphique avant celui ci. Je suis une bleue du genre.

Le moins que l'on puisse dire c'est que j'ai adoré! J'ai aimé le coup de crayon, la qualité du dessin simple mais efficace. Mais j'ai plus que tout adoré le ton de l'auteur. Ça ne doit pas être simple de relativiser et de rire d'une telle situation. le régime de la Corée du Nord prête d'habitude plutôt à l'indignation, au sueurs froides, mais ici j'ai ri, mais j'ai ri!!

J'ai aimé le fait que ça ne tombe pas dans la moquerie bête et méchante, ce livre reste très humain et ne néglige pas malgré tout le côté affreux de cette dictature.
Le meilleur étant qu'en plus de rire, j'ai appris beaucoup de choses et pour ça je voudrais dire:
Merci Guy Delisle!!
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La Corée du Nord est un pauvre pays persécuté par les grands de ce monde. Il se sent oppressé par le Japon, ridiculisé par la Corée du Sud et menacé par les Etats Unis d'Amérique.
Et, comme ce pays est sur le qui vive en permanence face aux méchants de cette planète, il a décidé d'être le plus fort des plus forts et faire peur à tout le monde. Dès le biberon, chaque individu doit être prêt à faire face au péril capitaliste. Personne ne doit être tenté par le mal qui règne à travers la planète.
Et qui mieux que le guide suprême de la Corée du Nord est à même d'enseigner ce qui sépare le bien du mal? Nobody!!!
Donc aux poubelles les cafés, les lieux de distraction, les mendiants, les vêtements ostentatoires. Et vive la tunique estampillée Kim Jong Il, les cérémonies à la gloire de ce Dieu personnifié et les monuments dédiés à l'excellence Nord Coréenne.
Et l'auteur ce ce livre, qu'a t-il été faire là-bas pour égratigner volontairement cet état quasi parfait? Y aurait-il vraiment de la pauvreté, de l'oppression, du malheur comme il le laisse entendre?
Mais non. S'il y a misère ou malnutrition, c'est tout simplement un jeun dédié à apporter force et virilité à cet Etat qui est capable de tirer la langue aux autres et de faire "bouh" , histoire de faire trembler la terre entière.
Bon, j'arrête mes propos caricaturaux.
J'ai plutôt été attristé par ce que vit ce peuple. Delisle nous fait un portrait saisissant de ses deux mois en terrain dictatorial exacerbé.
Pour ceux qui ont déjà lu cette BD, n'hésitez pas à vous emparer du livre de Abel Meiers "on a marché dans Pyongyang"
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