Un court roman. le premier de celle qui s'est fait connaître d'abord sur Facebook au travers du « Journal pagailleux de
Fabienne Desseux ». Ses chroniques déjantés mais qui font mouche deviennent «
Virée ! Journal d'une chômeuse incasable en quête d'un job impossible » aux éditions
De Borée. Puis il y aura «
Traits engagés » chez Iconovox, la parole donnée aux dessinateurs de presse. La voici qui récidive dans un genre qu'elle maîtrise bien, la parodie et la satire.
Eugénie Daguère, une octogénaire nivernaise, ou neversoise comme l'auteure préfère écrire à l'instar du « Journal du Centre », patronne d'un bar en centre-ville ne s'en laisse compter par personne. Persuadée de s'être fait avoir depuis des années, elle intente une action en justice qui mène bientôt la ville au chaos. le monde entier s'en mêle et Nevers est au centre de toutes les attentions. Car la question est d'importance : Dieu existe-t-il ?
On rit beaucoup. La langue d'abord, la vieille Daguère ne l'a pas dans sa poche, elle appelle un chat un chat. Tout d'un coup, on se dit qu'on a trouvé le pendant en jupon (façon de parler car
Fabienne Desseux est plutôt en jeans) de
San Antonio. La gaudriole en moins. L'enchaînement inéluctable et forcément drôle des faits ensuite. Et là, on est dans la saga des Imogène d'Exbrayat. Mais le scénario et le ton ne sont là que pour mieux mettre en lumière les travers de notre époque. Chacun en prend pour son grade : politiciens dont le seul objectif est de garder leur petit (ou plus grand) pouvoir ; querelles familiales débouchant sur les pires entourloupes ; médias courant après le « buzz »… Avec une galerie de portraits au vitriol : une Ariane Dombasle s'égosillant à chanter dans un parc de la ville pendant que BHL prend langue avec un
Philippe de Villiers venu à cheval et en armure de chevalier de son Puy du fou ; l'égérie des Femen dans le même train que celle de la Manif pour tous ; les syndicalistes, les complotistes, les francs-maçons… Ils sont venus, ils sont tous là.
Avec en toile de fond l'emballement des réseaux sociaux et la châsse de
Bernadette Soubirous.
La force de la charge réside dans la connaissance des « affaires du monde » que possède l'ancienne journaliste. Sous couvert d'un roman parodique et satirique (c'est son sous-titre), c'est bien les travers de notre époque que dénonce
Fabienne Desseux. Comment se crée de toute pièce une affaire ? Comment les réseaux sociaux servent de formidable caisse résonance ? Quel est le rôle de la presse ? Comment le fait religieux s'insinue-t-il dans les affaires de l'État ? Travers de notre époque ? Pas seulement. Car si aujourd'hui les NTIC (Nouvelles technologies de l'information et de la communication), remplaçant le café du commerce, rendent mondiale et immédiate la diffusion de la plus insignifiante actualité, les hommes (et les femmes) ont toujours été à l'affût de ce qui peut faire scandale, prêts à prendre parti inconditionnellement pour l'un ou l'autre camp au mépris total de la notion de nuance. Et de la réflexion. Un roman qui justement ouvre à cette réflexion. Jusque dans sa fin… énigmatique.