Citations sur Les livres prennent soin de nous: Pour une bibliothérap.. (189)
... à quelle bibliothèque on confiera son destin.
Julien Gracq aussi fut un adepte de la marche comme adjuvant à un traitement mécanique de la phrase, (...) la phrase (...) à la fin de la promenade-tournée et retournée le long du chemin- s'est débarassée souvent de son poids mort. En la comparant au retour avec celle que j'ai laissée écrite, je m'aperçois quelquefois qu'il s'est produit des élisions heureuses, un tassement, une sorte de nettoyage" (p.71)
Créer n'est pas produire. A tout âge, créer, c'est libérer des possibilités de vie susceptibles d'accroître à la fois la puissance de la sensibilité et la jouissance du fait de vivre. Les créateurs réussissent momentanément à faire face à la douleur causée par le désespoir, la peur ou la perte, en décidant de donner vie à quelque chose qui n'existait pas auparavant - quelque chose qui sans eux n'aurait pu avoir lieu. Comme si cette nouvelle était capable, par sa fraîcheur et son jaillissement même, de conjurer cette inéluctable limitation à quoi leur finitude essentielle les condamne.
Recopier, c'est lire de tout son corps ; recopier quelques vers d'une poésie vaut le coloriage d'un mandala. Bien sûr, l'exercice a eu entre-temps une résonance cruelle de punition scolaire. Mais au-delà de la torture sadique, on peut vraiment y reconnaître une activité bénéfique, car on n'assimile pas ce que l'on n'a pas recopié.
Mais l'une des raisons majeures pour lesquelles une certaine bibliothérapie ne souhaite pas travailler avec les fictions littéraires, c'est qu'un même titre ne produira pas les mêmes effets sur deux lecteurs différents... La non-reproductibilité des effets produits dissuade le scientifique d'administrer un principe actif aussi aléatoire.
La lecture est un soin, certes, mais il ne faut la laisser se médicaliser. Ne pas laisser mettre la bibliothèque et la lecture "sous assistance permanente de la médecine" (comme l'écrit Anne-Laure Bloch dans la revue Le Débat), car la médecine engendre parfois des handicapés. Nous sommes déjà bien trop sous assistance de la médecine. Alors donnons la bibliothérapie aux littéraires, aux enseignants, aux animateurs, ne laissons pas la culture médicale - qui n'est que médicale - s'emparer de la lecture. La bibliothérapie ne doit pas être encadrée médicalement, puisqu'elle vit d'être une évasion hors norme.
On peut être calmé psychologiquement par une poésie.
La littérature est ce ferment, elle est ce qui apporte "la vie fermentante"
dans l'univers de chacun, trop souvent pasteurisé.
C'est d'ailleurs cet incessant devenir, synonyme de santé, qui nous interdit de relire jamais le même livre ! (p.55)
Ecrire ou lire sans laisser de trace (écran -versus- papier) est d'une perfection toute chinoise ...Mais je me pose la question de l'art de l'imprimeur, de celui de la typographie, dont Paul valéry rend compte dans quelques pages rares, intitulées "les deux vertus d'un livre": "L'esprit de l'écrivain se regarde au miroir que lui livre la presse. Si le papier et l'encre se conviennent, si la lettre est d'un bel oeil, si la composition est soignée (...) l'auteur ressent nouvellement son langage et son style (...) C'est un jugement très précieux et très redoutable que d'être magnifiquement imprimé" (p.65)