«
le monde change et on n'y comprend rien » a pour ambition de nous aider à mieux comprendre le monde dans lequel on vit et comment nous en sommes arrivés à la situation inquiétante des crises actuelles. Il y parvient avec brio.
L'ouvrage contient beaucoup de citations, de sources variées et quelques schémas et graphiques pour appuyer le discours. Il fait également référence à des entretiens que l'auteur a eu dans le cadre de son podcast « sismique », pour lequel il est un peu la vitrine.
L'auteur explique son parcours, ses questionnements et les réponses qu'il a trouvées. C'est un travail multidisciplinaire où se mélangent philosophie, psychologie, histoire, écologie, économie, biologie et physique car tout est lié.
C'est un ouvrage de qualité si on le mesure au nombre de citations que j'en ai extrait pour Babelio (17 tout en me limitant). Il m'a paru assez facile d'accès mais il a parfois un côté cynique nourri de pessimisme et d'ironie. Ce qui est inhérent, je crois, à toute analyse du comportement humain.
Ce livre compte 4 parties :
* la première partie présente l'humanité et ses caractéristiques lui venant de son origine
* la deuxième présente les règles du jeu des sociétés humaines qui en découlent
A la lecture des deux premières parties, je me suis dit que ce livre était excellent. J'y retrouvais, structuré avec efficacité, les idées qui me permettaient de comprendre comment on en était arrivé là.
Je me suis rendu compte que j'ai beaucoup d'affinité avec l'auteur
Julien Devaureix. La même façon d'analyser le monde pour l'essentiel, le même besoin de comprendre le fonctionnement humain pour savoir ce qui nous a conduit où nous en sommes et où nous allons.
La première moitié du livre permet une très grande prise de recul et amène à la réflexion et à la mesure (l'auteur fait preuve de beaucoup d'humilité et de prudence). Au fond, il apprend à se méfier de soi-même, pour devenir moins stupide que soi. Il nous invite que tout n'est qu'une question de point de vue, d'angle d'observation et de lunettes avec lesquelles on voit le monde.
J'ai particulièrement aimé le bon résumé de l'économie et de ses conséquences (2 pages suffisent) et de la finance (cette vaste escroquerie qui pourrait presque s'apparenter à un complot, si ce n'était pas qu'une histoire discutable à laquelle la majorité croit)
Comme moi, l'écrivain cherche à comparer la vie à un grand jeu auquel il faut comprendre les règles. Les règles sont plus ou moins les mêmes selon les gens car elles dépendent de notre nature biologique animale et des conditions dans lesquelles l'essentiel de notre génome a été sélectionné pendant les centaines de milliers d'années de la préhistoire. Les règles sont celles qui ont permis à notre cerveau d'avoir un comportement social optimal permettant la survie et le développement maximum. Il s'agit d'effet ou de biais cognitifs allant de l'effet Dunning-Kruger (qui veut que l'ignorant soit plus sûr de ce qu'il dit que le sachant) amplifié par les réseaux sociaux (et l'attaque de la science qui en découle) à l'expérience de Milgram (celle qu'on devrait enseigner à l'école et qui permettrait de comprendre les horreurs de l'histoire bien mieux que des heures enseignées dans cette discipline). Il aborde également le rôle des religions, des mythes et des croyances en général pour expliquer et fixer les règles de la vie collective.
Il y a plus de vingt ans de cela, alors que j'étais lycéen et que je découvrais la philosophie, j'ai commencé à rédiger un manuscrit tentant d'expliquer la nature du monde et de l'Homme. Satisfait de ce que j'avais pu découvrir par moi-même à cet âge mais insatisfait de mon vocabulaire et de mon style d'écriture, je n'ai jamais cherché à faire publier ce texte. Tout juste, je l'ai partiellement réinvesti dans mes blogs. Aujourd'hui, en lisant la première moitié de ce livre, j'ai le sentiment que c'est le livre que j'aurai voulu écrire…un peu comme si mon texte avait fait son chemin, s'était nourri de l'ère du temps avant de s'écrire à nouveau sous la plume d'un autre.
Ce livre contient précisément ce que je voudrais pouvoir enseigner à mes élèves de collège, pour qu'ils n'attendent pas d'avoir de la philo pour apprendre à réfléchir sur le monde…c'est une habitude qui doit se prendre jeune. Hélas, ce n'est pas le rôle qu'on attend d'un professeur de S.V.T. et le niveau de mes élèves ne leur permettrait pas d'être réceptifs à ce discours.
* la troisième partie présente la situation désastreuse dans laquelle on se trouve en toute logique
Ce livre n'est pas à conseiller aux personnes fragiles. C'est probablement le livre le plus effrayant qu'il m'ait été donné de lire. On comprend que notre civilisation touche à sa fin et qu'il est probablement impossible de l'empêcher. Cette fin de civilisation pouvant aboutir ni plus ni moins à la fin de l'humanité. le sujet n'est pas léger. Même si je me dis parfois qu'elle est bien longue à venir cette fin ! J'aurais aimé (j'aurais surtout eu besoin de) beaucoup plus d'optimisme, pour essayer de me convaincre que j'avais tort.
La lecture de la cette troisième partie a été très violente… l'enchainement des mauvaises nouvelles concernant la planète (même si je les connaissais déjà toutes) a été indigeste et j'ai failli abandonner en mettant un 2 (étoiles) sur Babelio !
Puis, je me suis dit qu'il fallait quand même que j'aille jusqu'à la dernière partie, puisque c'est elle qui est sensée présenter le positif.
* la quatrième partie, enfin, tente de donner des pistes pour réussir à le vivre pas trop mal.
Cette partie qui se veut la plus optimiste est relativement décevante. le positif est très loin d'atteindre le négatif de la partie précédente. En résumé, l'auteur propose de trouver le soutien dans la philosophie, le spirituel en général et dans le stoïcisme en particulier.
L'ouvrage se termine sur des passages très intimes et poétiques.
Cet ouvrage arrive à un moment où je suis las de ma quête qui consiste à essayer de comprendre la nature humaine. J'ai l'impression de la comprendre mieux que beaucoup de gens qui ne se posent pas ces questions. Mais finalement, mon tort a été de croire que mieux la comprendre, me permettrait de mieux l'aimer (je cherche à guérir de ma misanthropie).
En résumé, si vous avez l'espoir solidement chevillé au corps, peut-être pouvez-vous lire ce livre en entier, sinon, contentez vous des deux premières parties.
Pour être tout à fait honnête, je n'ai pas appris grand-chose dans cet ouvrage car, dans mon parcours intellectuel visant à mieux cerner l'humanité et les crises qu'elle traverse ; je suis passé par les mêmes chemins que l'auteur et je suis, en grande partie, arrivés aux mêmes analyses, au même diagnostic et aux mêmes (absences de) solutions et ça m'énerve !
Bon je mets quand même un 4 (étoiles) pour les deux premières parties !