La ravissante créature reprend néanmoins vie après quelques secondes d’immobilité, en s’éventant de la main et en torsadant ses cheveux dorés pour les remonter sur la nuque. Elle tend la main vers le bout de plastique que je triturais plus tôt et demande d’une voix onctueuse :
- Je peux te la prendre ?
- Gloupbenvivivokaydac… je veux dire oui, vas-y, j’en ai pas besoin.
- Merci.
Elle attrape la touillette d’une main délicate, la suce sur toute la longueur pour en retirer l’alcool, s’assurant au passage que je n’en rate pas une miette.
Maman, ô s’cour, y a une dame qui me viole avec ses yeux !
Enfin, elle plante la pique dans ses cheveux pour retenir les mèches du chignon qu’elle vient d’improviser. Je suis une statue de sel, cuite à point pour un aller simple dans un musée. Mais cette petite sorcière ne s’arrête pas à ce forfait. Elle pose une main sur mon épaule pour garder l’équilibre alors qu’elle grimpe, entre la rampe repose-pieds en zinc et les barreaux du tabouret contre lequel je suis appuyé, pour se porter à ma hauteur. Maintenant, je suis liquide et prêt à lui faire sa fête en public. On prend combien pour attentat à la pudeur déjà ?
- Tu sens bon, chuchote-t-elle en approchant doucement son visage de ma gorge. Je peux goûter ?
- Gloupbenvivivokaydac… fais-toi plaisir ma jolie !
Mais qu’est-ce qui se passe, je suis dans un monde parallèle où tous mes fantasmes se réalisent ? Cà ne l’empêche pas de me faire LE truc qui n’arrive que dans l’intro des films qui meublent mes nuits de solitude. Son petit nez me hume profondément. Elle gronde de satisfaction (enfin, j’espère), darde sa langue entre ses lèvres indécentes et la fait courir jusqu’au bas de ma mâchoire. Je crois que celle de Markus vient d’exploser à force d’être contractée, et celles de mon équipe gisent à hauteur de leurs chaussures.
Il est 1h24 du matin et je suis amoureux.
— Voyons mon lieutenant, vous ne pouvez pas descendre ici sans être équipé !
— Mais je suis parfaitement équipé sergent, regardez par vous-même !
C'est moi ou la conversation n'emprunte pas dutoudutoudutou un ton professionnel, là tout de suite ? Je vois rouge ; il ne lui montre pas son "équipement" tout de même ? Je vais le défoncer ce con d'officier ! Et puis, ils sont combien là-dessous bordel ?
Le cerveau sur off, je saute dans le trou et manque de me vautrer.
Merde, mais c'est profond ce truc !
Trois paires d'yeux me dévisagent avec effarement.
— C'est bon, on est assez nombreux pour une partouze !
— Mon lieutenant, vous reprendrez bien un peu de finesse, vous pouvez constater que l'adjudant Lacec en a des tonnes en stock ! grince Alix, en me toisant avec consternation.
Sa façon de me brancher ressemble à une méthode de drague tordue. Il faut croire que ça fonctionne sur moi, parce qu'à chaque fois que je pose les yeux sur elle, mon rythme cardiaque s'emballe. Plus besoin de m'entraîner au semi-marathon comme un abruti. En continuant de la mater à m'en griller la rétine, ça équivaut à tous les footings que je ferai jusqu'à la fin de ma vie.
J'aime bien les M83 mais à l'heure actuelle, associés à mon mal de crâne, ils me donnent surtout envie de me pendre. La vache, la musique est tellement forte qu'en sortant de ce bar, j'aurai sûrement perdu des décibels et la moitié de mes neurones. L'autre moitié étant déjà noyée par la dose d'alcool que j'ai dans le sang, le trajet jusque chez moi s'annonce très très long. Et très très drôle