Parfois le destin nous met dans les mains une pépite littéraire rare. Cela vaut la peine d'être mentionné, il y a si peu de belles choses dans la vie.
Dès qu'on plonge dans le second roman de
Joël Dicker, on est happé par l'intrigue et, immanquablement, quelques souvenirs reviennent à la surface.
On pense naturellement à la série Twin Peaks, sortie du cerveau fécond et passablement névrosé de
David Lynch. Une jeune fille est retrouvée morte, seulement dans le cas qui nous occupe, son corps mettra 33 ans à refaire surface. Si Twin Peaks se situait dans un village perdu au coeur du Montana (si ma mémoire ne me joue pas des tours, du moins au milieu des montagnes rocheuses), Aurora est une station balnéaire de la côte Est. Et là, c'est tout l'univers de
John Irving qui vient frapper l'imagination, sauf que dans un roman du célèbre romancier de la Nouvelle Angleterre, il serait question de lutte et non pas de boxe. D'autre part,
Dicker n'a pas le talent d'Irving pour mettre en place les différentes parties d'un puzzle. Il a d'autres dispositions, dont celle de nous faire haleter d'impatience jusqu'à la fin de l'histoire.
La vérité sur l'affaire Québert présente plusieurs niveaux de lecture. Ca en fait un roman foisonnant. D'abord, bien sûr, élément central, l'enquête policière qu'un jeune talent littéraire va devoir mettre en place pour découvrir la vérité sur son mentor, le célèbre écrivain Harry Québert. Non seulement, le parallèle entre les deux personnages est intriguant : quasiment même parcours (un premier livre remarqué, puis l'énorme succès du second) ajouté au fait que
Joël Dicker marche aussi un peu sur le parcours de ses personnages. Ensuite, on assiste à gestation, la fabrique d'un roman. Voilà l'originalité du propos. Comment écrit-on? Chaque chapitre sous la forme d'un subtil décompte, donne des conseils d'écriture. Et c'est bien la seule chose que l'on puisse reprocher à
Dicker : le syndrome
Musso ou Levy (excusez du peu!) qui subit un peu trop le formatage des écoles d'écriture à l'américaine (style : stage d'ateliers d'écriture ou comment captiver le lecteur en dix leçons). On aurait aimé davantage de personnalité dans l'oeuvre. Que l'auteur s'implique davantage. Mais ne faisons pas la fine bouche. Après tout
Dicker a de belles années devant lui s'il ne tombe pas dans le dangereux travers de toujours écrire le même livre.
Enfin, ce roman est un roman d'amour. Un amour pur et total, désintéressé, sublime. Tout simplement parce que l'histoire d'amour n'est pas au centre du récit, son architecture ne repose pas totalement dessus. Cela en fait sa force, sa pureté, sa franchise, un absolu total.
Après l'amour il ne reste plus que le sel des larmes
note Harry Québert.
Dicker sait faire exister ses personnages en quelques mots, tout comme un bon caricaturiste parvient à croquer un caractère en deux trois coups de crayon. Et cette fois, on ne peut s'emp^écher de songer au polar de jk Rowling (une place à prendre).
Devant tant de maitrise, on a du mal à pinailler et, finalement, le seul mauvais point de ce formidable roman c'est, finalement, son titre. On aurait aimé un très sobre Aurora, New Hampshire ou, mieux, et en référence à la série de Lynch : qui a tué Nola Kellergan?