Quiconque se penche aujourd’hui sur la question des genres littéraires (ou plus largement « du genre ») se trouve dans une situation assez curieuse. S’il a la témérité de dévoiler à ses pairs son intérêt pour le problème, il se voit bientôt opposer trois objections qui, contradictoires entre elles, n’ont rien pour réduire sa perplexité : 1) la question des genres ne se pose plus parce que l’avant garde les a dissous dans des catégories telles que « texte » ou « écriture » ; 2) la question ne se pose pas puisque, malgré les efforts des avant-gardes littéraire et critique, les genres continuent de régir la composition des manuels et des histoires littéraires, l’organisation de l’enseignement, le fonctionnement de l’institution, et ainsi de suite ; 3) la question des genres demeure pertinente, mais elle n’opère que dans certains secteurs de la production, elle n’a plus de prétention à la validité absolue, elle ne subsiste que comme système de classement des textes les plus déclassés (car les lecteurs de la littérature de grande consommation resteraient attachés aux classements – polar, saga historique, roman d’amour, etc.) et, à l’autre bout du spectre, comme objet de réflexion pour les spécialistes de la poétique et de la rhétorique. On le voit, ces trois positions n’aident pas à se faire une idée précise de la légitimité du questionnement générique, d’autant plus que chacune est juste selon le point de vue adopté.