AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,41

sur 2534 notes
Trois frères, trois destins. Les passions tournent les têtes. Un fils et un père, une même femme. Mitia tue-t-il ? Mitia vole-t-il ? le monstre parricide est-il celui que l'on condamne ? Tout dans ce roman s'amplifie, tout se mystifie, tout est drame, tout se russifie. Aliocha est-il un saint ? Ivan devient-il le diable ? Il est étrange à quel point je ne parviens pas à écrire sur ce texte qui m'a occupé plusieurs mois quoi que ce soit que me paraisse convenir. Quelque chose échappe. Certes, cette histoire est un drame, mais ce n'est rien dire que de le dire. Certes, les personnages fascinent, Mitia tantôt odieux tantôt pathétique, tantôt pétri d'honneur, Ivan l'intellectuel, le nihiliste, le fou, Aliocha qui oscille entre la sainteté et la naïveté, le père ignoble mais qu'il faudrait peut-être quand même aimer, les deux rivales qui se pardonnent presque, les juges qui se trompent. Il semble pourtant qu'il y a autre chose, comme un sens caché, un monde enfoui, un fil tendu entre ces frères si différents et si proches. Peut-être que les grands romans sont ceux-ci, ceux sur lesquels écrire est impossible, mais là encore, j'hésite. Ai-je aimé cette lecture ? Oui, mais sans doute pas assez.
Commenter  J’apprécie          100
Tout lecteur est en quête du roman qui éprouvera son âme, de cette oeuvre dont il dira plus tard qu'elle a changé sa vie, de cet auteur iconique qui marquera à jamais son esprit et qu'il se délectera à citer et reciter. La littérature russe produit tout cela en moi. Tolstoï évidemment puis Dostoïevski avec Crime et Châtiments, roman qui avait ébranlé mon système de valeurs de jeune adulte élevé dans la foi puis acquis à un matérialisme et un rationalisme radical. Aujourd'hui à 32 ans, Les Frères Karamazov est une nouvelle secousse dans ma vie intérieure.

Je ne m'attarderai pas sur l'intrigue car tout le monde a dû l'effleurer. Ce parricide dont la victime est ce père dépravé, jouisseur, noceur, figure ultime de la débauche et ayant enfanté 4 frères que tout sépare mais qui partagent cette tentation de l'abime et cette conscience horrifiante du mal. Nul besoin également de rappeler qu'à travers 1200 pages de récit, Dostoïevski brosse un portrait réaliste et poignant de cette Russie de la 2ème moitié du 19ème siècle : douleurs et souffrances de sa paysannerie, pénétration des idéologies libérales occidentales dans sa bourgeoisie et aristocratie, la vie monastique et la place de l'Eglise et de la religion dans une société de plus en plus athée.

Mais le principal pour l'auteur dans ce roman ultime est la question de l'existence de Dieu, question qui l'aura tracassée toute sa vie et dont on explore les retentissements sur l'âme humaine à travers toute son oeuvre. « C'est le diable qui lutte avec Dieu et le champ de bataille est le coeur de l'homme. ». Une bataille que chacun des personnages mènera à sa façon et dont le lecteur ne sort pas indemne.
On éprouve le glissement nihiliste du père, cette tentation de se venger de tous et de soi même quand tout se vaut et quand rien ne vaut. On s'apitoie sur Dmitri, coeur sensible d'un amour spontané mais hélas écrasé par la passion dévorante de la chair. On se révolte avec Ivan le matérialiste qui veut bien accepter Dieu mais refuse un Dessein harmonieux où le mal touche aux enfants et aux innocents, quand il prône que les prêtres crucifieront eux-mêmes Jésus pourvu qu'ils préservent l'ordre établi. On ressent sa folie et ce vertige de liberté face à l'anéantissement de toute transcendance. On s'émeut aussi en lisant les paroles du staretz Zosima et son disciple Aliocha quand ils prônent le pardon et l'amour agissant, infini et universel soutenus par une foi absolue en Dieu. Enfin, on s'interroge sur nos propres croyances, sur le poids de notre libre arbitre et sur notre responsabilité après avoir dérobé le feu des dieux.

Pour ma part, Aliocha le fervent, le coeur pur et sensible, l'incarnation de la bonté, de l'humilité, de la compassion et du pardon m'aura marqué comme figure sublime de l'espoir, une réponse évidente par la négation à la question de « Si Dieu n'existe pas, alors tout est permis ? » et un dépassement des limites de notre pauvre raison humaine. Une véritable invitation à « la métamorphose intérieure et la renaissance spirituelle. »

« Quelqu'un a visité mon âme à cette heure ! » s'écrie ce dernier dans un moment de bascule dans sa vie. Je n'en dis pas moins en fermant ce monument littéraire.
Commenter  J’apprécie          93
Que dire sinon que ce roman est une merveille. Les personnages sont très bien développés. Les péripéties et les avancées dans l'histoire sont ponctuées de passages très intéressants qui traitent de la religion, de la moral, de l'état, de la culture… Si la réelle intrigue ne pointe son nez que tardivement dans le roman, on prend beaucoup de plaisir à voir s'installer le décor et à comprendre en profondeur les personnages grâce à leurs relations, pensées, actes… Il y a des passages qui exposent brillamment des idées pointues sur la religion et l'état, d'autres qui décrivent avec précision les émotions et sentiments des personnages, et d'autres encore qui enchaînent péripéties et rebondissements. Bref, un chef d'oeuvre, à lire au moins une fois !
Commenter  J’apprécie          90
Immense roman de Dostoïevski qui réalise là une oeuvre totale, littéraire, philosophique, mystique, intrigue policière et chronique judiciaire, en même temps qu'un survol de la Russie du XIXème siècle.
Les personnages ne sont pas nombreux, le père Fiodor Pavlovich son fils d'un premier lit Dmitri Fiodorovitch, et les suivants nés d'un second mariage, Ivan Fiodorovitch et Alexeï (Aliocha) Fiodorovitch. Tous ont le même patronyme, Karamazov.
Les deux épouses-mères n'ont pas fait long feu, et les enfants, délaissés par leur père, ont été pris en charge au début par Grigori, un domestique, et son épouse, puis par des parents, avant de revenir au foyer. Quant à Smerdiakov, fils de la “Puante“ (une sans-domicile, “innocente de village“), il fait office de cuisinier dans la maison Pavlovich, et pourrait être le fils illégitime de Fiodor (qui aurait violé sa mère).

Un conflit oppose le père et Dmitri. Fiodor Pavlovich Karamazov, riche propriétaire mais près de ses sous, est présenté comme un personnage inconstant, un ivrogne, un “bouffon“, incohérent dans ses propos et colérique. Dmitri a eu une enfance agitée ; orphelin de sa mère à trois ans, il prétend avoir hérité d'elle une belle somme que son père aurait dilapidé, d'où conflit. Un conflit aggravé par leur rivalité à propos de Grouchenka, une jeune femme qu'ils convoitent l'un et l'autre.

Dmitri est, comme son père Fiodor, un personnage primaire, impulsif, soumis à des pulsions affectives et à des passages à l'acte. Ivan est intelligent et cultivé, un brin taciturne, il vit à Moscou. Alexeï a dix-neuf ans, c'est un grand naïf, un altruiste, un garçon pudique, devenu moine après avoir rencontré le charismatique starets (un quasi saint) Zossima, à qui il abandonne sa volonté et sa personne.

Tout ce monde se retrouve au monastère en présence du starets, qui conseille et bénit les personnes venues le consulter. Ils sont tous là pour tenter de dénouer la question de “l'héritage“ de Dmitri. le père s'installe dans son rôle de bouffon, que le starets démonte, mettant le doigt sur les conséquences des mensonges à soi-même que commet Fiodor. Une discussion s'engage autour des rôles de l'État et de l'Église : faut-il les maintenir séparés ? faut-il que l'État se transforme en Église ? L'immortalité de l'âme est aussi un sujet de controverse. le père et le fils en viennent à s'accuser l'un l'autre de s'approprier Grouchenka, alors que Dmitri a déjà séduit Katerina Ivanovna. La réunion et le repas qui suit, tournent court.

La séduction de Katerina par Dmitri a lieu sur un fond de trois mille roubles transitant de Katerina à Dmitri puis de Dmitri à Grouchenka: en effet la somme que Katerina a confié à Dmitri pour qu'il l'envoie à sa soeur à Moscou, est dépensée avec Grouchenka. Cette somme de trois mille roubles est aussi une promesse que le père Fiodor fait à la séductrice Grouchenka pour l'attirer à lui. Il les garde sous son oreiller.
S'ensuivent un certain nombre de rebondissements au centre desquels se situent l'amour que Dmitri voue à Grouchenka, la rivalité que cela lui vaut de la part de son père, l'amour de Katerina Ivanovna pour Dmitri, celui d'Ivan pour cette dernière, enfin celui de la très jeune Lise pour Alexeï. Il faut ajouter à ce sac de noeuds l'amour ancien que Grouchenka a pour un fonctionnaire polonais vivant en Sibérie.

On retiendra l'épisode qui emmène Alexeï dans la famille Sneguirev très pauvre, avec une fille handicapée, dont le père ancien officier humilié par Dmitri porte son honneur plus haut que sa misère. le fils adoré de la maison, Ilioucha, avait agressé Alexeï peu avant en lui mordant la main.
Autre moment fort du roman, ce conte qu'Ivan rapporte à son frère Alexeï, “le Grand Inquisiteur“ : il imagine la rencontre à Séville au XVIe siècle entre Jésus revenu sur terre et un Inquisiteur qui veut le voir monter sur le bucher, l'accusant d'avoir infligé à l'humanité le fardeau de la liberté, laquelle peut déboucher sur le Mal. Rejetant le miracle et d'autres tentations, Jésus prône le libre arbitre. Plutôt que par la liberté de croire ou non, l'Inquisiteur veut imposer la foi par la contrainte ou la peur. Libérant ainsi l'homme du poids douloureux du choix, respectant son manque de volonté, sa faiblesse inhérente, il oeuvre finalement à son confort, à un bonheur facile.

La quête de Dmitri consiste à trouver trois mille euros pour les restituer à Katerina Ivanovna à qui il les doit, puis pour partir avec Grouchenka pour une nouvelle vie. Il multiplie les initiatives auprès de créanciers possibles, sans succès. Il va chez son père, persuadé d'y trouver Grouchenka. le récit s'interrompt...
Il reprend sans tarder avec Grigori qui a entendu Dmitri dans le jardin, lequel lui assène un coup de pilon sur le crâne, le laissant inconscient, mais vivant, et s'enfuit. Faisant état de la détention d'une liasse importante de billets auprès d'une connaissance, Perkhotine, il paraît suspect, du sang sur les mains et détenant cet argent qu'il n'avait pas un peu plus tôt.

Il finit par retrouver Grouchenka qui, elle même, festoyait avec son amour polonais dans un village proche. Il dépense son argent dans une auberge, à boire, convoquer des femmes et des musiciens. Grouchenka délaisse son officier polonais, réalisant son amour pour Dmitri.
Des représentants de la police et de la justice interrompent alors la fête, inculpant Dmitri du meurtre de son père. S'il reconnait avoir porté un coup qu'il pensait mortel - à tort - à Grigori, Dmitri nie avoir tué son père. Il accuse Smerdiakov.

La suite est comme une longue - très longue et très détaillée - chronique judiciaire, qui n'épargne au lecteur aucun détail, matériel ou psychologique des plaidoiries du procureur accusateur et de l'avocat de la défense, illustre personnage venu de Saint-Petersbourg. Les arguments s'étalent sur de très nombreuses pages. Il apparaît difficile d'innocenter Dmitri tant les preuves s'accumulent contre lui, et pourtant le lecteur retient les aveux de Smerdiakov avant son suicide, aveux que les plaideurs semblent négliger. Une certaine énigme littéraire persiste.

Ce gros roman est émaillé de multiples bifurcations, chapitres ou passages consacrés à des considérations religieuses, mystiques ou philosophiques : sont abordés les thèmes de la foi, de la fidélité au Seigneur ou du reniement de Dieu, de l'immortalité de l'âme, de l'athéisme et de l'existence même de Dieu qui pourrait n'être qu'une invention de l'Homme, etc.
Plus politique, le débat sur la séparation de l'Église et de l'État ou leur fusion. Plus visionnaire, la réflexion d'Ivan Karamazov, l'athée, “Si Dieu n'existe pas, tout est permis“, l'homme est livré à lui-même, la société se dissout.
Là sont les craintes de Dostoïevski, la désunion de la famille, illustrée par les dissensions des Karamazov, père et fils, prémisse de celles de la société et de l'humanité même. L'auteur se passionne pour le destin de l'homme, déchiré entre le Bien et le Mal, entre un désir universel de liberté et un besoin de contraintes, par exemple exercé par la morale. À cet égard, le passage sur “Le Grand Inquisiteur“ illustre bien l'angoisse que semble générer chez l'auteur l'existence du libre-arbitre chez l'Homme.
Mais il ne faut pas négliger la force du romanesque chez Dostoïevski, ce talent incroyable pour évoquer les passions humaines, que le registre soit celui de l'embrasement amoureux ou de l'exécration haineuse.
Ce roman n'est pas d'un accès aisé, mais il est captivant.
Commenter  J’apprécie          90
Les Karamazov vivent à Skotoprigonievsk, ville imaginaire qui n'est citée qu'à la page 888. le père, Fédor, est parti de rien, mais a réussi à devenir riche grâce à deux mariages qu'il a su faire fructifier. Financièrement parlant, car sentimentalement ces unions étaient d'une pauvreté désolante. Dmitri est né du premier mariage, Ivan et Alexis du second. Trois fils dont Fédor ne s'est jamais occupé, laissant son valet Grigori et un cousin assumer la charge.

Le début du roman est longuement consacré à la génèse familiale. L'ascension de Fédor, les enfances des garçons, leurs chemins différents. Dmitri est un homme fougueux, passionné, porté sur l'argent, la boisson et les femmes. Son coeur balance entre deux demoiselles. Il a poussé comme une plante sauvage, de travers, sans tuteur stable ni main aimante pour le guider. Ivan quant à lui a pu faire des études et est le savant de la famille. Instruit, volontaire, avec un pied au bord du précipice qui fait basculer les âmes qui réfléchissent trop dans le tragique. Alexis en revanche est le petit ange de la fratrie. La bonté incarnée, le sourire aux lèvres, il a décidé de consacrer sa vie à Dieu. Faut-il préciser que c'est celui que j'ai trouvé le moins intéressant des trois ?

La quatrième de couverture annonce vite la couleur qui n'intervient qu'à plus de la moitié du roman : Fédor a été assassiné. On soupçonne immédiatement l'un des fils qui est le coupable évident. Tous les indices l'accusent. Nous, lecteurs, connaissons la vérité grâce à un narrateur extérieur dont je n'ai pas pu comprendre l'identité, mais cela n'a guère d'importance.
La moitié du roman nous porte à comprendre comment cette famille en est arrivée là en analysant en profondeur les personnages et leurs actes. Ensuite, l'histoire se recentre sur le meurtre avec la recherche du meurtrier ou plutôt, la recherche de la culpabilité de l'un des fils.

Dans sa préface, Dostoïevski nous explique que le véritable roman est celui qu'il n'a pas eu le temps d'écrire, consacré à Alexis à l'époque contemporaine. Mais que pour cela, il doit écrire un premier roman relatant son passé, celui que je vous présente aujourd'hui. Il précise ainsi qu'Alexis en est le héros, ce qui n'est pas flagrant à mon sens puisque chacun des trois frères occupe une place importante dans l'intrigue.

Dans ce roman comme dans Crime et Châtiment (que j'avais beaucoup aimé), Dostoïevski se livre à une analyse profonde et complexe de l'âme humaine, mettant à jour ses faiblesses et ses contradictions, sans jamais encenser ni accabler personne. Car nul être humain n'est entièrement ombre ou lumière.

Malgré des passages que j'ai trouvés longs et inutiles (les considérations religieuses par exemple, ou l'enfance du staretz Zossima, que j'ai carrément sauté), j'ai beaucoup apprécié ce roman. Il me marquera moins que Crime et Châtiment, mais j'ai un penchant particulier pour ces romans qui sondent l'humanité. Ils nous aident à comprendre autrui, à éprouver de l'empathie, nous enrichissent.

Un roman que je vous conseille donc, quand vous aurez envie de prendre le temps de rentrer dans un bon gros pavé.
Lien : https://lejardindenatiora.wo..
Commenter  J’apprécie          90
Ce roman de 1880, le dernier de DOSTOIEVSKI, fut terminé quelques mois avant sa mort (en 1881), il en est le testament, l'anthologie. Ce qui est saisissant, c'est qu'il reprend à peu près tous les grands thèmes abordés par DOSTOIEVSKI dans ses romans majeurs précédents, après son retour du bagne. le procès de Dmitri, presque en fin de volume, très long, est peut-être l'une des plus grandes réussites de toute la littérature. Mais il est aussi une sorte de redite, certes racontée différemment, des face à face musclés Raskolnikov/ Porphiri dans « Crime et châtiment »(ici). D'ailleurs, Kara en russe signifie Châtiment (Maz signifiant onction). Aliocha, le plus pur, le plus pieu des frères Karamazov, possède cette sorte de figure christique incarnée par le prince Mychkine dans « L'idiot ». le thème torturant de la permissivité (« Liberté ») absolue en cas d'inexistence de Dieu est longuement développé dans « Les démons ». le triangle amoureux est la trame principale de « Humiliés et offensés ». Il est également possible de trouver certains points communs avec « L'éternel mari » entre autres, sans oublier le thème du jeu à profusion, celui qui ruine, développé dans « le joueur ».

Bref, « Les frères Karamozov » est sans doute la grande oeuvre de DOSTOIEVSKI, sa synthèse, avec ses forces et ses faiblesses. Dans ces dernières, l'antisémitisme de l'auteur qui transparaît une dernière fois mais toujours de manière sournoise et dérangeante, mais aussi les hésitations de l'écrivain quant au style. DOSTOIEVSKI doutait toujours de sa plume, ses personnages bafouillaient, reprenant des phrases avant de les abandonner à nouveau, parvenaient parfois avec difficulté au bout d'une idée, se dispersait cruellement tout en souffrant le martyre. La plupart des traducteurs avaient décidé de faire l'impasse, de biffer ces moments douloureux à lire, car lourds, épais, et comme cauchemardesques dans la lecture de l'oeuvre. MARKOWICZ a décidé de traduire DOSTOIEVSKI au plus près, le plus fidèlement possible, c'est-à-dire avec ses hésitations, ses redites, ses nombreuses maladresses, que l'on peut retrouver surtout au début du roman. C'est à la fois étonnant et fascinant de constater qu'un génie de la trempe de DOSTOIEVSKI pouvait avoir autant de difficultés à écrire une phrase convenable. Certains dialogues, fortement teintés d'oralité, sont patauds. Puis tout à coup, comme si les vannes s'ouvraient de manière quasiment divine, la plume glisse toute seule, sublime, et là l'auteur écrit des pages plus que marquantes, je serais tenté de dire légendaires.

Le thème du père : « Mais est-ce qu'il m'aimait quand il m'a donné la vie, demande-t-il, s'étonnant de plus en plus, est-ce pour moi qu'il m'a donné la vie : il ne me connaissait pas, ni moi ni même mon sexe à cette minute-là, à cette minute de passion, peut-être échauffée par le vin, et, tout ce qu'il m'a donné, c'est son penchant pour le vin – voilà son seul bienfait… Pourquoi dois-je l'aimer, pour le seul fait qu'il m'ait donné la vie, et puis ensuite que, pendant toute sa vie, il ne m'ait pas aimé ? ».

Un ami me faisait un jour remarquer avec force justesse l'absence du portrait de la Femme de caractère, majestueuse et puissante, dans ce roman, contrairement à la plupart des oeuvres de l'auteur qui incarnent cette figure. Il n'en reste pas moins vrai que « Les frères Karamazov » est sans nul doute l'un de ces immenses chefs d'oeuvre de la littérature. Il en est peut-être également tout son paradoxe : des pages maladroites et hésitantes suivies d'éclairs de génie, pour se terminer en apothéose par l'un de ces procès dantesques que la littérature policière n'a jamais égalé. Car, oui, ce pavé est aussi un polar, et d'une immense qualité. Il est tout cela en même temps, et il faut le lire une fois dans sa vie, même s'il laisse des séquelles, particulièrement intenses en période de confinement. C'est aussi cela DOSTOIEVSKI, faire souffrir le lectorat comme lui a souffert lors de l'écriture, le mettre dans le même bain, une sensation qui arrive très peu souvent dans une vie.

Ironie de l'Histoire : DOSTOÏEVSKI et TOLSTOÏ n'étaient pas amis, ils ne s‘aimaient guère, ils étaient même deux concurrents directs pour la première place en littérature russe du XIXe siècle. Pourtant, lorsque TOLTOÏ entama son dernier voyage au cours duquel il trouvera la mort en 1910, il a été retrouvé sur sa table de chevet le livre qu'il lisait juste avant sa fuite… Il s'agissait des « Frères Karamazov ».

https://deslivresrances.blogspot.fr/

Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          91
Bon, je dois dire que vu le pavé, il fallait s'y attendre... C'est long. Trèèès long. Trop, quand même. Je trouve qu'un roman qui s'étire sur autant de pages perd malgré lui une partie de sa saveur.
L'intrigue met beaucoup de temps à se mettre en place. Quand je dis beaucoup de temps, c'est genre... 500 pages. Durant lesquelles on découvre les trois frères Karamazov et leur entourage. Certes, il le faut bien. Mais au risque de me répéter... c'est looong. L'avantage est bien sûr que les personnages sont très recherchés, leurs caractères complets et complexes. Souci du réalisme et du suspense, malgré une histoire extrêmement bien construite et fouillée (c'est sûr qu'en 1200 pages, il y a le temps pour ça), ce n'est que dans la quatrième partie que la lecture devient plus fluide, et intéressante de mon point de vue. Je trouve que la plume de Dostoïevski s'y retrouve mieux dans tout ce qu'elle a de sublime. Mais il faut y arriver, à cette dernière partie...
Une lecture mitigée pour ma part. Peut-être n'ai-je pas réussi à déceler le chef-d'oeuvre au sein de ces centaines de pages sans aucun alinéa, mais j'avoue être relativement déçue par rapport à tout ce qu'on avait pu me dire de positif sur ce roman.
C'est cependant une découverte de la littérature russe pour moi, et cela me donne envie de creuser un peu dans cette direction. Voilà ma PAL qui prend encore de la hauteur !
Commenter  J’apprécie          90
J'ai lu ce roman il y a plusieurs années déjà, et étrangement j'ai l'impression que c'était hier (peut-être est-ce là la première caractéristique d'un chef d'oeuvre ?). Et pourtant, je suis resté hermétique à sa dimension métaphysique. Peut-il y avoir une morale sans religion ? Oui, évidemment, c'est le socle de nos démocraties laïques occidentales et répondre par la négative comme semble le faire Dostoïevsky est preuve d'un grand pessimisme sur le fond de la nature humaine. Ce qui moi m'a plu, c'est la peinture, à travers le personnage du frère ainé, de l'âme russe, emportée souvent, irrationnelle parfois, mais toujours humaine. Mais ça, je l'avoue, est forcément très réducteur par rapport aux intentions de l'auteur.
Commenter  J’apprécie          90
Cela faisait longtemps que je voulais le lire.
L'histoire est prenante mais met du temps à se mettre en place. Je me suis un peu emmêlée dans les noms et surnoms russes.
l'intrigue est très bien menée. j'ai aimé les oppositions de points de vue sur des thèmes tels que la religion, l'amour, la famille ...
Commenter  J’apprécie          90
Comment saisir la « logique Karamazovienne » dans un roman qui offre en même temps, à travers l'analyse des trois frères et de leur père, une méditation sur l'homme et sur la religion ? Malraux disait des personnages de Dostoïevski qu'ils étaient des espèces de silex que l'auteur frottait l'un contre l'autre pour en faire jaillir le brasier de la réflexion. Les grandes questions de la foi, de la politique, de l'amour, de la mort sont abordées : « le coeur de l'homme n'est qu'un champ de bataille où s'affrontent Dieu et le Diable ».
A noter également cette réflexion sur le destin de la Russie qui prend aujourd'hui une sinistre résonnance : « Notre troïka fonce à bride abattue et peut-être fonce-t-elle vers sa perte. Et il y a longtemps déjà que dans toute la Russie, on tend les mains et on supplie que soit arrêtée cette course furieuse qui n'épargne rien. Et si les autres peuples s'écartent encore devant la troïka qui galope à tombeau ouvert, ce n'est peut-être point par respect pour elle mais simplement par effroi. Par effroi et peut-être aussi par répulsion pour elle ; encore est-il heureux qu'ils s'écartent sinon ils pourraient bien cesser de s'écarter pour se dresser en une barrière solide devant le spectre qui s'élance et arrêter eux-mêmes la course folle de nos débordements afin de se sauver , eux, ainsi que la culture et la civilisation. »


Lien : http://ericbertrand-auteur.n..
Commenter  J’apprécie          82




Lecteurs (8907) Voir plus



Quiz Voir plus

Crime et Châtiment

Qui est le meurtrier ?

Raskolnikov
Raspoutine
Raton-Laveur
Razoumikhine

9 questions
195 lecteurs ont répondu
Thème : Crime et Châtiment de Fiodor DostoïevskiCréer un quiz sur ce livre

{* *}