Quel rêve ! la civilisation arabe reprenant son essor et, comme jadis, dominant le monde !
Qu'importe la disparition de cette civilisation européenne qui repose sur le matérialisme, l'athéisme et le mépris des lois de Dieu.
Et c'est celle-là que l'Europe voudrait nous imposer à coups de canon : c'est celle que Stanley, ce cruel voyageur, a promenée sur le Congo, en mitraillant des milliers de noirs ; celle que les Anglais inaugurent dans tous les pays dont ils s'emparent, divisant les peuples de même race et jetant les tribus les unes sur les autres ; celle des Allemands écrasant à coups de canon les populations inoffensives des Grands Lacs ; celle des Français, enfin, remplaçant les paisibles colons arabes d'Afrique par une population de faméliques et de juifs, rebut de leur métropole.
Une pareille civilisation doit disparaître.
Un Arabe, enveloppé dans un grand burnous qui le recouvrait entièrement et dont le capuchon rabattu sur les yeux ne permettait pas de distinguer le visage, gravissait les escaliers d'un de ces couloirs étroits qui, sous le nom pompeux de rues, montent tortueusement vers la Kasba.
Il franchissait rapidement et sans tâtonner les dédales qui serpentent sous les arcades jetées d'une maison à l'autre, et glissait sans bruit sous les voûtes supportées par des colonnes antiques, entre les lourdes portes ogivales aux boiseries ornées de clous et les fenêtres grillées derrière lesquelles des yeux invisibles observent sans cesse.
Il croisait, sans se retourner, les Mauresques aux larges pantalons bouffants, se trainant par deux sur leurs sandales trop élevées et ne montrant sous le voile que leurs yeux noirs entourés d'un cercle de bistre.