Avec Dugain, je vais de déception en déception. Parti de haut, avec son roman sur les gueules cassées,
La Chambre des Officiers, petit livre sobre et parfaitement construit, j'ai eu ma première déception en lisant "L'homme nu", essai peu étayé tirant à boulets rouges sur l'intelligence artificielle, les GAFA, les USA, les apports de la cybernétique, l'usage des écrans, etc. A dire vrai, plus qu'un essai, c'est une plaidoirie à charge : pas de nuances, un brouet où traînent toutes les angoisses de l'époque – et où, à force d'avoir bouilli, il est impossible de distinguer une carotte d'une aile de poulet.
Non que Dugain ait tort sur toute la ligne quand il s'inquiète de l'addiction de beaucoup d'entre nous pour la consommation de biens et de contenus en ligne, mais son analyse est courte, et ses références souvent très faibles.
J'ai quand même voulu lui donner une autre chance : c'est un romancier, il s'est égaré dans un essai, mais un autre roman le réhabilitera. Et j'ai lu
Transparence.
J'ai vite découvert que c'était une illustration romanesque de ses thèses sur Google, l'intelligence artificielle et le reste.
Zola est très pénible quand il se lance dans ses discours sur l'hérédité. de même
Balzac quand il se pique de "physiologie" ou de psychologie. Heureusement, ces considérations ne font pas plus que quelques pour cent de leurs ouvrages (sauf dans un Rougon de
Zola). Dans
Transparence, l'illustration de la thèse occupe la quasi-totalité du livre. Exposée laborieusement pendant plus de trente pages, elle campe un décor figé dont on ne sortira jamais. On a droit à une spéculation assez peu imaginative qui ne forme pas une intrigue mais un développement logique finalement assez gratuit.
A ma grande surprise, j'ai trouvé le style médiocre et parfois affecté (curieux passage par exemple : "Une mère eider conduisait sereinement ses canetons un peu plus au large, surveillée, du haut d'un petit arbre mort, par un huîtrier pie qui lissait son plumage de son long bec par des contorsions." Les noms d'oiseaux ? La surveillance ? Les contorsions ? Ou encore, dans l'épilogue : "la nature [a] le sourire de celle qui ne veut rien dire sur son incurable maladie"). C'est faible et tiré par les cheveux.
Obsession : Dugain n'évoque pas moins de quatre fois le cerveau reptilien, concept bouteille à l'encre que la neurologie n'utilise plus du tout. C'est à la limite du gênant.
Quant à l'histoire... à aucun moment on est emporté. Je ne demande pas d'être ému, mais dans un livre de science-fiction, j'espère être parfois pris par un petit vertige. Attente déçue. Même la fin fait queue de poisson.
Oui, la fin. Car j'ai lu jusqu'au bout. Pourquoi, si c'est si mauvais ? Parce que je suis fan de politique fiction, et que j'espère toujours que l'auteur, comme
Voltaire, finira par une étourdissante pirouette. Mais là, la pirouette fût celle du bouquin dans la corbeille, une fois lue la dernière page.