Je n'ai malheureusement pas du tout accroché à ce roman. L'idée est originale et ambitieuse, les courts premiers chapitres me laissaient présager une évasion vers un univers dystopique propice à la réflexion, mais les promesses sont vite retombées.
Ce roman a tous les travers de l'intellectualisme à la française. Beaucoup d'explications et peu d'action (au fil du livre elle diminue, tout comme la part laissée aux dialogues, symptomatique). L'univers développé est souvent caricatural, à la limite du misanthropisme. Il est évident que nous vivons une époque où le pessimisme affleure très vite, surtout au moment de se projeter sur les avenirs possibles de l'humanité.
Marc Dugain enfonce des portes ouvertes et n'apporte pas grand chose à la réflexion. Si je m'en tiens aux seuls aspects littéraires du livre, je regrette que des notions basiques de l'écriture anglo-saxonne ne soient pas davantage médités par nos auteurs. On est loin des grands maîtres de l'anticipation, qui parviennent à nous faire ressentir l'univers créé sans ralentir l'action, mais tout simplement en déployant les personnages dans cet univers. Cela nécessite une certaine subtilité, mettre les personnages "in medias res", tel que le décrivait Horace dans son art poétique (oui, ce n'est pas un apanage des anglo-saxon) il y a un peu plus de 2000 ans.
Si
Marc Dugain excellait à rendre palpable le passé (j'ai beaucoup aimé
la Chambre des Officiers), le passage au futur est beaucoup moins évident. Les personnages, parlons-en, ils sont froids et difficile de s'identifier à eux.
Dans
1984, la charge de
Georges Orwell est elle aussi d'un pessimisme très noir, mais elle est contreblancée par l'épaisseur des personnages, par la compassion que l'on éprouve pour Winston Smith. Idem pour les romans de
Barjavel: dans
la Nuit des Temps par exemple, l'histoire d'amour en filigrane donne une dimension supplémentaire au roman. Si l'on compare
Transparence à ces classiques, on ne peut que déplorer la pauvreté narrative de cet essai vaguement romanesque. L'idée était pourtant bonne... Si une production de série s'en saisissait, une plate-forme formatée comme celle décriée par l'auteur, il y a fort à parier que le résultat serait meilleur. Elle commencerait par reprendre les fondamentaux (les personnages, le rythme, les ressorts de l'intrigue). Ce n'est pas un roman, c'est une esquisse préparatoire.
Marc Dugain a cédé aux sirènes des temps modernes qu'il dénonce, il a été trop vite.