Décidément boulimique du XIXe romantique, connaissant Dumas Père, curieux du fils, j'avais ce roman dans mes priorités absolues... Mais mes attentes ont été trompées, dans le bon sens!
La Dame aux camélias, illustre roman d'
Alexandre Dumas Fils, a peu à voir avec les modes littéraires de son époque, et encore moins avec Dumas père! En réalité, il s'agit plus d'une sorte de néo-roman sentimental précieux du XVIIIe à la
Marivaux, avec récit enchassé, péripéties permanentes de l'histoire d'amour, larmes, réputations à tenir, apparences... le tout, tout de même, dans le
Paris du XIXe siècle. L'histoire m'a un peu rappelé Moulin rouge au début! En parlant du XVIIIe siècle, il y a également une intertextualité récurrente avec Manon Lescaut, qu'il me faudra relire un jour!
Tout commence lorsque le narrateur premier visite l'appartement d'une célèbre Dame aux camélias récemment morte (on dirait presque le début d'un roman policier, s'ouvrant ainsi sur une mort!), appartement vidé par les créanciers. La mémoire de la morte, nommée Marguerite Gautier, n'intéresse que ces vautours. Celle qui fut une courtisane de renom et qui avait épuisé, physiquement comme financièrement, tous les mâles de
Paris, se retrouve livrée à l'oubli et au dédain hypocrite une fois partie, constat amer du narrateur, du lecteur, comme du fossoyeur (excellent passage avec ce dernier). Est introduit un certain
Armand Duval qui aurait vécu une histoire d'amour passionnée avec Marguerite Gautier, et commence alors le récit de leur feuilleton très XVIIIe.
L'immersion dans ce
Paris du XIXe qui se déplace à l'opéra, fréquente les courtisanes, vit dans un luxe de jouissances et d'insouciances (jusqu'à la ruine ou les créanciers!) fut, je dois dire, particulièrement plaisante, et l'on fantasme sur cette époque et ses habitudes en tant que lecteur citoyen frustré d'un XXIe siècle peine à jouir et si terne. J'ai aussi forcément apprécié la période à Bougival. C'est vraiment un roman très appréciable et intéressant, fin, à la fois dans son discours sur les courtisanes, la prostitution, la cupidité, la soif de luxe, d'argent, de sexe, les intérêts financiers de l'époque, le train de vie d'alors, la réputation, la passion, la jalousie... Et pour son histoire d'amour. L'intrigue est très simple, et, comme dit plus haut, elle est ponctuée de rebondissements périodiques entre Armand et Marguerite, un peu comme dans
La Vie de Marianne.
L'aspect autobiographique est aussi à scruter.
Armand Duval est un double d'
Alexandre Dumas fils qui a aussi vécu une histoire d'amour passionnée avec une courtisane qu'il a tenu à immortaliser dans ce roman. le rapport entre fiction et réalité nous fait nous interroger alors sur les relations entre
Armand Duval et son père, celui-ci étant une figure essentielle dans le roman : Avons-nous là aussi une transposition romanesque des rapports entre Dumas père et fils?
En somme, j'ai beaucoup apprécié, mais pas pour les raisons que j'attendais, l'oeuvre baignant beaucoup dans le siècle précédent et se retrouvant en décalage avec son temps... On peut dire que Dumas Père et Dumas Fils n'ont pas grand chose à voir l'un avec l'autre sur le plan littéraire, on est à des années-lumière des romans historiques à complots... Et surtout, je ne comprends pas que le style de Dumas Fils ait autant hérissé certains de ses contemporains comme
Zola, qui l'avait démoli avec une violence inouie (mais je ne comprendrai de toute façon jamais
Zola...).