Me voici de nouveau embarquée dans une biographie d'écrivain, ou plutôt une biographie de deux artistes, les soeurs
Virginia Woolf et
Vanessa Bell.
Extrêmement détaillée, fouillée et documentée, cette biographie prend appui sur les écrits de l'écrivaine et de ses proches mais également sur des "papiers", lettres et documents non publiés archivés dans des musées et universités ou en possession d'héritiers.
Nous pénétrons au coeur de la famille Stephen, une famille victorienne recomposée, les deux parents ayant perdu leur premier conjoint. Les deux soeurs Stephen font partie d'une fratrie de huit enfants.
L'ambiance est lourde, étouffante, les conventions sociales pesantes. Les filles restent à la maison quand leurs frères poursuivent des études à l'Université; le père, grand intellectuel, agit en véritable tyran domestique, et les demi-frères entretiennent des relations incestueuses avec leurs soeurs. Pour faire face à ces difficultés et, confrontées aux deuils proches de leur mère et de leur demi-soeur Stella qui l'a remplacée, Vanessa et Virginia concluent un pacte, trament une conspiration et décident de faire front commun contre l'adversité. Ce lien puissant sera indéfectible tout au long de leur vie.
Une relation complexe et fusionnelle unit les deux soeurs, Vanessa l'ainée, endossant après la mort de leur mère, un rôle de substitut maternel.
Les deux soeurs, viscéralement attachées l'une à l'autre, dotées de personnalités dissemblables, empruntent des voies différentes en matière de création artistique, de mode de vie, de relations avec les hommes, de féminité et de féminisme.
Vanessa, introvertie et moins intellectuelle que sa soeur, exprime peu ses émotions.
Elle s'épanouit dans la peinture, la décoration, la sexualité et les relations avec ses enfants. A l'aise dans le concret et le quotidien, elle représente la Déesse mère pour Virginia qui a perdu la sienne à l'âge de 13 ans et qui ne peut avoir d'enfants.
Et pourtant les deux soeurs, qui se sont réparties les rôles, ne sont pas à l'abri de rivalités et de jalousies, sur les plans affectifs, amoureux, et professionnels.
Elles se vouent une passion et une admiration réciproques, mais n'hésitent pas à se comparer, à se rabaisser et à se blesser en mettant le doigt sur les faiblesses et failles respectives.
Ce qui est passionnant dans l'ouvrage, c'est bien sûr l'histoire croisée de ces deux grandes artistes qui sont à l'origine du groupe de Bloomsbury, mais c'est aussi l'influence réciproque qu'
elles ont eue sur le plan artistique, et notamment celle de Vanessa, au travers de ses recherches form
elles en peinture, sur l'écriture de sa soeur.
Jane Dunn nous livre une solide composition, construite et étayée, un peu longue, autour de l'histoire familiale et de la personnalité des soeurs.
Son intérêt est de nous faire partager les vies entrelacées de deux créatrices géniales et industrieuses, deux femmes en quête d'émancipation en ce début de XXème siècle, et de nous faire découvrir l'oeuvre de Vanessa, moins célèbre que Virginia.
Au final, ce livre relate l'histoire émouvante d'un amour fou entre deux soeurs.