Non loin de chez moi se trouve un col au nom très félin, lieu pittoresque où l'on ne croise cependant guère de
chats. Et pourtant, quel hasard de trouver au détour d'un virage, posé sur un muret à l'ombre d'un platane au feuillage coloré, ce livre «
Les Chats de Hasard» qu'une certaine Hélène avait lu. L'histoire ne dit pas si cette «Hélène» déposa elle-même ce livre ici, ou si ce dernier, après quelques voyages dans les mains d'autres lecteurs, atterri en ce lieu. Ce dont je suis sûr, c'est qu'il ne m'a point fallu consulter la quatrième de couverture de ce récit d'
Anny Duperey – dont j'avais apprécié la plume il y a quelques années de cela avec «
Allons voir plus loin, veux-tu ?» - pour l'adopter, le glisser dans ma poche et ainsi pouvoir le lire en toute tranquillité chez moi auprès de mon chat, un «chat de hasard» comme toux ceux que j'ai eu depuis l'âge adulte.
«J'ai pour les animaux un amour raisonnable» écrit
Anny Duperey, artiste complète, actrice bien connue de théâtre et de télévision, qui prend régulièrement la plume pour nous faire part de récits souvent autobiographiques, manipulant également avec talent pinceaux et autres crayons pour croquer des scènes de vie qui illustrent parfois ses écrits comme cela est le cas dans «
Les chats de hasard». Cet «amour raisonnable» dont elle fait mention dans la première ligne de ce récit sera présent tout au long de ses confidences. Un Amour, avec un grand A, pour les animaux en général, mais surtout pour les
chats, ces petits êtres «loyaux et francs», aux ronrons apaisants, simples boules de poils pour beaucoup, mais qui pour d'autres sont bien plus que cela. Les
chats ne sont pas seulement des compagnons de vie pour l'auteure, «née au milieu de treize
chats et qui en avais eu, sans doute dès l'âge du biberon, toujours un ou deux dans son lit», mais ce sont également grâce à eux qu'elle va se rappeler, se souvenir de son enfance «heureuse et insouciante», brusquement interrompue par un drame obscurcissant sa mémoire rayant de celle-ci, beaucoup de choses. «J'ai tout oublié , puisque j'avais tout perdu».
Pendant vingt ans, elle va ainsi laisser derrière elle, «les
chats, ses amis les
chats, très loin, derrière son voile noir». Mais aussi sa famille qu'elle admirait tant enfant, se souvenant d'une «cohésion, d'une manière d'être commune, de cette évidence heureuse d'être de cette famille là». Les rapports entretenus avec sa famille, devenus lointains, sont tout autre que ceux partagés avec les
chats, animaux qu'elle traite d'égal à égal, comme sa grand-mère maternelle, inspirante, le faisait.
Jeune femme, elle va laisser alors rentrer de nouveau les
chats dans sa vie, «renouant avec la présence-chat, oubliée depuis si longtemps», se sentant enfin prête, au moment où elle débute l'écriture de son premier roman. «Quelle douceur d'écrire avec un chat près de soi ! Comme les minutes, les heures, paraissent plus légères, plus vivantes, lorsqu'un discret ronron les accompagne. Ce simple bonheur d'être, qui n'a à compter ni avec l'effort ni avec le temps, vous console de tous les moments à vide, du manque d'inspiration».
Titi, son premier chat de hasard, va entrer dans sa solitude, «ouvrir une brèche dans sa force, commencer à lui marcher sur le coeur avec des pattes de velours» et l'accompagner quelques années durant, suivi par d'autres, compagnons indispensables, éléments essentielles pour
Anny Duperey et la famille qu'elle a fondée.
A travers les lignes des «
Chats de hasard»,
Anny Duperey laisse cheminer sa pensée, lentement, de façon progressive, se dévoilant petit à petit, sans pudeur. Elle nous fait part de ses joies, de ses nombreuses peines, de ses souvenirs que le temps n'a pas effacé, de ceux que les
chats ont, grâce à leur présence, remontés à la surface, de cette recherche de la sérénité et de son travail sur elle-même. Un texte à l'écriture si belle, plein d'émotion et de sensibilité, un texte que l'on n'oublie pas.