Gavarni ne serait pas, en effet , mis à sa véritable place si on s'arrêtait uniquement à la surface de ses dessins; par certains côtés il nous apparaît comme un moraliste, comme un sage; il touche légèrement aux sujets les plus scabreux; il bannit de toutes ses lithographies , avec le même soin, la grossièreté et la banalité; il flétrit le vice en montrant les misères physiques et morales qu'il entraîne; et, à côté d'un talent d'exécution des plus rares, il possède une connaissance du coeur humain et de la société moderne qui assure à ses ouvrages l'estime des gens de goût en même temps que l'attention des philosophes.
Pendant l'année qui suivit ce retour à Paris, Gavarni passa presque tout son temps hors de chez lui. Il renouvelait dans cette ville, dont il rêvait d'être un jour l'historien, les excursions qu'il avait faites naguère dans les montagnes ; il voulait tout voir, tout connaître ; sa curiosité n'était jamais satisfaite. Dans les rues, sur les boulevards, dans les salons ou dans les bals publics, il étudiait en observateur ce qu'il voyait, entassant dans sa tète souvenirs sur souvenirs et se préparant ainsi à remettre sous les yeux de ses contemporains ou à leur révéler un coin de la société parisienne. Il dessinait des costumes; — c'était de ce coté que son talent se dirigea tout d'abord, — il rêvait de donner aux vêtements des hommes et des femmes une forme nouvelle ; les dessins que lui avait commandés Lamésangére l'avaient mis en goût; il continuait dans cette direction les études qu'il avait faites dans les Pyrénées; mais, bien que ces dessins fussent d'une rare élégance, il ne tirait en réalité qu'un bien mince profit de son talent et ne laissait pas, à certains jours, d'être assez inquiet de l'avenir.