Critique difficile pour ce livre de Jacky Durand.
À la fois mitigée et encore un peu chamboulée par l'émotion des dernières pages, mon ressenti n'est pas simple.
Lorsque j'ai vu ce livre, avec sa jolie couverture colorée représentant le dessin d'un papa souriant en train de cuisiner avec son fils tout aussi souriant, j'ai pensé avoir affaire à un livre catégorie "feel-good" avec des petites recettes par-ci par-là, de la bonne humeur, des bonnes nouvelles (ou de fausses mauvaises nouvelles au choix), des personnages gais, bref toute la panoplie.
Bon...Non.
Nous sommes dans les années 70.
Henri, le père, est restaurateur. Un père taiseux, dont le métier et sa passion pour celui-ci lui vaudra le départ d'Hélène. Cette figure paternelle, directive, mystérieuse, imprévisible, passionnée, et dévouée nous accompagne tout au long du roman. On le comprend, on hésite, on souffre avec lui, on se réjouit...et on pleure pour lui.
Cuisiner est son seul bagage, son seul repère. C'est en cuisinant qu'il s'est construit et qu'il a également "façonné" son fils Julien.
Julien, c'est aussi le narrateur du livre qui s'adresse à son père.
Nous suivrons son enfance, troublée par le départ d'une figure maternelle, son adolescence, à la recherche de l'approbation paternelle, ses colères, ses doutes, son cheminement et ses ambivalences constantes entre 2 choix : faires de grandes études ou devenir cuisinier ?
Ce lien père-fils, omniprésent à chaque page, se distend puis se resserre continuellement, apportant sa vague d'émotions tellement personnelles lorsque l'on a eu soi-même un père dur et absent, avec qui l'apaisement d'une vraie relation ne se retrouvera que lorsqu'il est quasiment trop tard.
Ce père, dans le livre, que la vie n'a pas épargné donnera et voudra le meilleur pour son fils, quitte à se sacrifier.
Autour de ce duo gravitent d'autres beaux personnages non moins charismatiques : Lulu, le commis. Loyal, fidèle à son poste et à ses habitudes.
Gaby & Maria, le couple improbable de la guerre. L'équilibre temporaire d'un foyer chaleureux pour notre Julien.
Hélène, la figure maternelle...
Mais que penser de tout cela ?
Ce livre m'a à la fois bouleversée et laissée sur ma faim.
Bouleversée par cette relation, ces émotions. Colère du fils, persuasion du père. Conflit. Souffrance.
Ils s'aiment plus que tout et veulent chacun le meilleur pour l'autre.
Pour autant, tous les liens entre chaque personnage sont forts, puissants même. Ils ne laissent pas indemne. Et c'est très certainement là qu'est la beauté du livre.
Laissée sur ma faim parce que le sujet aurait été la peinture ou l'haltérophilie, j'aurai réagi et aimé de la même manière.
En l'occurrence ici, c'est la cuisine. Une cuisine à l'ancienne, sans poids ni mesures, au charbon et avec des outils faits pour durer. On y retrouve bien des odeurs, des bruits de crépitement, quelques textures, mais rien qui ne m' a vraiment fait saliver ou transcendée. Il m'a clairement manqué quelque chose...Peut-être de l'exaltation pour exacerber un récit si pudique ? Un soupçon de piment qui réhausserait le plat du dimanche ?
C'est donc un petit bémol pour ce point, qui ne m'empêche pas d'avoir été très émue par ce livre qui, de par son récit d'antan et ce fameux lien père-fils m'a étrangement rappelé les émotions ressenties avec du
Pagnol. Merci l'auteur. Vraiment.