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sur 2320 notes
J'ai beaucoup apprécié ce récit,sans doute autobiographique, de Marguerite Duras, dans lequel elle relate les difficultés de sa mère, seule avec deux enfants, pour assurer son avenir dans une Indochine où la corruption sévissait sans merci. Une lutte inégale, où l'on se perd, forcément.
Le barrage contre le Pacifique n'était qu'un mirage, et la famille de l'auteur y a perdu ses illusions sur un monde colonial sans pitié.
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Ce livre écrit dans le style inimitable de Marguerite Duras nous narre les désillusions d'une femme et de ses deux enfants adolescents dans l'Indochine coloniale.
Son combat contre l'administration et la corruption est aussi vain que celui qu'elle mène contre l'océan qui inonde régulièrement les terres qu'elle a achetées dans les zones marécageuses de Ram.
Cette mère est comme contaminée par l'ambiance corrompue et, fascinée par le diamant que porte un jeune planteur indochinois et riche, n'hésite pas à envisager de "vendre" sa fille.
Elle obtient le diamant qui s'avère être déprécié par un crapaud, métaphore de ce pays de cocagne qui ne tient pas ses promesses vis à vis des colonisateurs avides.
Le fils chéri tient un rôle ambigu dans cette histoire de famille tragique qui se termine par la mort de la mère.
Bien que réputé en partie autobiographique, ce roman nous présente la mère comme une personne malade et dérangée, assez éloignée de ce que fut Mme Donnadieu, institutrice à Saïgon et qui créa une Ecole Donnadieu. Lire à ce sujet :
http://www.liberation.fr/livres/1996/03/14/ma-vie-a-saigon-en-pension-chez-la-mere-de-marguerite-durasdu-debut-des-annees-30-a-la-fin-de-la-gue_165936

Il n'en demeure pas moins que "Un Barrage contre le Pacific" est un livre remarquablement écrit dont l'ambiance délétère est prenante.
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La lecture de Marguerite Duras a été un moment fort de la fin de mon adolescence et c'est probablement parce que je l'associe aux émotions et réflexions de cette période que je n'ai plus depuis retrouvé l'élan pour lire cette autrice. Pourtant je n'avais pas lu ses oeuvres majeures, le Barrage et l'Amant, qui me faisaient un peu peur. Je crois même que ma mère me les avait explicitement déconseillés ! Pour des raisons morales plus que littéraires cela va sans dire.

Or je ne suis plus une vierge effarouchée et alors que l'une de mes amies m'a confié il y a quelques jours s'être lancée dans la lecture du Barrage contre le Pacifique, je suis tombée sur un exemplaire de l'édition originale de 1950 dans une boîte à livres ! J'ai décidé que c'était un signe de mon ange gardien bibliothécaire.

Me voilà donc embarquée dans ce roman initiatique autobiographique, qui ne m'a pas du tout remonté le moral, mais beaucoup donné à penser. J'ai retrouvé avec plaisir la plume de Marguerite Duras, à la fois très poétique et triviale, cette ambiance d'attente et d'errance existentielle qui m'avait tant marquée.

Pour ce que j'en ai perçu avec cette lecture, le Barrage est un roman d'initiation placé sous le signe de la prédation.
Prédation sur le corps d'une jeune femme encore vierge et qui se tient sur le seuil d'une existence qu'elle espère nouvelle.
Prédation du système colonial qui réduit à la misère le plus grand nombre au profit de quelques uns.

La structure du roman va révéler les angles morts de cette logique prédatrice, ceux qui tiennent aux choix de ses personnages principaux, Suzanne et Joseph, et à leur dignité personnelle. Leur résistance intime à accepter d'être pour ainsi dire consommés par cette fatalité dévorante, est l'objet même du roman. Cette résistance les place au delà de la morale et de ce qui est attendu d'eux, y compris par leur mère, qui est devenue victime d'avoir cru dans les promesses qui lui avaient été faites, et cherche à les faire valoir coûte que coûte : construisant des barrages contre l'océan.
Suzanne et Joseph ne croient en aucune promesse et aucune morale.

En cela le Barrage m'apparaît comme un roman d'initiation à la fois intime et politique puisque ce qui est vrai du corps vierge de Suzanne, offert en pâture par la misère, l'est aussi de cette plaine boueuse dévorée par le Pacifique, qui dévore elle même ses enfants.
Suzanne éprouve sa liberté de choisir son amant, échappant par sa résistance, voire sa désinvolture, et sa résilience aux marchandages sexuels et matrimoniaux. Dans la plaine l'agonie de la Mère révèle que la terre porte en germe, avec ses enfants morts de misère, la révolte et la haine qui bientôt chassera le colonisateur prédateur et corrompu.

Le Barrage contre le Pacifique est un grand roman qui mérite pleinement sa place dans le panthéon littéraire de son siècle. À voir maintenant ce qu'il en est de L'Amant, publié 35 ans plus tard dans une société qui avait déjà beaucoup changé.
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Roman en partie autobiographique, ce livre fut en lice pour le Goncourt. Certainement politiquement incorrect pour l'époque, Marguerite Duras y dénonce la politique coloniale et la corruption de cette colonie française de l'autre bout du monde, l'Indochine et voit le prix lui passer sous le nez.
L'histoire est celle de ces français arrivés en Indochine à la faveur d'une campagne de recrutement. Ils vont vite découvrir le fonctionnement ultra hiérarchisé de cette colonie où d'un côté se situent les riches planteurs et la bourgeoisie coloniale et de l'autre les indigènes ou les « petits blancs » relégués aux confins des terres cultivables que les fonctionnaires corrompus de cette administration coloniale veulent bien leur attribuer moyennant quelques pots de vin «  un barrage contre le Pacifique c'est encore plus facile à faire tenir qu'à essayer de dénoncer votre ignominie. »

Au milieu de ce décor, nous avons la mère, veuve qui depuis le décès de son mari se démène pour vivre dignement avec ses deux enfants, Joseph l'aîné et Suzanne sa cadette. La mère a économisé pour acheter des terres cultivables qui se révéleront à l'origine de ses malheurs. Elle va lutter contre la nature (ses fameux barrages contre le Pacifique pour empêcher que l'eau salée ne vienne noyer et asphyxier ces terres définitivement incultivables « ce désert de sel et d'eau »), contre le pouvoir colonial qui abuse de son pouvoir, intimide et rackette et contre ses propres enfants qui rêvent d'ailleurs en trouvant l'amour. Joseph est écartelé entre cette mère à qui il voue un amour infaillible et cet envie d'ailleurs qu'il pressent meilleur. Seule Suzanne semble être la seule qui puisse sauver de la misère cette famille en prenant dans les filets (chastes) de ses charmes un homme susceptible d'être ensuite mis à contribution.

Au delà de l'affaire familiale et des beaux profils psychologiques qui sont dressés, il est un sujet qui m'a particulièrement touché : la description des conditions de vie des indochinois et des enfants en particulier, qui sous la plume et l'histoire personnelle de cette grande autrice revêt une dimension toute particulière « Ils arrivaient chaque années, par marée régulière, où si l'on veut, par récolte ou floraison. » A vivre dans la boue chaude et pestilentielle de la plaine, dans laquelle leur petits corps sans vie étaient enfouis, à défaut d'une sépulture digne de ce nom.

Ce fut un véritable plaisir de retrouver la plume délicate et intelligente de Marguerite Duras dans ce roman intime et engagé !
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Indochine. 1931. Une plaine proche de Ram. Un cheval mourant. Une femme veuve « La mère », et ses deux « grands » enfants Joseph et Suzanne. Un bungalow. C'est comme cela que débute ce roman largement inspiré de la vie de Marguerite Duras. J'avoue avec honte que c'est le premier livre de Duras que je lis, il faut bien commencer un jour, et plus que l'Amant, c'était celui-ci qui me tentait. Une histoire vécue, sur fond de période colonialiste. C'est un très beau roman que j'ai dévoré en quelques jours. Il y a du Steinbeck dans la plume de Marguerite Duras, et je lis quelque part qu'elle l'appréciait, comme quoi… Même si le colonialisme est perçu ici du côté des européens qui vivaient parmi les « indigènes », et donc plutôt mieux lotis que ces indigènes eux-mêmes, réduits à l'esclavage, j'ai partagé avec l'auteure cette profonde injustice ressentie par cette femme, sa mère en réalité. En lisant ce livre, on suit ses démêlés avec les agents cadastraux, les imaginant vêtus de blanc et la tête arborant le casque colonial. Les descriptions de ces tenues de « blanc » sont des pépites littéraires « Aussi les blancs se découvraient-ils du jour au lendemain plus blancs que jamais, baignés, neufs, siestant à l'ombre de leurs villas, grands fauves à la robe fragile. » Par chance, Arte a diffusé cette semaine le film, que je n'ai pas vu, mais le documentaire sur ce roman, complétant ma lecture. C'est un véritable coup de coeur pour moi, je continue de rattraper mes retards de lecture des classiques.
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La mère agissait toujours ainsi, elle croyait et obéissait à des pulsions qui lui apparaissaient comme évidentes. Des centaines d'hectares de rizières seraient soustraits aux marées avec la construction d'un barrage. Elle était tellement sûre d'elle-même qu'elle s'était mise dans l'idée de le réaliser. Mais ça n'a pas fonctionné. La vie en Indochine est très difficile pour la mère de Suzanne dans le livre qui n'est autre que la mère de l'auteure. Marguerite Duras fait renaître ses souvenirs à travers l'évocation de sa jeunesse dans l'Indochine coloniale, ce monde disparu où sa mère maintenait des rites surannés d'une région idéalisée. On est au plus près du Vietnam décapé de tous les clichés, l'histoire de sa famille s'enchevêtre avec celle de M. Jo, le fils unique d'un très riche spéculateur chinois dont la fortune était un modèle de fortune coloniale. Au fil des paragraphes on voit défiler des rêves impossibles, de la résignation apathique, de la violence sourde et enfin le simulacre d'un avenir meilleur pour les petits blancs et pour les enfants du pays qui meurent trop tôt dans une terre boueuse allouée par des agents cadastraux fortunés. C'est un récit violent, bouleversant, mêlé à une terre ingrate, l'Indochine scintille malgré tout de mille feux. Marguerite Duras à travers ces couleurs charrie des mots, des images ainsi que des phrases sinueuses, violentes et sensuelles pour décrire ce funeste paradis qui était le sien. Ce récit nous met face à des représentations que l'on se fait de l'autre dont nous n'avons pas forcément conscience. Il nous rappelle que nous rêvons les cultures qui ne sont pas les nôtres que ce soit avec passion, amour, lassitude ou obstination, comme des fantasmes qui sont à la fois ce qui nous fait rencontrer l'autre ou ce qui nous en éloigne. Très belle rencontre avec l'écriture de Marguerite Duras.
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Le style Duras, on aime ou on n'aime pas. Et pour mon premier roman de cette grande écrivaine, je n'ai pas été décue. Il faut dire que je l'ai lu pendant mes vacances au Vietnam, chose que je recommande à tout voyageur : si vous passez pas l'ex-Indochine, emportez un Duras dans votre valise, ca met dans l'ambiance et c'est superbe.
Le style est simple et porte les traces de la langue cambodgienne si je ne m'abuse, les fulgurances d'écrivain sont saisissantes, notamment la description de la ville coloniale et des enfants de la plaine. Un barrage contre le Pacifique est une véritable attaque contre l'administration coloniale, impitoyable et corrompue, mais aussi un cri d'amour pour "la mére", cet être quasi mystique à la fois craint et aimé.
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« La mère » était institutrice dans le nord de la France, elle est partie s'installer avec son mari et ses deux enfants, Joseph et Suzanne, en Indochine, vraisemblablement après la fin de la première guerre mondiale. Quand son mari est mort, elle a pendant plus dix ans, donné des cours de piano, amassant un petit pécule pour tenter de récupérer la concession de cinq hectares de terre dans la plaine marécageuse de Kam, sur le littoral cambodgien. Elle a l'obsession de laisser des biens à ses enfants. Entreprenante et audacieuse, elle fait construire en le finançant un barrage contre le Pacifique pour protéger les cultures puis quand l'opération échoue, elle survit, dans la dépression. Ses deux enfants n'ont qu'une ambition, quitter ce trou et rejoindre la grande ville.
L'essentiel de l'action se déroule en 1931 quand le fils aîné, le beau et farouche Joseph, à 20 ans, s'émancipe, se lie à une femme aisée et part avec elle. Suzanne, plus jeune, fascinée par son frère, va en faire autant.
Il a été dit que Marguerite Duras avait mis beaucoup de sa propre vie dans ce roman et on le croît tant ce récit paraît authentique. On sent que les faits ont bien existé, on comprend bien comment les petits colons étaient asservis par la bureaucratie et la corruption des politiciens et des fonctionnaires coloniaux et l'on perçoit la misère absolue dans laquelle vivaient les populations locales, comment leurs enfants naissaient et mouraient comme des pauvres bêtes.
On perçoit bien aussi le signal de révolte et le message politique que Marguerite Duras envoie à la fin de son livre.
Au-delà du fond, passionnant de cette puissante histoire, l'on est subjugué par le style de Duras et par sa capacité à faire baigner son texte dans la sensualité, dans le charnel, qu'il s'agisse de l'intensité érotique de rencontres, de la perdition dans l'alcool, de la souffrance mentale et physique.
Je considère ce livre comme un chef d'oeuvre.
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Un livre très bien écrit, un livre qui dérange et qui m'a fait mal au ventre, les personnages sont terribles et avancent dans la vie en restant tellement englués... Pauvreté, colonisation, folie, famille... le rythme est lent, c'est ce qui me fait dire que le texte a un peu vieilli.
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Après L'Amant, Un barrage contre le Pacifique est sans doute le roman le plus connu de Duras. Sa forme m'a toutefois semblé assez peu durassienne, malgré une intrigue d'inspiration autobiographique et des thèmes récurrents chez l'autrice (dont les relations filiales et fraternelles, fusionnelles). Un style plus réaliste, moins brumeux. Plus de mots, moins de silences. N'empêche, cette écriture demeure très moderne et je l'ai beaucoup aimée.

Indochine française. Années 1930. Une femme assez âgée, veuve, et ses enfants, un fils de 20 ans et une fille de 16 ans, vivent sur une concession isolée, une terre cultivable sur papier et selon l'administration coloniale corrompue, mais dans les faits ravagée annuellement par les marées.

J'ai particulièrement aimé le développement psychologique des personnages, complexes et ambivalents. La mère est une femme fière, une battante, mais son obstination impose à ses enfants une vie austère et recluse qu'ils n'ont pas choisie. le fils est un jeune homme fruste, violent à ses heures (comme sa mère d'ailleurs), mais le long passage dans lequel il raconte à sa soeur sa rencontre amoureuse avec une femme mariée est le plus beau et le plus prenant, à mon avis. Quant à la fille, alter ego de Duras, son insolence agit comme une arme dans ce milieu hostile. Et que dire du contexte colonial ? La misère de cette famille reste toute relative quand Duras décrit crûment les conditions de vie inhumaines de la population indigène.

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