Un barrage contre le Pacifique n'a rien d'un voyage d'agrément.
Marguerite DURAS nous plonge dans le quotidien des colons d'Indochine, une réalité sans faux-semblants, dure, cruelle.
Ce roman, c'est avant tout l'histoire d'un trio : Suzanne d'abord, ce chat sauvage, félin, gracile, la Mère ensuite, un buffle des rizières, ruminant et obstiné et Joseph, la panthèr magnétique et redoutable.
C'est une histoire triste, comme il en est arrivé à tant d'autres avant eux. Loin des clichés idéalisés des métropolitains sur la colonisation. Celle d'une famille qui, poussé par la nécessité, quitte la métropole et décide de placer toutes ses économies dans une parcelle cadastrale pour y cultiver des fruits. Hélas, la Mère, flouée par l'administration coloniale s'est vu attribuée un terrain incultivable. Sa rancoeur, sa haine et son malheur la détruisent et rejaillissent sur ses enfants qui assistent à son naufrage, prisonniers de cette pauvreté imposée.
Nous suivons ainsi un chemin de vie de cette drôle de famille, ou passeront toute une ribambelle de personnages atypiques : Mr. Jo, Carmen, Lina, Agostini. Même si la lecture fut rude, surtout dans sa première partie, j'en garde une impression très forte. La justesse des sentiments qui unit les membres de cette famille pourtant si differents les uns des autres est troublant de vérité. le travail sociologique fournit par l'auteur est également passionnant, notamment sur la vie des indigènes.
Enfin je garderai un souvenir profond de Joseph, ce Dieu vivant dans les yeux de sa soeur, cet être magnétique dont l'aura a su traverser les pages de papier pour me donner l'envie de poursuivre ma lecture.