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sur 2301 notes
Marguerite Duras nous livre ici ses souvenirs d'adolescence indochinoise d'avant guerre (période 1920-1930) au moment même où la France est engagée dans la guerre d'Indochine. C'est donc probablement avec une certaine douleur que ces lignes furent écrites, d'autant plus que son histoire personnelle n'est pas elle-même, dénuée de douleur.
Elle nous conte, de façon un peu romancée, le calvaire de sa mère, institutrice pauvre ayant perdu son mari et s'étant fait berner par l'administration coloniale dans l'achat d'un terrain complètement inexploitable car inondé par les eaux salées de la mer de Chine en période de mousson. Laquelle mer de Chine est dénommée Pacifique par la mère, comme si seul un ennemi de cette taille avait le droit de lui causer des misères, et contre les furies duquel elle va s'échiner à tenter de construire une digue pour protéger les terres du sel dévastateur et ainsi les rendre exploitables.
L'aventure tournera au fiasco et la mère y laissera jusqu'à son dernier sou, plongeant la famille dans une misère noire. Joseph, le frère aîné de la narratrice, garde rancune de ce mauvais coup du sort et cultive une sorte de misanthropie bourrue d'homme des bois qui a quelque chose de touchant.
Aussi, la jeune Marguerite va-t-elle être convoitée par un fils de famille richissime, un chinois, inversant ainsi le rapport ordinaire entre blancs et asiatiques. Une relation très ambiguë va naître, soutenue par l'argent, où la jeune héroïne sera tiraillée entre les désirs avides de sa famille néanmoins pondérés par leurs accusations de prostitution. Un amour impossible d'un côté comme de l'autre (le père fortuné menace de déshériter son fils s'il se compromet avec la française), et plus largement une vie impossible, sans espoir autre que l'exil, à savoir le retour en France.
Un très bon livre, peut-être pas le plus grand chef-d'oeuvre de tous les temps, mais une vision poignante à 99% autobiographique. J'en retiendrais surtout les personnages ambigus qu'on ne sait trop si l'on doit aimer ou détester, à savoir le frère et la mère. L'histoire de l'héroïne m'a moins transporté. Marguerite Duras est revenue trente-cinq ans après la publication de ce roman sur cette période et y a apporté des précisions et des modifications dans L'amant.
D'une façon générale ce livre vaut surtout, à mon sens, pour ses personnages et sujets secondaires, comme par exemple la critique de l'administration coloniale, mais comme toujours, ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, une goutte d'eau dans le Pacifique.
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Un barrage contre le Pacifique, sans être une autobiographie, a été inspiré à Marguerite Duras par son adolescence en Indochine.

Après avoir économisé pendant de longues années, une veuve achète une concession dans le sud de l'Indochine. Mais les terres se révèlent incultivables car inondées régulièrement par le Pacifique. La seule solution est de construire des barrages. Malheureusement, comme ils s'avèrent insuffisants face aux assauts de l'océan, la vie de la femme, avec deux adolescents à sa charge et la pression d'une administration corrompue, devient une survie. Pour s'en sortir, il y a bien ce jeune chinois qui tourne autour de sa fille, mais quand le riche père de celui-ci refuse l'idée d'un mariage, devant tant d'infortune, la folie n'est plus loin.

Marguerite Duras dépeint une vie dans les colonies qui va à l'encontre de l'idée que l'on s'en fait habituellement. En Indochine, les maîtres sont les locaux fortunés et non les colons grugés, harcelés et ruinés par l'administration coloniale, qui ne leur laisse d'autre choix qu'un retour en France. Bien que décrit avec beaucoup de froideur, on ne peut qu'être touché par le sort de ces gens qui ont tout perdu, alors qu'ils espéraient dans un exil salutaire. Mais ce pays et cette adversité ont forgé des personnalités fortes. Il suffit pour s'en convaincre de voir le parcours exceptionnel et le talent de celle qui nous raconte son histoire dans Un barrage contre le Pacifique.
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Vivre sa vie en aventurière,
n'avoir pas froid aux yeux !

C'est ainsi que je vois Marguerite Duras. Partager sa vie entre l'Indochine coloniale et la métropole. Avoir mené de front des études de droit et de mathématiques. A une époque prude, avoir une vie sentimentale turbulente, et ce dès le plus jeune âge. Être résistante tout en travaillant pour les allemands. Rejoindre le PCF et s'en faire éjecter pour fréquentation de boîtes de nuit et moeurs dites bourgeoises. Passer les dernières décennies de sa vie sous l'emprise de l'alcool et continuer à écrire malgré les problèmes de santé. Marguerite Duras se foutait des frontières comme des limites.

Le Barrage contre le Pacifique est un récit qui contient des éléments autobiographiques, oui, mais c'est une oeuvre de fiction, non une biographie.
S'il aborde des thèmes tels que le colonialisme, le racisme,les inégalités, l'érotisme ou le sort de la femme, ce n'est pas non plus un roman à thèses.
C'est un livre ou la romancière mêle des éléments de son passé à bien
d'autres sources d'inspiration pour en faire une oeuvre de fiction. C'est peut-être aussi sa façon de traiter le problème de ces limites qu'elle a si joyeusement enjambées.

Car des limites, il en est question. Il y a d'abord ce barrage, que la mère a essayé de construire pour sauver les terres arables d'une vallée d'inondations d'eau salée. Femme de peu d'imagination, impulsive, ne prenant pas la peine de se documenter sérieusement sur ce qu'elle entreprend, elle y laisse ses économies, sa santé et son courage. Sa vie se casse sur un projet impossible. L'obstacle était frontière, une frontière infranchissable. Envers ses enfants, cette même mère était dominante, exigeante voir tyrannique. Elle leur faisait obstacle, était cette frontière qu'ils apprendront à franchir au fur et à mesure de son déclin. Pour franchir des obstacles, pour dépasser les limites, Il faut avoir du courage, oser, mais aussi avoir de l'imagination et de la chance. Marguerite, cette acrobate de la vie, avait tout cela en abondance. A-t-elle trouvé ce qu'elle cherchait ? Si oui, cela l'a-t-il comblée ? Comment savoir… ?



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Ma première lecture de Marguerite Duras remonte à presque vingt ans. J'avais lu L'Amant suite à l'étude d'un extrait pour le bac ( j'étais même tombée dessus à l'oral). le souvenir que j'en garde se limite à des impressions dues au cadre de l'intrigue, l'Asie coloniale, la chaleur, l'atmosphère lourde, quelques visions de persiennes laissant filtrer les rayons du soleil et les clameurs de la rue mais aussi et surtout un profond ennui.
A l'occasion du centenaire Marguerite Duras, j'ai lu Un barrage contre le Pacifique et j'ai bien cru que j'en retirerai la même chose. D'une manière générale, j'ai trouvé ma lecture assez difficile, surtout au tout début. Il m'a fallu près de la moitié du roman pour me plonger dedans et m'adapter au style. J'étais assez perplexe, j'avais l'impression de lire un livre écrit à deux mains. Des passages au style pauvre et maladroit alternant avec des envolées de toute beauté. Les personnages sont au premier abord assez antipathiques et pas du tout attachants. Leur vulgarité et leur vénalité m'ont choquée presque plus que leur misérable condition et leur malchance.

La première moitié du roman se consacre principalement à mettre en place les personnages et leur situation : une femme ayant perdu très tôt son mari doit se débrouiller pour pourvoir à ses besoins et ceux de ses enfants. D'abord institutrice à sa venue en Indochine, elle a du trouver d'autres postes pour nourrir les siens et se constituer un petit capital. Ce capital, représentant une bonne dizaine d'années d'économies, elle décide de l'investir dans une concession qu'elle s'engage à mettre en valeur et à cultiver. Malheureusement, son terrain est régulièrement recouvert par de hautes marées rendant toute culture impossible. Sa mésaventure ne semble pas être un cas isolé mais plutôt une arnaque bien rôdée profitant aux agents du cadastre et à l'administration coloniale. La mère et ses enfants tentent de survivre comme ils peuvent et attendent.
Ce roman est celui de l'espoir et de l'attente, l'attente de l'événement qui viendra changer leur condition, le miracle qui leur permettra de partir et de vivre enfin. La mère se démène et s'entête : la construction des barrages, ses entreprises pour caser sa fille, toutes ses tentatives se soldent par des échecs. Mais elle persiste jusqu'à s'en rendre malade et son impuissance la mène jusqu'aux portes de la folie.
L'ennui que l'on peut ressentir à la lecture de cette première partie reflète celui de cette famille qui voit les jours passer dans cette même et pénible attente, dans la lenteur du temps qui s'écoule quotidiennement tantôt à l'ombre du bungalow, tantôt sous la chaleur écrasante du bord de piste.

Tous les détails relatifs à la vie dans la colonie sont passionnants. Marguerite Duras brosse un portrait de l'Indochine coloniale bien loin de toute vision idyllique : la corruption des fonctionnaires coloniaux, la misère des petits colons, celle des indigènes, la ségrégation géographique des villes coloniales. Elle se livre à une véritable étude sociologique de la population coloniale, des habitants permanents, des agents de passages, les colons qui ont su profiter de la manne coloniale : plantations de latex, de riz, marchands de textiles, diamantaires, ceux qui sont contraints au trafic pour survivre : contrebande d'alcool, trafic de l'opium … A travers le personnage du caporal, les indigènes ne sont pas oubliés : la faim, la prostitution, la forte mortalité des enfants, les maladies sont autant de calamités que les colons ne cherchent même pas à enrayer.

Je disais donc que j'avais eu des difficultés à prendre les personnages en sympathie. Hormis la mère, qui ne peut que susciter la compassion par sa force, son courage et son espoir obstiné, j'ai trouvé Suzanne, sa fille, et Joseph, son fils, effroyablement égoïstes, vulgaires et comme le dit également M.Jo : immoraux. Ils semblent se moquer des efforts de leur mère et ne cherchent leur salut que par la fuite. Joseph attend qu'une femme et l'amour l'emmènent loin de cette vie dont il ne veut plus. Suzanne attend patiemment le long de la route qu'une des rares voitures s'arrête pour s'enfuir à son bord. Elle refusera deux bons partis auxquels elle ne s'intéressera que par intérêt et pour réconforter sa mère.
Malgré tout, peut-on les blâmer au vu des conditions de vie qui sont les leurs ? Au fur et à mesure qu'on avance dans le roman, on finit par les comprendre et on se laisse attendrir. La plume de Marguerite Duras se fait plus assurée, plus constante, plus incisive et rageuse. La lettre de la mère aux agents du cadastre est un véritable bijou, un cri de colère délectable. La longueur des chapitres s'adapte au rythme des évènements et on ressent bien cette accélération dans la deuxième moitié du roman.

Le titre même du roman souligne le côté dérisoire de la situation : un seul petit barrage contre la force des flots d'un océan, reflet des efforts désespérés de la mère et qui semblent si insignifiants face aux obstacles de la vie : le pouvoir, les autorités, les éléments naturels, la société, la quête du bonheur, le dénuement matériel.

Au final, Un barrage contre le Pacifique est un roman qui déroute et qui nécessite, tout comme la mère, de la patience et de l'obstination pour découvrir derrière une façade d'ennui et de simplicité, un récit engagé dont l'inspiration autobiographique renforce la puissance et le tragique.


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Un barrage contre le Pacifique, c'est l'histoire d'un vain travail herculéen, d'un châtiment digne de Sisyphe, le prix à payer pour un trop-plein de rêves et d'espoirs, pour un trop-peu d'argent qui, bien placé, aurait permis la fortune. C'est l'histoire d'une obstination et d'une défaite, celle de la mère, ancienne institutrice du nord de la France, attirée par les sirènes exotiques de la colonisation, qui tente avec son mari l'aventure indochinoise dans les années 20-30. Quinze ans d'économies investies dans l'acquisition d'une concession au bord de la mer de Chine. Investis, engloutis et perdus à jamais, car faute de pot-de-vin, l'administration leur a octroyé une parcelle stérile, noyée par l'eau salée à chaque mousson. Bientôt le mari meurt, laissant la mère seule au monde avec deux grands adolescents, Joseph et Suzanne.

Le récit commence peu après la tentative insensée (et avortée) de la mère de construire une digue pour protéger son lopin de la montée des eaux. La famille est désormais dans une misère noire, suant la rancoeur et le découragement dans cette ambiance suffocante infestée de moustiques. Il n'y a rien à faire, sauf attendre, le passage d'une belle femme dans sa belle auto, par hasard sur la piste déserte, qui emmènerait Joseph très loin, ou celui d'un homme riche, par hasard, qui voudrait épouser Suzanne. L'espoir renaît quand un jeune homme de bonne famille convoite Suzanne, mais on comprend bien vite que pour la jeune femme il ne sera pas question de sentiments, uniquement d'argent (qui a dit qu'il ne faisait pas le bonheur?), même s'il lui reste un peu de moralité qui la retient de se vendre totalement à lui.

Il ne se passe pas grand-chose dans ce roman (largement inspiré de l'histoire familiale de Duras) et on finit par ressentir ce qu'éprouvent les personnages : un mélange d'étouffement, d'agacement, d'apathie et d'impatience que quelque chose change. Peu de péripéties et beaucoup d'attente, ce qui n'empêche pas le texte d'être riche et complexe. Les thèmes sont nombreux : la corruption jusqu'à la moelle de l'administration coloniale ("un barrage contre le Pacifique c'est encore plus facile à faire tenir qu'à essayer de dénoncer votre ignominie"), la misère des colonisés et celle des colons trop pauvres ou pas assez audacieux pour se lancer dans la contrebande, l'injustice, les illusions perdues, le désespoir qui mène au bord de la folie ("Elle avait aimé démesurément la vie et c'était son espérance infatigable, incurable, qui en avait fait ce qu'elle était devenue, une désespérée de l'espoir même"). Une histoire d'envies d'ailleurs (la mère quittant la France, les jeunes rêvant de quitter la concession) et d'émancipation : il y a une sorte de fusion entre la mère et ses enfants, entre le frère et la soeur, telle qu'on se demande si, quand, comment ils vont devenir adultes, ou pas.

L'écriture est simple, fluide, et si les personnages n'ont rien de sympathique, on en vient à avoir pitié d'eux. Il n'est pas anodin que "la mère" n'ait pas de prénom, comme si le malheur et l'administration l'avaient déshumanisée. Alors c'est peut-être là que subsiste un brin d'espoir dans ce roman sombre, violent et désespérant : dans le fait que ses enfants aient un prénom.
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Voilà qui risque de remettre en question notre vision exotique de la colonisation. Ce récit, d'une grande justesse, nous transporte au fond de l'abîme colonial. Là où les blancs sont traités aussi misérablement que les "indigènes", où l'administration broie avec froideur et avidité des vies entières, Marguerite Duras nous fait traverser une frontière insoupçonnée, marquée de sang et de sueur, celle perdue dans les fameuses concessions coloniales, machines à fric incultivables qui fait le bonheur des plus riches.

L'atmosphère, constamment tendue, explore avec sécheresse et froideur les relations ambivalentes entre les êtres humains revenus à une vie quasi-primitive où le lien social, ne tenant qu'à un fil, fait osciller le malheureux entre son statut d'homme et celui d'animal. Les sentiments et les émotions n'ont pas leur place dans ces sociétés où la survie occupe la tête de la pyramide des besoins. Les personnages sont dénués d'humanité, à l'image de cette mère dévastatrice, de ce frère sauvage, de ce M. Jo anihilé ou de cet Agosti trompeur...

En toile de fond de cette Indochine rêvée, un questionnement existentiel sur le sens de la vie laisse entrevoir une pensée presque marxiste, crachant sur un capitalisme écoeurant. Une réflexion sur l'évolution, lente et invisible de l'espèce humaine et sur la liberté de l'être humain saisit le lecteur incrédule. Celle qui n'a pas de nom (la "mère"), être informe qui, avec son prénom, semble avoir perdu toute forme d'humanité, la "mère", étrange matrice stérile dont ne sortent plus que l'injure et l'entêtement, va laisser place à une génération nouvelle, plus forte et plus vivace, prête à reconstruire une réalité nouvelle à la lueur des erreur commises.

Du Marguerite Duras splendide, choquant, intrigant.
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Après ma grande déception ressentie à la lecture de la pluie d'été, une de ses dernières oeuvres, je reprends mon voyage dans l'oeuvre de Marguerite Duras, par Un barrage contre le Pacifique, un de ses premiers romans dans lequel sa manière d'écrire commence à s'affirmer. Même si, à mon avis, il n'est pas au niveau de la beauté du style de L'amant, Moderato cantabile, et le ravissement de Lol V. Stein, mon préféré à ce jour, j'ai été très touché par la beauté de ce récit fait de tristesse, de désespoir, de brutalité et de tendresse.

L'histoire se passe en Indochine, alors française, dans les années 1930, avec une part autobiographique.
Elle met en action un triangle fait de celle que l'auteure appellera toujours « la mère », sans lui donner nom ou prénom, et de ses deux enfants, Joseph et Suzanne.
Autour de ce triangle douloureux et tendre, gravitent des personnages admirablement décrits, parmi lesquels le Caporal, un autochtone au service de la mère, Carmen, la belle tenancière d'un hôtel de la ville voisine, ou encore Monsieur Jo, un jeune chinois très riche et très laid.
Et puis il y a la vie de l'Indochine, faite de la misère des paysans et de la mort de leurs enfants, de la corruption ignoble de l'administration coloniale, et de la richesse de quelques privilégiés.

La mère, dont le mari est mort peu de temps après l'arrivée en Indochine, et qui a dû élever seule ses deux enfants, s'est fait flouer par l'administration coloniale, lorsqu'elle a voulu utiliser toutes ses économies pour se faire un patrimoine, en achetant des terres qui se révéleront malheureusement incultivables (ce que l'administration sait pertinemment), car recouvertes chaque année par les eaux du Pacifique. Elle a mis toute son énergie, avec l'aide des paysans qu'elle a mobilisés, pour créer un barrage qui n'a pas tenu car les crabes l'ont rapidement grignoté. Depuis, elle ne fait qu'écrire à l'administration sans avoir de réponse.
La mère, un personnage sans cesse en action, obstiné jusqu'à la folie, qui calme ses douleurs par une prise abusive de médicaments, une femme à la fois brutale et tendre avec ses enfants.
Joseph, le grand fils de vingt ans, qui a pris ses distances à l'égard de la mère,qui est très protecteur de sa jeune soeur Suzanne, qui vit un peu comme un sauvage, de chasse et de pêche, et qui découvrira l'amour fou dans la ville de Ram en la personne d'une belle femme mariée.
Suzanne, l'adolescente rêveuse, qui attend souvent sur un pont qu'un homme s'arrête et l'emmène au loin, qui sera courtisée par un certain Monsieur Jo, un jeune chinois très riche, mais laid, qui la couvrira de cadeaux, jusqu'à une belle bague de diamants, mais auquel Suzanne se refusera toujours, l'autorisant seulement à ce qu'il puisse la voir nue dans sa salle de bain (allusion biblique à Suzanne au bain?); Suzanne qui découvrira le plaisir sexuel avec un voisin coureur de femmes, Agosti, mais pas l'amour.

L'histoire, que je ne dévoile pas ici, est parfaitement construite, passant de la vie dans la concession et de la parade amoureuse de Monsieur Jo, à un séjour dans la grande ville où la mère tente de vendre une bague de diamants, puis à un retour douloureux dans la concession.

Il y a une description magnifique de l'ambiance des lieux, d'un côté celle de la ville avec tous ses attraits, ses beaux quartiers, ses cinémas qui sont une révélation pour Suzanne, ses riches qui se noient dans l'alcool et l'opium, et de l'autre celle de la campagne avec la misère des paysans, leurs enfants qui meurent par centaines de dénutrition et d'infections.

Il y a enfin le style de la narration, dans laquelle apparaît cette façon de répéter des thèmes comme des leitmotivs, et, un peu, cette façon de dire sans vraiment dire qui fera toute la beauté de l'écriture des chefs-d'oeuvre de Duras.

En conclusion, un très beau roman, certes chargé de misère et de désespoir, mais aussi de tendresse et d'amour.
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Le 2e best-seller de Marguerite Duras qui nous fait voyager dans son propre passé, nous montrant la dureté et la bestialité de la vie à la campagne (me rappelant certains romans naturalistes comme "La Terre" de Zola), les abus et limites de la colonisation, la corruption des fonctionnaires (encore bien réelle hélas aujourd'hui au Cambodge !), les espoirs et ambitions déchues, l'insatisfaction permanente, la course et la folie de l'argent et de la possession, la folie tout court.
Le superbe film avec Isabelle Huppert et Gaspard Ulliel repasse sur Arte le 07/10/20 !
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Un barrage contre le pacifique, un livre dur et froid mais très intéressant. La cruauté, c'est le mot pour décrire ce que subissent les colons les plus pauvres et les autochtones de la part du gouvernement colonial. Ce roman fait émerger une partie de l'histoire souvent oubliée et montre une image très salée de la colonisation. Dans cette oeuvre, nous suivons une famille qui subit de plein fouet ce manque d'humanité de la part des autorités. Séduits par les louanges faites par le gouvernement pour pousser les gens à tenter l'aventure coloniale, cette famille décide de quitter la métropole afin de vivre dans le pacifique. A leur arrivée, ils se heurtent à un certain nombre d'événements désastreux et de difficultés, notamment l'exploitation d'un terrain incultivable et infertile. La montée féroce des eaux du pacifique qui rend les terrains des hameaux de ce coin perdu totalement à la merci du sel. Mais, le gouvernement n'en a que faire, il trompe les gens et les piège dans sa toile ou plutôt dans sa vague...

Ce livre m'a vraiment touché même si sa lecture en fut difficile car la tristesse et le désespoir dans lesquels se trouvaient les protagonistes durant cette période sombre ont été retranscrit avec beaucoup de justesse par l'auteur.

De plus, c'est une histoire qu'il me semble importante de lire si l'on veut comprendre cette période de l'histoire et à travers elle, rappeler le fonctionnement d'un système colonial brutal, y compris avec son propre peuple mais elle l'est aussi pour sa description presque parfaite de la misère d'une manière générale. Marguerite Duras fut pour moi une belle découverte, tardive mais essentielle.
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Quel regard doit on porter sur ce roman publié en 1950 et premier grand succès de Marguerite Duras.
Est-ce à lire comme une autobiographie déguisée? Suzanne, 16 ans, semble être le portrait craché de Marguerite. Avec sa mère et son frère Joseph ne forment ils pas le trio familial Marguerite, Paul et leur mère au fin fond de l'Indochine, vivant comme eux dans une situation très précaire .
Est-ce à lire comme un pamphlet s'insurgeant contre la politique colonialiste française et tous ses fonctionnaires ? Ce roman, à travers l'histoire d'une famille européenne démunie, ne dénonce t'il pas la malhonnêteté des promesses de la société coloniale, en représentant finement la hiérarchie stricte de rapports sociaux figés, dans lesquels les personnages sont enfermés quelle que soit leur volonté d'en sortir?Le barrage contre le Pacifique, impuissant pour contenir l'eau salée venue de la mer, symbolise la vanité des efforts des personnages pour sortir de leur condition.
J'imagine sans peine que la publication d'un tel roman en pleine guerre d'Indochine a du alimenter les conversations, faire resurgir les griefs à l'encontre de Marguerite Duras, une femme intrépide, très engagée politiquement , parfois pas exactement là où on l'attendait ..
Les années ont passé, l'eau a coulé sous les ponts, et Marguerite Duras est devenue une icône de la littérature française.
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