« Dunoyer de Praznaasa » ou « Guigon de Repeynac » : Paul ou William : de livre en livre les noms farfelus changent, le héros de l'histoire reste. Ici, donc, ce sera Paul, fils d'un aristocrate déchu, falot et finalement décédé après avoir quitté sa terrible épouse. Et fils aussi donc de cette grande bourgeoise nommé Suzanne Verbois, déjà bien repérée pour sa dinguerie, ses rêves de grandeur et son incapacité à manifester son amour à ses dix enfants, et morte elle aussi, à trois semaines de son ex mari.
Trente ans après le début de cette saga familiale, l'auteur-narrateur, sous le nom de Paul, réunit ses frères et soeurs, à l'exception du trop vindicatif Frédéric, pour une journée à la campagne, au pied du mont Gardel (inventé apparemment mais que je verrais bien vers la Montagne Sainte Victoire!). Dans une superbe villa Art nouveau.
Retrouvailles, explication de malentendus, tentatives de réconciliation, bonne humeur obligatoire, plaisir, partagé ou non, de retrouver les cousins germains excommuniés par les condamnations de leurs parents ? Un peu de tout cela, pas trop de vinaigre, une bonne part de bonne volonté peut-être. Un Dimanche à la campagne sans la poésie....
« Je suis moi-même la matière de mon livre » disait le plus grand de nos auteurs (enfin, c'est mon avis) sauf que lui, la matière dont il était composé était riche à l'infini, d'une profondeur et d'une universalité à en nourrir des lecteurs pour plusieurs siècles.
Ici, la matière dont est composé
Lionel Duroy me semble un farci maintes fois resservi, avec quelques variations d'assaisonnement mais sans évolution significative ni vraiment intéressante. Certes, le ton est plaisant, la plume fine et la phrase bien tournée. Est-ce suffisant ?
A mon avis non. Cette façon de délayer à l'infini les souvenirs d'enfance, même en changeant de point de vue, semble une régurgitation interminable et sans issue. Dans ma chronique sur «
Le chagrin », je me souviens avoir souhaité à cet auteur de trouver un peu de joie dans la suite de son histoire. Aujourd'hui, le voyant ainsi ressasser sans écrire autre chose, je me demande s'il en est capable.
Et je dois reconnaître que certaines phrases m'insupportent particulièrement, telle celle où il affirme que sa mère n'a pas survécu à l'environnement gris d'une banlieue sans âme, et que, paraît-il, pour soigner la tristesse et la dépression, il faut un environnement beau et chic ! D'où les domiciles au Trocadéro, dans l'Ile Saint Louis, à Neuilly, au château de Cestas ou dans la maison Art Nouveau de Gardel.
Je ne suis pas sûre que ce soit dans les maisons les plus huppées qu'on trouve le plus d'amour familial ni la chaleur de la solidarité fraternelle...
Ceci pour dire finalement que, puisqu'il paraît qu'il s'agit de la fin de la saga, je vais regarder avec intérêt le sujet du prochain roman de cet auteur.